LE SANCTUAIRE DES DRUIDES
LES DRUIDES SAISON 2 ANNEXE 24
Le sanctuaire des druides comporte quelques talismans indispensables à la quête du héros.
À LA DÉCOUVERTE DU SANCTUAIRE DES DRUIDES
Les druides sont des astronomes, des spécialistes du mouvement des astres, c’est César qui mentionne cette information essentielle dans un de ses textes :
En outre, ils (les druides) se livrent à de nombreuses spéculations sur les astres et leurs mouvements, sur les dimensions du monde et celles de la terre, sur la nature des choses, sur la puissance des dieux immortels et leurs attributions, et ils transmettent ces doctrines à la jeunesse[1].
Or, le sanctuaire qui figure dans le ciel étoilé comporte quelques éléments indispensables que l’on retrouve, par un effet miroir, dans tous les sanctuaires réels, suivant la formule hermétique et alchimique : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».
Le lien rentre le ciel et la terre est également présent dans le nom gaulois du sanctuaire : le nemeton. Proche du latin nemus « bois sacré » et du grec nemos « bois ». En gaulois nemo(s) signifie « ciel » et est proche du vieil-irlandais nemed « sacré ». Le nemeton est donc un projection d’un morceau de ciel sur la terre, ce qui rend le site particulièrement sacré.
Les quelques éléments qui se trouvent dans le sanctuaire druidique sont absolument indispensables pour que l’ordre terrestre reflète l’ordre céleste.
L’AXE TERRESTRE
Le premier élément central du sanctuaire des druides et de nombreuses autres religions du monde antique est l’axe terrestre (axis mundi) qui dans l’esprit des anciens soutient la voûte céleste.
Pour les druides l’arbre sacré, qui peut également être un pilier, correspond à l’axe terrestre qui soutient la voûte céleste. L’acte d’abattre cet axe déclenche la fin du monde. Sur la voûte céleste on peut voir la constellation du Taureau et les Pléiades (image symbolique). (Dessin : JPS2023).
Cet axe est la connexion entre le ciel et la terre, il est aussi appelé axe cosmique ou pilier du monde. Autour de cet axe, qui pointe en direction du centre du ciel étoilé, s’enroule la constellation du Dragon (Draco).
La constellation du Dragon semble s’enrouler autour de l’axe terrestre. (Dessin JPS2023).
Abattre cet axe primordial revient à faire tomber le ciel étoilé sur la terre (le fameux « ciel qui tombe sur la tête des Gaulois »). Voir à ce propos SAISON 2 ÉPISODE 12 Esus le destructeur de mondes
Dans la pratique, cet axe, d’une importance majeure, est figuré dans le sanctuaire sous la forme d’un arbre remarquable par certains détails. Sa majesté, sa grande taille, son grand âge, le fait qu’il ait été frappé par la foudre ou encore qu’il porte dans ses branches des boules de gui sont des signes de son élection pour être le roi des arbres. Si cet axe terrestre est le plus souvent représenté par un arbre, il peut également prendre la forme d’une colonne en pierre ou encore celle d’un simple pilier en bois.
L’ARBRE ET LE SERPENT
Le gobelet en or de Lyon est exemple admirable de l’utilisation du motif de l’arbre et du serpent dans l’iconographie celtique. Sur ce gobelet ne sont pas représentées des scènes quelconque du quotidien, mais une illustration des croyances des druides. Tous les personnages, objets ou animaux sont des éléments célestes. Le canidé à côté de l’arbre est par exemple la figuration de la constellation du Loup (Lupus). Constellation très ancienne qui remonte à la Mésopotamie et qui dans les temps anciens était beaucoup plus visible que de nos jours. Voir à ce sujet SAISON 1 ANNEXE 8 La précession des équinoxes
La constellation du Dragon s’enroule autour de l’arbre cosmique. Gobelet aux dieux gaulois en argent. Musée de la civilisation gallo-romaine, Lyon.
À propos du serpent et de l’arbre, voir SAISON 2 ÉPISODE 13 L’arbre de vie
LE BÂTON DE COMMANDEMENT
Pour des raisons pratiques lors des offices religieux, cet axe cosmique peut prendre une taille réduite et devenir le bâton de pouvoir de tout sage qui se respecte, de Merlin des récits arthuriens à Gandalf du Seigneur des Anneaux. Le bâton d’Aaron qui a été déposé dans l’Arche d’Alliance est un autre exemple. Ce bâton peut prendre un format encore plus réduit et se transformer suivant les besoins en baguette magique ou en sceptre, symbole de souveraineté.
Illustration fantaisiste d’un druide celtique de l’ancienne Grande-Bretagne par William Stukeley dans son livre de 1740.
L’ÉTOILE POLAIRE
Le deuxième élément d’une importance capitale dans le sanctuaire des druides est l’étoile polaire, point central du firmament autour duquel tournent les étoiles et les constellations. Voir SAISON 1 ANNEXE 9 L’étoile polaire
Photographie à longue pose en direction du pôle Nord céleste qui démontre que le ciel étoilé tourne autour de ce point. L’image montre également que l’étoile Polaire actuelle ne correspond pas exactement avec le pôle Nord céleste. Source : www.stelvision.com
Dans la pratique, c’est une pierre sacrée, appelée omphalos (le nombril du monde) qui représente comme son modèle céleste le centre du monde. L’omphalos de Delphes en Grèce en est un des exemples les plus connus.
Serpent barbu enroulé autour de l’omphalos de Delphes Monnaie en bronze de Pergame en Mysie, v. 133-16 avant notre ère.
Dans le sanctuaire des druides, cette pierre ovoïde est appelée l’œuf de serpent. Dans l’idéal, c’est une pierre tombée du ciel, c’est-à-dire une météorite[2].
Météorite de forme ovoïde tombé à Ensisheim (Haut-Rhin) en 1492 et qui peut donner une idée de l’aspect de l’œuf de serpent des druides.
Objet céleste rare, la météorite peut être remplacée par une pierre arrondie en forme de borne comme à Delphes. Il existe plusieurs de ces bornes dans le monde celtique dont celle de Kermaria.
Bétyle de Kermaria. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / Guy Vivien. Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale et Domaine national de Saint-Germain-en-Laye.
