BRENNOS UN HÉROS PANCELTIQUE

LES DRUIDES SAISON 2 ANNEXE 11

Personnage mythique ou historique, Brennos apparaît sous de nombreuses formes dans l’histoire et la mythologie celtique. Ils partagent un point commun, la quête d’un objet sacré. 

ÉTYMOLOGIE 

Du vieux celtique Branos (corbeau) qui par la chute de la syllabe finale a donné en breton, gallois et irlandais Bran, le corbeau.

Brennos (Brennus en latin) n’est pas un nom, mais le titre et sans doute le grade initiatique au sein du druidisme d’un chef de guerre qui comme son modèle dans le ciel étoilé se lance dans une expédition pour retrouver un précieux talisman. D’autres étymologies ont été proposées. Cependant d’après la religion des étoiles qui illustre le chaudron de Gundestrup, il ne peut être qu’un corbeau.

LES BRENNOS HISTORIQUES

BRENNOS ET ROME

Chef légendaire de l’expédition des Celtes contre Rome en 386 av. J.-C. Aurait été un roi (regulus) de la tribu gauloises des Sénons. Il est surtout connu pour avoir infligé une terrible défaite aux Romains lors de la bataille de l’Allia. Cette victoire lui permet d’occuper Rome pendant plusieurs mois et d’exiger des Romains une lourde rançon pour le départ de l’armée gauloise. Selon une anecdote rapportée par Tite-Live, Brennos est convaincu que les Romains utilisent des poids truqués pour peser la rançon de mille livres d’or qu’il leur a imposé. Les Romains protestent, alors Brennos jette sa lourde épée dans la balance en déclarant «vae victis» («malheur aux vaincus»). 

Au-delà de l’or, l’objectif de Brennos est de s’emparer des objets sacrés qui garantissent la puissance de Rome. Si les Gaulois occupent la ville, il ne peuvent investir le Capitole, centre religieux des Romains. De toute façon le trésor sacré n’est plus à Rome car après la défaite traumatisante de l’Allia, une des premières mesures prises par les autorités romaines est de mettre en sûreté les objets sacrés de la ville à Cæré, cité étrusque alliée. C’est pourquoi d’un point de vue religieux, l’expédition gauloise est un échec. La puissance romaine n’ayant pas été tuée dans l’œuf,  la ville éternelle deviendra le centre du monde. 

BRENNOS ET DELPHES

Commandant en chef, avec Akichorios, de la Grande Expédition des Celtes contre la Macédoine et la Grèce, en 280 av. J