LE SANCTUAIRE PORTATIF
L’Arche d’Alliance par exemple, est un coffre en acacias qui contient un bétyle. C’est omphalos est transportable, ce qui est en adéquation avec un peuple nomade à l’origine. Dès que l’on s’arrête, le lieu où est entreposé le coffre avec son précieux contenu devient sacré et figure le centre du monde. Ce n’est que plus tard que les Hébreux ont construit le temple de Jérusalem pour y déposer l’Arche d’Alliance. La ville est aujourd’hui encore sacrée pour les trois religions monothéistes, ce qui signifie que l’Arche est encore présente quelque part dans un des nombreux souterrain qui parsèment le sous-sol de la ville sainte. Une redécouverte de l’Arche semble toutefois compromise puisque les fouilles sous le temple de Jérusalem sont interdites et le sujet est hautement explosif. Dans ce coffre en bois est entreposé, entre autres, l’axe cosmique, sous la forme du bâton d’Aaron et la pierre sacré sous la forme des Tables de la Loi.
Moïse et Josué s’inclinant devant l’Arche, par James Tissot, vers 1900. (Wikimedia Commons).
LES EXPÉDITIONS DE BRENNOS
Dans la mythologie celtique plusieurs héros dénommés Brennos sont partis à la recherche de plusieurs pierres sacrées des peuples voisins des Celtes. Nom issu du vieux celtique Branos (corbeau) qui par la chute de la syllabe finale a donné en breton, gallois et irlandais Bran, le corbeau. Brennos (Brennus en latin) n’est pas un nom, mais le titre et sans doute le grade initiatique au sein du druidisme d’un chef de guerre qui comme son modèle dans le ciel étoilé se lance dans une expédition pour retrouver un précieux talisman.
Il faut citer l’exemple de Brennus qui a tenté en 387 av. J.-C. avant J.-C. de s’emparer de l’omphalos de Rome, le lapis niger (pierre noire en latin), entreposé sur la colline du Capitole (de caput « tête »). D’après le nom, il est probable que cette pierre était en fait une météorite, il n’en reste qu’une copie. L’expédition de Brennus est un échec d’un point de vue religieux. La pierre doit encore être présente à Rome puisque la ville est toujours un centre sacré, malgré le changement de religion.
Aujourd’hui on appelle lapis niger une stèle de tuf blanc (?), datable des environs du Ve siècle av. J.-C., comportant une inscription difficilement déchiffrable en latin archaïque qui menaçait de malédiction (Qui violera ce lieu sera maudit) quiconque oserait troubler le lieu sacré dans lequel la pierre était entreposée.
Stèle du Lapis niger, Musée des Thermes de Dioclétien. (Wikimedia Commons).
Un autre Brennus a osé attaquer Delphes en 279 av. J.-C. pour dérober l’omphalos déposé dans le sanctuaire central des Grecs. Dans ce cas également, il n’en reste qu’une copie. La pierre originale a disparu et le sanctuaire est une ruine. La pierre n’est plus là.
« Omphalos », copie d’époque romaine, Musée archéologique de Delphes. (Wikimedia Commons).
Ou encore un certain Brennius qui a attaqué le sanctuaire de Stonehenge pour s’emparer du talisman entreposé dans l’enceinte sacrée. Là encore, la pierre a disparu et le sanctuaire est à l’état de ruine.
Il faut également citer Bran le Béni qui a organisé une expédition vers l’Irlande pour récupérer le chaudron de résurrection. Le centre sacré de l’île se situe à Tara, où est entreposée une autre pierre sacrée, la pierre de souveraineté, la pierre de Fal. Il est certainement intéressant de noter qu’en sanscrit Tārā signifie « étoile ». Dans ce cas , la pierre également a disparu et le site est en ruine. Il existe en Écosse une pierre de souveraineté, la pierre de Scone, sur laquelle les souverains britanniques sont couronnés et qui est rattachée à la pierre irlandaise. La pierre de Scone n’est visiblement pas une météorite, donc ce n’est cette fois encore qu’une copie de la pierre originelle.
La pierre de Scone ou «pierre du destin» en grès jaune. Elle mesure environ 67 cm de long sur 27 cm de large et 42 cm d’épaisseur. Historic Environment Scotland
La plupart des pierres tombées du ciel ont mystérieusement disparu, soit il n’en reste que des copies soit elle sont encore enfouies dans le sous-sol des villes sacrées sans que personne ne puisse les atteindre.
Il semble que la première préoccupation des anciens lors d’une attaque ennemie était de bien cacher ces pierres sacrées avant de sauver leur propre vie. Le souvenir de l’endroit précis où est enfoui ce trésor était perdu avec la disparition des derniers gardiens dans le chaos engendré par la destruction de la ville et du sanctuaire. Ces pierres sacrées ont une immense portée religieuse et sont bien plus importantes que l’or et l’argent entassé dans les temples.
Voir également SAISON 2 ÉPISODE 21 La Quête du Graal
Les éléments du sanctuaire reviennent de façon récurrentes dans tous ces récits et il est remarquable qu’aucun de ces objets n’a été retrouvé. Ce sont toujours des copies, l’origine non-météoritique des pierres le prouve. En tous cas, il semble que les druides ont voulu à travers les chefs de guerre portant le nom du corbeau s’emparer par la force des pierres sacrées de leurs voisins. À quel dessein ?
Les différents Brennos ont-ils été envoyé par les druides pour dérober les pierres sacrées de leurs voisins pour établir une sorte de super centre sacré en Gaule réunissant toutes les pierres sacrées du monde antique en un même lieu ?
LE CENTRE SACRÉ DES GAULES
Il n’y a qu’un seul sanctuaire central en Grèce, dans le monde romain, en Grande Bretagne et en Irlande. Donc logiquement, il n’y en qu’un seul en Gaule. C’est d’ailleurs ce que dit César en mentionnant le locus consecratus des Carnutes et qui désigne le centre sacré de la Gaule.
Tous ces druides n’ont qu’un seul chef dont l’autorité est sans bornes. À sa mort, le plus éminent en dignité lui succède ; ou, si plusieurs ont des titres égaux, l’élection a lieu par le suffrage des druides, et la place est quelquefois disputée par les armes. À une certaine époque de l’année, ils s’assemblent dans un lieu consacré sur la frontière du pays des Carnutes, qui passe pour le point central de toute la Gaule. Là se rendent de toutes parts ceux qui ont des différends, et ils obéissent aux jugements et aux décisions des druides. (César, Guerre des Gaules, VI, 13).
César donne trois information essentielles. Dans ce centre sacré se tient chaque année l’assemblée des druides. Le conquérant mentionne également chez les druides un chef suprême tout puissant. César situe ce centre sacré sur la frontière du pays Carnutes.
Localiser ce centre signifie peut-être retrouver les objets sacrés des druides. Chartres tire son nom actuel de celui du peuple des Carnutes. Il n’est peut-être pas anodin que les anciens ont édifiés une des plus grandes cathédrales de France précisément à Chartres. Il faut également évoquer la découverte d’un très grand site cultuel à Chartres. En effet, le sanctuaire de Saint-Martin-au-Val est considéré actuellement comme le plus grand de Gaule. Ce site comprend une gigantesque construction de 300 x 200 m et s’étend sur 6 ha, l’ensemble est daté entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère. Le fameux centre sacré de la Gaule ?
Autricum (Chartres antique) était dotée d’un des plus grands sanctuaires de la Gaule romaine connus à ce jour. Ce dernier dit de « Saint-Martin-au-Val » est implanté à moins d’un kilomètre au sud du centre administratif et politique de l’époque antique. Dessin : Thierry Duchesne. Source : archéologie.chartres.fr
Les premiers travaux sur le site gallo-romain ont débuté aux environs des années 70-80 de notre ère. Date trop tardive pour avoir contenu les pierres sacrées originelles, mais démontre néanmoins l’importance du lieu. Il y a évidemment le site gaulois à proprement parler sous celui-ci. Cependant comme dans beaucoup de sanctuaires centraux, les pierres ont disparu et les Romains ont trouvé un temple vide puisqu’il n’est fait nulle part aucune mention dans les textes anciens d’une prise de guerre sortant de l’ordinaire. Où sont les pierres sacrées ? Sous la cathédrale ?
LES MESSAGÈRES DES DIEUX
Les Romains étant eux aussi friands de pierres sacrées, comme le démontre l’installation en grande pompe de la pierre noire d’Émèse à Rome en 218 de notre ère. On disait que cette pierre était tombée du ciel, elle rentrait donc dans la catégorie des bétyles aérolithiques.
Monnaie d’Monnaie d’Uranius Antoninus frappée en la cité d’ Émèse figurant la pierre noire d’Émèse. (Wikimedia Commons).
Les météorites comportent parfois ce qu’on appelle des regmaglyptes (aussi appelées « empreintes digitales »), des lignes, des sillons ou aspérités en forme de creux que les anciens ont interprétés comme les signes d’une écriture divine gravé par le doigt de Dieu. Ce qui semble bien être le cas de la pierre, et de ses 10 commandements inscrit dessus, contenue dans l’arche d’alliance. Ces étranges motifs sont provoqués lors de la chute du corps céleste par la chaleur dégagée par la friction atmosphérique qui vaporise les éléments les plus volatils
Météorite de Willamette, tombée en 1906 en Oregon, d’un poids de plus de 14 tonnes, présentant des regmaglyptes caractéristiques (exposée au musée américain d’histoire naturelle de New York). Source : astrosurf.com.
César mentionne également « une certaine époque de l’année » qui ne peut être dans le cas du plus important sanctuaire gaulois que la fête la plus importante du calendrier gaulois : Samonios, le 1ernovembre. De nos jours intégralement récupéré par deux fêtes, l’une religieuse, l’autre païenne. La Toussaint chrétienne qui célèbre la communauté des vivants et des morts et Halloween sorte de carnaval d’automne. Le carnaval, qu’il soit de printemps ou d’automne, étant une incursion des morts dans le monde des vivants pendant une durée déterminée.
L’OEUF DE SERPENT DES DRUIDES
Pourquoi cette appellation d’œuf de serpent ?
Parce que autour de 2700 av. J.-C., l’étoile polaire se situait dans la queue de la constellation du dragon, le grand serpent céleste. ce qui donne dans la pratique l’image d’un serpent lové autour d’un œuf.
Le serpent enroulé autour de l’œuf cosmique (gravure du XIXe siècle)
Dans les légendes, cette étoile est souvent symbolisée par une pierre précieuse : diamant ou rubis.
Trajet de l’axe du pôle nord sur la voûte céleste sous l’effet du mouvement de la précession des équinoxes, à noter l’étoile polaire (Polaris) actuelle à la pointe de la queue de la Petite Ourse et l’étoile polaire vers 2700 av. J.-C. dans la queue de la constellation du Dragon (en rouge). JPS2023
Ce qui est aussi le cas dans la mythologie celtique, notamment dans un récit gallois mettent en scène un héros dénommé Peredur (l’équivalent gallois du Perceval de Chrétien de Troyes). Après quelques aventures, Peredur doit s’emparer d’une pierre précieuse qui se trouve dans la queue d’un serpent. Un chevalier noir lui dit ceci :
Seigneur, voici : c’est en me battant avec le serpent noir du Carn[3]. Il y a un monticule qu’on appelle Cruc Galarus (le Tertre douloureux), et sur ce monticule il y a un carn, dans le carn un serpent, et dans la queue du serpent une pierre. La pierre a cette vertu que quiconque la tient dans une main peut avoir, dans l’autre, tout ce qu’il peut désirer d’or. C’est en me battant avec le serpent que j’ai perdu mon œil[4].
Le héros gallois tue le serpent et récupère la pierre précieuse et la donne à son vassal Etlym à l’Épée rouge. Cette pierre ressemble à la pierre philosophale des alchimistes qui transforme le plomb en or et qui permet de fabriquer l’élixir de longue vie. La mention d’un chevalier noir et d’un chevalier rouge n’est pas fortuite. Pour réaliser le Grand Œuvre[5], l’alchimiste doit passer par les étapes Nigredo, Albedo, Rubedo (œuvre au noir, au blanc et au rouge). Peredur étant dans ce cas le chevalier blanc.
LA TÊTE COUPÉE
L’autre astre très importante pour les druides est l’étoile Algol de la constellation de Persée. Étymologiquement, Algol dérive de l’arabe ra’s al-ghoul : « la tête (ra’s) de l’ogre (al-ghoul). Cette étoile est figurée sous la forme d’une tête coupée. Chez les Grecs c’est la tête de la gorgone Méduse, une femme-serpent qui peut pétrifier un adversaire avec son seul regard. Cette étoile devient chez les druides, la tête coupée du géant anguipède, qui prend généralement la forme d’un homme avec le bas du corps en forme de serpent.
Dans les sanctuaires celtiques, il était habituel d’exposer nombres de têtes coupées prélevées sur des adversaires vaincus. Reconstitution du dépôt d’armes et de têtes coupées du site du Cailar, dans le Gard, et ses trophées impressionnants. Crédits: David Geoffroy (court-jus production), L. Pernet et R. Roure.
Cependant une de ces têtes devait être particulièrement importante puisqu’elle avait une fonction oraculaire[6]. Comme celle d’Orphée en Grèce et celle de Bran le Béni au Pays de Galles.
Ce culte de la tête coupée existe également en Égypte puisque d’après le mythe, Osiris a été tué et démembré par son frère Seth et que se sont les prêtres du temple d’Abydos qui se sont vus confier la garde de la tête d’Osiris conservée dans un reliquaire. Abydos devenant ainsi le principal lieu de culte du dieu Osiris.
Le roi aidé d’Isis oint le fétiche d’Osiris. Le reliquaire contenant la tête d’Osiris est posé sur un pilier.
LE SANCTUAIRE GAULOIS
Il existe dans l’iconographie gauloise la représentation d’un temple avec des têtes qui sont spécialement mises en valeur. Il s’agit du vase à bustes de Sains-du-Nord. Le principal décor de ce vase est un temple à galerie périphérique vu en coupe. Dans la pièce principale se tient la statue du dieu Mercure que l’on reconnait grâce au caducée qu’il tient dans sa main. Or Mercure peut être assimilé au dieu Cernunnos. De part et d’autre de cette pièce centrale deux têtes sont représentées (l’une n’est hélas plus visible).
Le vase à bustes de Sains-du-Nord représentant un temple à galerie en coupe. Cliché Département du Nord, Forum antique de Bavay, E. Watteau.
Des chercheurs ont avancé l’hypothèse que les têtes sont des bustes d’un empereur romain. Alors qu’il s’agit plus probablement de deux têtes coupées posées sur un rocher. Ce qui fait immanquablement penser à la tête corrosive du héros Cúchulainn qui fait fondre la pierre et qui passe au travers. Les dieux celtiques sont souvent figurés entourés par deux personnages à l’instar des représentations que l’on retrouve sur plusieurs plaques du chaudron de Gundestrup. Voir SAISON 1 ÉPISODE 1 Chaudron de Gundestrup, les images
Le personnage central est Orion, le personnage de gauche est encore une fois Orion, celui de droite est Cernunnos. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet
LE GRAND SECRET
Le grand secret de ces images est leur composition. Le personnage central est un dieu par exemple Orion. Reconnaissable au fait qu’il ne porte pas de torque au cou contrairement à son alter égo Cernunnos dont c’est un des accessoires qui permet de l’identifier. Sur la plaque du Maître des animaux il tient un torque bien en évidence pour le signifier aux distraits. Même si la déesse-mère en porte un également. Il faut revenir à Orion personnage principal de la scène avec un buste énorme. Pour bien comprendre les croyances des druides, il faut garder à l’esprit une notion essentielle de la Religion des Étoiles : le dédoublement des dieux dans les images. Orion et Cernunnos forment un couple de jumeaux. Sur le chaudron de Gundestrup, chacun de ces dieux est entouré par deux figures secondaires qui sont des représentations d’eux même.
UN MYTHE SAISONNIER
Prenons l’exemple de l’image ci-dessus, elle montre Orion en majesté entouré par deux personnages. Or, celui de gauche est encore une fois Orion facilement reconnaissable grâce à son chien. Celui de droite est une représentation de Cernunnos en compagnie d’un de ses animaux fétiches, le cheval ailé. L’inverse est vrai également, les plaques qui montrent Cernunnos, celui-ci est toujours entouré par Orion à gauche et lui-même à droite.
Pourquoi un tel dédoublement ?
Parce que le personnage central est un dieu, alors que les petits personnages sont les protagonistes d’un mythe. Les druides ont ainsi fait une différence entre Orion et Cernunnos en tant que divinité et Orion et Cernunnos, les héros d’une histoire. Pourtant ce sont les mêmes figures divines, mais dans le mythe Orion et Cernunnos meurent à tour de rôle de façon cyclique. Le grand personnage est donc un dieu immortel et le petit personnage est un mortel qui doit traverser différentes épreuves, dont l’une des plus importantes est la mort. Car ces mythes sont basés sur des cycles saisonniers de mort et de renaissance. Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 28 Le dédoublement des dieux
LA TÊTE D’UN DIEU
Il faut cependant revenir en arrière et se poser la question. Qui est ce géant anguipède ?
Si Orion est parfaitement reconnaissable grâce à la présence de certains animaux, un chien ou deux corbeaux ou encore grâce à son combat contre un taureau. Orion reste avant tout le Grand Chasseur, il ne se transforme pas en animal et garde toujours une apparence humaine. Même si Orion, à travers ses avatars, peut porter un nom basé sur celui d’un animal, le chien avec Cúchulainn (qui signifie le Chien de Culann), le corbeau avec Brennos (Bran signifie corbeau). Voir à ce sujet SAISON 2 ANNEXE 30 Le héros aux mille visages
Avec Cernunnos, c’est le contraire, il est le Maître des animaux. Il incarne et défend le gibier face au chasseur.
Le dieu Cernunnos entouré par des animaux. À noter le torque dans la main du dieu qui est la figuration de la constellation de la Couronne Boréale (Corona Borealis) qui est formée d’étoiles disposée en arc de cercles. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet
Il est le Maître des transformations qui suivant les circonstances peut revêtir l’apparence d’un de ses animaux fétiches. Le cerf, bien sûr, mais également le taureau, le loup et le serpent. C’est ce dernier qui va nous permettre de déterminer l’identité de la tête coupée oraculaire qui est vénérée dans le sanctuaire druidique. Dans le ciel étoilé, c’est la tête d’un être mi-humain mi-serpent, Méduse chez les Grecs et le géant anguipède, un homme-serpent, chez les Celtes. Cet caractéristique ophidienne indique clairement que le géant anguipède est un avatar de Cernunnos.
Le géant anguipède, un être monstrueux mi-homme mi-serpent retrouvé à Tongres. Détail du groupe du cavalier aux géants anguipèdes(vue latérale gauche). (Cliché ACL. Bruxelles). Source : La sculpture d’époque romaine dans le Nord, dans l’Est des Gaules et dans les régions avoisinantes, Responsabilité scientifique et édition Hélène Walter, Collection Annales Littéraires, Presses Universitaires Franc-Comtoise, Besançon, 2000, Jean Mertens, Interférences culturelles aux confins des provinces de la Germania Inferior et de la Belgica :Tongres et la sculpture provinciale au II esiècle, Planche IX, Jean Mertens, p. 267.
LE DIEU AUX DRAGONS
Car Cernunnos est le Maître des dragons et des serpents. Cernunnos est plusieurs fois représenté sur le chaudron de Gundestrup, notamment lorsqu’il serre dans sa main le serpent à tête de bélier ou lorsqu’il maîtrise deux dragons.
Le dieu Cernunnos maîtrisant deux dragons. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet
Selon la tradition celtique, ces deux dragons ont deux couleurs différentes, l’un blanc et l’autre rouge.
Vortigern témoin de la lutte entre le Dragon Rouge et le Dragon Blanc. Illustration issue du Historia regum Britanniae. (Wikimedia Commons).
Cernunnos maîtrise dans ce cas les forces contraires, Ying et yang, pour maintenir l’équilibre. Entre création et destruction. Cernunnos est reconnaissable à son torque, au contraire d’Orion qui n’en porte jamais.
LE CHAUDRON SACRÉ
Autre objet indispensable qui est entreposé dans le sanctuaire des druides : le récipient sacrificiel. Coupe dans le ciel étoilé et dans le Christianisme (Graal). Il est plutôt un chaudron dans les traditions celtiques et grecques. À l’instar du chaudron de Gundestrup ou de l’Holmos, un chaudron posé sur trois pieds du sanctuaire de Delphes. Voir également SAISON 1 ANNEXE 13 Les chaudrons celtiques
Apollon affrontant le serpent Python. Entre les deux, le chaudron à trois pieds symbole de Delphes, Statère, Crotone, Lucanie, vers 420 av. J.C.
La présence dans les mythes de deux objets différents (chaudron ou coupe) n’est pas contradictoire puisqu’il faut lors du service religieux un grand récipient et un plus petit avec lequel on peut puiser le liquide sacré (vin, hydromel, sang etc.) contenu dans l’objet le plus grand. Dans la pratique, ces deux objets on été retrouvés ensemble dans une même sépulture, par exemple à Vix, la tombe d’une princesse celte datée d’environ 530 ans av. J.-C. Il s’agit d’un énorme récipient, le cratère, ayant une capacité de plus de 1 000 litres.
Le Cratère de Vix en bronze utilisé pour contenir le vin, découvert en 1953 dans la tombe de Vix, sépulture d’une princesse celte à Vix (Côte-d’Or), et daté d’environ 530 ans av. J.-C. Il est aujourd’hui conservé et exposé au musée du Pays châtillonnais, à Châtillon-sur-Seine. (Wikimedia Commons).
Auquel il faut rajouter un récipient plus petit retrouvé dans la même tombe, une phiale, bol évasé en argent, d’un diamètre d’environ 25 centimètres, portant en son centre un renflement nommé omphalos, orné d’une feuille d’argent dorée.
La phiale d’argent de la tombe de Vix. monumentum.fr/monument-historique
La présence de cet omphalos sur une coupe sans pied montre bien que cet objet a été utilisé dans un sanctuaire central lors des offices religieux.
LES AUTRES ÉLÉMENTS DU SANCTUAIRE
Le sanctuaire comporte encore d’autres éléments importants. Comme par exemple les armes sacrées (lances, épées, boucliers et casques) qui sont consacrées aux dieux et qu’il est interdit de toucher au commun des mortels. Ces armes sacrées se retrouvent tout au long des épisodes de la Quête du Graal. La lance sur laquelle perlent des gouttes de sang lors du cortège du Graal. Ou encore l’épée magique que Perceval doit d’abord briser puis ressouder pour montrer qu’il est l’élu, ce qui lui permet ensuite de mener à bien sa vengeance.
Représentation sur un trophée d’une enseigne gauloise sur laquelle figure un sanglier, Arc d’Orange. Source : L’Archéologue N°165.
Dans les temps les plus anciens, l’épée est une figuration abstraite du dieu de la Guerre à une époque où un interdit religieux prohibait la représentation des dieux. C’est une épée plantée dans le sol pour être exact, mais pas n’importe où, à l’endroit précis où l’ennemi ploie sous le choc de l’attaque durant une bataille et recule. Cet endroit précis devient sacré, tabou même, et autour on construit un sanctuaire dédié au dieu de la Guerre qui a permis la victoire. L’épée fichée dans un rocher (ou une enclume) qui donne à l’élu la souveraineté à l’instar du Roi Arthur n’en est qu’une variante.
La fameuse scène du film Merlin l’Enchanteur (1963) au cours de laquelle le jeune Arthur retire l’épée de l’enclume. ©Disney
À ne pas confondre l’Épée du Rocher avec Excalibur qui sont deux armes distincte. Excalibur est donnée à Arthur par la Dame du Lac.
LA SOURCE SACRÉE
Dans le sanctuaire des druides, il y a également une source sacrée ou une fontaine qui fournit l’eau pure pour les libations rituelles. Cette source n’est pas l’élément principal du sanctuaire, mais un élément auxiliaire indispensable pour les rites de purifications qui est cependant toujours proche du sanctuaire principal. Pour preuve, les Grecs n’ont pas construit le Saint des Saints du temple de Delphes autour de la source Cassotis, mais il ont construit une canalisation qui apporte l’eau de la source directement dans le Saint des Saints. L’eau de cette source peut acquérir un fonction guérisseuse (comme à Lourdes) et est également à l’origine du mythe de la fontaine de jouvence, qui procure la jeunesse éternelle.
LE PUITS DES ÂMES
Autre élément central du Saint des Saints, une fosse creusée dans le sol pour entrer en contact avec les défunts ou les dieux des Enfers. Cette fosse ou puits doit être creusé à l’aide d’une épée comme le fait Ulysse dans l’Odyssée pour appeler les morts, notamment le devin Tirésias. Le héros au cours d’un rituel appelé Nekuia creuse une fosse carrée et tue une brebis noire. Le sang répandu dans la fosse attire les morts. Un tel puit permet d’établir le contact avec l’Au-delà et sert à communiquer avec les âmes des défunts. Ce rite est représentée sur un cratère à figures rouges.
Ulysse consulte Tirésias aux Enfers, Cratère à figures rouges (440-390 avant JC), Paris, Bibliothèque Nationale, Cabinet des Médailles. © Serge Oboukhoff, BnF-CNRS-MSH Mondes
Ulysse est assis, glaive à la main, sur un monticule de pierres. La dépouille d’un bélier égorgé git à ses pieds, le sang se répand dans la fosse et attire les défunts. Il est entouré de deux personnages masculins, probablement Euryloque et Périmèdes, les compagnons qui l’aident dans l’accomplissement du rituel. Dans la partie inférieure gauche, la tête du devin Tirésias émerge de la fosse pour s’adresser à Ulysse.
Détail du cratère qui montre la tête du devin qui émerge de la fosse. © Serge Oboukhoff, BnF-CNRS-MSH Mondes
Une telle fosse à été retrouvée dans le sanctuaire de Gournay-sur-Aronde (Oise) dans laquelle devait être déposé un animal sacrifié. La carcasse reste dans la fosse pendant la décomposition et ses humeurs s’infiltrent ainsi dans les profondeurs de la terre. De biens étranges rituels se déroulaient dans les sanctuaires druidiques.
Les religions sont plus conservatrices que les sociétés, c’est pourquoi le rituel gaulois, issu d’un ancêtre commun, ne devait guère différer des procédures grecques de la Nekuia. Ce genre de pratiques rituelles peuvent traverser les millénaires sans changement, transmises au sein de confréries de maître à élève. Tout est important, les gestes, les mots, mais aussi le rythme et l’intonation des incantations qui pour être encore plus verrouillées et intangibles sont souvent versifiées et psalmodiées. Le chaudron de Gundestrup démontre que les druides ont été particulièrement conservateurs puisqu’ils ont transmis fidèlement une Religion de Étoiles qui existe déjà en Anatolie plus de 10 000 ans avant notre ère. Voir à ce propos Découverte sensationnelle d’un bas-relief vieux de 11 000 ans en Turquie
LA TOMBE D’UN DIEU
Dans le sanctuaire de Delphes, il y a encore la tombe d’un dieu (celle de Dionysos, du Serpent Python ou même d’Apollon, selon les sources). Cette incertitude de l’occupant de la tombe n’est pas anormale puisqu’elle est basée sur la Religion de Étoiles qui prône une alternance entre les dieux, des jumeaux, qui règnent sur le sanctuaire. L’un des jumeaux règne sur la période claire de l’année (printemps, été) et le second sur la période sombre de l’année (automne, hiver). Les deux meurent et renaissent à tour de rôle pour occuper le trône. C’est pourquoi il n’y a pas toujours le même dieu dans cette tombe. Mais cette connaissance très ancienne à été perdue et même les auteurs de l’Antiquité ne savent plus vraiment les raisons de cette confusion.
DES STATUES INFORMES
Toujours à Delphes, il y a également la « statue » d’un dieu, en fait une effigie en bois (xoanon en grec) qui n’a pas d’apparence humaine. Ce qui semble être également le cas dans les sanctuaires celtique puisque Lucain décrit dans un des ses textes de telles « statues » informes. Texte de propagande romain, dramatisé au maximum pour montrer que les Celtes sont des barbares assoiffés de sacrifices humains qu’il faut combattre. Néanmoins, l’auteur donne une des seules descriptions d’un sanctuaire gaulois.
Il y avait un bois sacré, qui, depuis un âge très reculé, n’avait jamais été profané, il entourait de ses rameaux entrelacés un air ténébreux et des ombres glacées, impénétrables au soleil. Il n’est point occupé par les Pans, habitants des campagnes, les Sylvains maîtres des forêts ou les Nymphes, mais par des sanctuaires de dieux aux rites barbares ; des autels sont dressés sur des tertres sinistres et tous les arbres sont purifiés par le sang humain. S’il faut en croire l’antiquité admiratrice des êtres célestes, les oiseaux craignent de se percher sur les branches de ce bois et les bêtes sauvages de coucher dans les repaires ; le vent ne s’abat pas sur les futaies, ni la foudre qui jaillit des sombres nuages. Ces arbres qui ne présentent leur feuillage à aucune brise inspirent une horreur toute particulière.
Une eau abondante tombe des noires fontaines ; les mornes statues de dieux sont sans art et se dressent, informes, sur des troncs coupés. La moisissure même et la pâleur qui apparaît sur les arbres pourris frappent de stupeur ; ce que l’on craint ainsi, ce ne sont pas les divinités dont une tradition sacrée a vulgarisé les traits ; tant ajoute aux terreurs de ne pas connaître les dieux qu’on doit redouter ! Déjà la renommée rapportait que les tremblements de terre faisaient mugir le fond des cavernes, que des ifs courbés se redressaient, que les bois, sans brûler, brillaient de la lueur des incendies, que des dragons, enlaçant les troncs, rampaient çà et là. Les peuples n’en approchent pas pour rendre leur culte sur place, ils l’ont cédé aux dieux. Que Phébus soit au milieu de sa course ou qu’une nuit sombre occupe le ciel, le prêtre lui-même en redoute l’accès et craint de surprendre le maître de ce bois[8].
Lucain décrit un bois sacré très ancien dans lequel des autels sont dressées au milieu des arbres. Il signale également la présence de fontaines, des cavernes et des statues informes.
Pausanias dans sa Description de la Grèce, décrit le xoanon de la déesse Héra dans son temple de Samos de la façon suivante.
La statue de l’Héra samienne était d’abord une poutre en bois, mais plus tard, lorsque Proklès était souverain, elle a été humanisée dans sa forme.
Comme en Grèce dans les plus temps anciens, ces statues informes des divinités gauloises avaient sans doute l’apparence d’une simple poutre en bois.
UN INTERDIT RELIGIEUX
Les Grecs ont ensuite opéré une révolution dans leur manière de représenter les divinités en prêtant une apparence humaine aux dieux. En passant du poteau informe à la sculpture grecque classique. Ce changement dans les pratiques, les Celtes ne l’ont accompli que très tardivement et encore sous la contrainte. Il a fallu la défaite d’Alésia et la chute de la Gaule indépendante — un cataclysme — pour que les druides abandonnent un de leurs interdits majeurs, la non-représentation des dieux. Voir à ce propos SAISON 1 ANNEXE 25 Les druides et la non-représentation des dieux
C’est la crainte de voir disparaître leur religion qui les a obligé de mettre leurs croyances en image sur le chaudron de Gundestrup.
Chaudron qui est en quelque sorte le testament des druides.
L’ÉLÉMENT PRINCIPAL DU SANCTUAIRE
Il ne faut pas oublier un dernier élément, le gardien du sanctuaire : le dragon. On peut noter qu’un serpent est présent à coté de presque chaque objet décrit dans ce texte. Suivant les cas, il y a même plusieurs dragons comme à Delphes avec le couple Python, le dragon mâle et Delphyné, le dragon femelle. Ces deux dragons ont également des modèles dans le ciel étoilé : la constellation du Dragon (Draco) et la constellation de l’Hydre (Hydra). L’image de cet axe central et des deux serpents enroulés autour sont également à l’origine du caducée.
Caducée de Lémenc en bronze, Ier-IIe siècle après J.-C., découvert à Chambéry en 1826, Baguette ailée autour de laquelle sont enroulés deux serpents dessinant un 8. (Musée savoisien, Chambéry, Savoie). (Wikimedia Commons).
Dans la pratique, on ne peut pas exclure que les gaulois ont élevés de vrais serpents dans les sanctuaires comme semble l’indiquer Lucain dans son texte avec la mention de « dragons, enlaçant les troncs, rampaient çà et là ».
LE CULTE DU SERPENT
Le culte du serpent était largement répandu dans le monde antique, y compris la vénération de serpents vivants. Il est absolument impossible de donner tous les exemples de culte du serpent durant l’Antiquité tellement ils sont nombreux. C’est pourquoi il faudra se contenter de quelques exemples significatifs.
En Grèce, on donnait aux temples dédiés au culte du serpent le nom de draconia[9], c’est-à-dire la maison du serpent. Pour les anciens, les mots serpent et dragon sont interchangeables, le dragon n’étant qu’un serpent monstrueux. Le dragon de Delphes est représenté sur une monnaie comme un gros serpent. Voir à ce propos SAISON 1 ANNEXE 11 Les métamorphoses du dragon
La Bible mentionne le culte d’un serpent vivant à Babylone. Lorsque le roi de Babylone met la foi du prophète Daniel à l’épreuve en lui présentant son dieu serpent.
Il y avait aussi un grand serpent, qui était vénéré par les Babyloniens.
Le roi dit à Daniel : « Tu ne peux pas dire que celui-ci n’est pas un dieu vivant. Adore-le donc ! [10]
Il semble évident d’après le récit de Daniel que l’ophidien vénéré à Babylone est un animal parfaitement vivant.
Élien signale un cas comparable en Égypte :
À Météli, en Égypte, un serpent habite une tour où il reçoit les honneurs divins. Il a ses prêtres et ses ministres, sa table et sa coupe. Chaque jour ils versent dans sa coupe de l’eau de miel détrempée de farine, et ils se retirent. En revenant le lendemain ils trouvent la coupe vide. Un jour, ajoute Élien, le plus âgé de ces prêtres, poussé par le désir de voir le dragon, entra seul ; mit la table du dieu et sortit du sanctuaire. Aussitôt le dragon arriva, monta sur la table et fit son repas. Tout à coup, le prêtre ouvrit la porte. Le serpent en courroux se retira, mais le prêtre, ayant vu pour son malheur celui qu’il désirait voir, devint fou. Après avoir avoué son crime, il perdit l’usage de la parole et tomba mort[11].
Lucain dit dans son texte à propos du temple gaulois que le prêtre lui-même en redoute l’accès et craint de surprendre le maître de ce bois. Le prêtre égyptien a outrepassé cet interdit de regarder la divinité et l’a payé de sa vie.
LE DIEU SERPENT EN INDE ET EN GRÈCE
Le culte du serpent existe également chez les anciens peuples de l’Inde.
Un serpent joua un rôle considérable au commencement du monde, et un temple est érigé en son honneur à l’est du Maïssour, dans le lieu appelé Ioubra-Manniah. Tous les ans, au mois de décembre, on y célèbre une fête solennelle. D’innombrables pèlerins viennent de fort loin pour offrir au dieu, gardien et protecteur du pays, des adorations et des sacrifices. Beaucoup de serpents ont établi leur domicile dans l’intérieur du temple, où ils sont entretenus et nourris par les brahmes[12].
La Grèce n’est pas exempte du culte du serpent vivant.
À Athènes, on vénérait un serpent vivant comme protecteur de la ville[13] ; on y nourrissait aussi d’autres serpents que l’on interrogeait comme des oracles[14]. Adrien fît construire dans cette ville un temple splendide dont un serpent énorme apporté de l’Inde qui représentait la divinité[15]. Sans doute un python qui peut atteindre une taille respectable. Le python réticulé par exemple (Malayopython reticulatus) par exemple peut atteindre la longueur de 9 mètres pour un poids de 140 kg pour les plus grands spécimens.
En Épire, le serpent avait son sanctuaire dans un bois sacré, où une vierge seule, sa prêtresse, avait accès près de lui. Seule elle, pouvait porter à manger au dieu et l’interroger sur l’avenir. Suivant la tradition du pays, ce serpent descendait du serpent Python de Delphes.
Comme dans le récit de Lucain concernant le sanctuaire gaulois, ce serpent vivait dans un bois sacré.
LE CULTE DU SERPENT À ROME
Près de Lavinium était un bois sacré, sombre, où, dans une caverne profonde, habitait un grand serpent. Des vierges (virginus sacrae)) étaient les seules prêtresses du dieu. Quand elles entraient pour lui donner à manger, on leur bandait les yeux, mais un esprit divin les conduisait droit à la caverne. Si le serpent ne mangeait pas les gâteaux, c’était une preuve que la jeune fille qui les avait présentés avait cessé d’être vierge, et elle était impitoyablement mise à mort[16].
Encore une fois le serpent vit dans un bois sacré et il n’est pas impossible que les Gaulois pratiquait dans le secret de leurs sanctuaires un culte du serpent vivant, comparable à celui des autres peuples de l’Antiquité.
LE SAINT ET LES SERPENTS
Il existe encore de nos jours une fête religieuse au cours de laquelle des serpents vivants jouent un rôle important. C’est la fête de Saint Dominique dans le village de Coccullo dans les Abruzzes en Italie. Tous les premier mai, une statue de St Dominique, bénédictin du Xe siècle et originaire de la région, est portée en procession à travers la foule alors que des centaines de serpents vivants la recouvrent entièrement.
Lors de la Processione dei Serpari, une statue de San Domenico (le saint protecteur contre les morsures de serpent) est recouverte de serpents vivants. La statue est alors portée à travers le village, pendant que des serpents s’enroulent autour d’elle et de ses porteurs. Après une messe sur la place du marché, les serpents sont libérés dans la forêt, afin que les villageois soient protégés des morsures de serpent durant tout le reste de l’année. Source : amabruzzo.fr
La Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus) est le plus grand serpent d’Europe et atteint une longueur maximale de 2.55 m. Comme son nom l’indique, elle est présente dans le sud-est de la France. Comme Lucain décrit son sanctuaire sacré dans les environs de Marseille, on ne peut pas exclure qu’il y avait quelques beaux spécimens de cette couleuvre qui «enlaçaient les troncs et rampaient çà et là »
L’ŒUF DE SERPENT
Le culte du serpent existe aussi dans la mythologie celtique, chez les Gaulois notamment, puisque l’un de leurs talismans les plus précieux est un œuf de serpent.
Pour cela il faut rappeler un autre texte qui dépeint comment un druide pénètre dans l’Autre Monde pour dérober un précieux talisman, l’œuf de serpent :
Il existe, en outre, une autre espèce d’œufs en grand renom dans les Gaules et dont les Grecs n’ont pas parlé. Des serpents s’enlacent + en grand nombre + ; avec leur bave et l’écume de leurs corps ils façonnent une sorte de boule appelée + urinum +. Les druides disent que cette façon d’œuf est projetée en l’air par le sifflement des serpents, et qu’il faut la rattraper dans un manteau sans lui laisser toucher la terre ; que celui qui s’en est emparé doit s’enfuir à cheval, car les serpents le poursuivent jusqu’à ce qu’ils soient arrêtés par l’obstacle d’une rivière […][17].
L’interprétation du mythe est relativement simple et décrit un voyage dans l’Autre Monde, durant lequel un druide fait une incursion dans le royaume des morts et s’empare de l’œuf de serpent. Puis il s’enfuit à cheval (animal psychopompe) poursuivi par des serpents. Les serpents sont tout simplement des défunts, des morts qui prennent une apparence ophidienne. Ce qui est confirmé par les traditions antiques.
On conçoit généralement les habitants de l’Autre Monde sous une forme ophidienne[18].
Car c’est une croyance ancienne que de croire que les défunts se transforment en serpents. Même Pythagore dont l’enseignement semble proche de celui des druides semble adhérer à ce concept de génération spontanée.
Selon Pythagore, il nait un serpent de la moelle épinière d’un cadavre d’homme[19].
Ce qui signifie que se sont les âmes des défunts qui poursuivent le héros et qu’elles sont obligées de s’arrêter aux portes de notre monde, symbolisé par un cours d’eau. Visiblement les défunts ne peuvent pas franchir cette frontière et pénétrer le monde des vivants.
DES DIEUX ET DES HÉROS
Pour terminer il ne manque plus qu’un dernier élément : le héros du mythe. Car les personnages qui attaquent le sanctuaire pour s’approprier les différents objets du culte ne sont pas des inconnus. Puisqu’il s’agit d’Apollon en Grèce, de Brennos pour les Celtes avec ses nombreuses variantes locales, Cúchulainn en Irlande et Peredur au Pays de Galles. Cependant le personnage qui se cache derrière ces différentes identités est toujours le même : Orion. En ce qui concerne Brennos voir SAISON 2 ANNEXE 11 Brennos
Dieu ou héros, ces personnages n’ont qu’un seul objectif, mener une quête pour récupérer les objets qui se trouvent dans le sanctuaire.
Ces épopées préfigurent une aventure qui va durablement marquer les esprits : La Quête du Graal.
Parce que les différents objets du sanctuaire se retrouvent à l’identique dans les différentes versions de la Quête du Graal.
Chez Chrétien de Troyes (Perceval), le graal est un récipient indéterminé qui deviendra chez ses continuateurs un calice ayant contenu le sang du Christ, dont le modèle est le chaudron d’immortalité celtique. Chez Wolfram von Eschenbach (Parzival), le Graal est une pierre tombée du ciel. Dans un conte gallois (Peredur), le Graal est une tête coupée.
Pour comprendre les parallèles existants entre la Quête du Graal et les objets du sanctuaire des druides voir SAISON 2 ANNEXE 13 Le Graal.
Ces objets font également penser aux quatre talismans que les Tuatha Dé Danann ont rapporté des mythiques Îles du Nord du Monde : la lance de Lug, l’épée de Nuada, le chaudron de Dagda et la Pierre de Fal. Soit le chaudron, la pierre et les armes sacrées.
Les différentes versions de la Quête du Graal ne sont que des transpositions de la quête du héros solaire à la recherche des objets entreposés dans le sanctuaire des druides.
On peut se poser la question légitime suivante, que contient le vase sacré, appelé Graal ?
Il contient ce que les Hindous ont appelé Soma, les Perses Haoma, c’est à dire le breuvage d’immortalité. Les Chrétiens en ont fait le vase sacré qui contient le sang du Christ. Le chaudron de Gundestrup est l’illustration d’un tel vase sacré, à la fois un vase (grasale) et un livre (gradale ou graduale). Un livre d’images qui véhicule la tradition druidique.
©JPS2024
[ACCUEIL]
SOURCES :
Pour plus de détail concernant le culte du serpent voir :
Du culte du serpent chez divers peuples anciens et modernes – Persée (persee.fr)
Pour en savoir plus à propos du vase de Sains-du-Nord :
NOTES :
[1] César, Guerre des Gaules, Livre VI, 14, Traduction L.-A. Constans, Les Belles Lettres, Paris, 1989.
[2] Les omphalos de Stonehenge et de Delphes n’ont jamais été retrouvé. À Delphes, il existe une copie ancienne de l’omphalos qui permet de se faire une idée de la pierre originelle.
[3] Aujourd’hui le terme employé est cairn. Le cairn est un monument mégalithique en pierre sèche qui recouvre un ou plusieurs dolmens à couloir.
[4] Peredur ab Evrawc, Les Mabinogion, Contes bardiques gallois, Traduction de Joseph Loth, Les presses d’aujourd’hui, Paris, 1979, p.220. Texte merveilleux qui recèle bien des mystères. L’itinéraire de Peredur est d’ailleurs observable dans le ciel étoilé. Chaque étape du récit représente une constellation. Cependant il faut accoler les récits de Peredur, de Perceval et de Parzival pour obtenir l’itinéraire complet.
[5] En alchimie le Grand Œuvre est la réalisation de la pierre philosophale.
[6] Une tête coupée qui est celle d’un ancêtre ou d’un héros des temps anciens.
[7] Qui doit être creusée à l’aide d’une épée comme le fait Ulysse dans l’Odyssée pour appeler les morts notamment le devin Tirésias.
[8] Lucain : La Guerre civile (Pharsale), III, 399-452, Traduction de : A. Bourgery, 1926, Paris, Les Belles Lettres
[9] Strabon, 1. XIV.
[10] Livre de Daniel, Chap. 14, 23-24.
[11] Élien, De natura anim., I. XI, c. XVII.
[12] Mœurs et institutions des peuples de l’Inde, par M. Dubois, supérieur des missions étrangères, qui a séjourné 28 ans aux Indes, t. II ; ch. XII, p. 435,
[13] Hérodote 8, 41 et Aristophane, Lysistrata 759.
[14] Pausanias, 1, II, p. 175.
[15] Dion., in Adrian.
[16] Tous ces exemples du culte du serpent de l’Antiquité sont tirés de : Boudin. Du culte du serpent chez divers peuples anciens et modernes. In: Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, I°Série. Tome 5 fascicule 1, 1864. pp. 486-516.
[17] Pline l’ancien, Histoire naturelle, Livre XXIX, XII, par. 52 à 54, Traduction A. Ernout, Les Belles Lettres, Paris, 2003.
[18] Ananda K. Coomaraswamy, La doctrine du sacrifice, Dervy, Paris, 1997, p.107..
[19] Isidore de Séville livre 12, 4, 48.
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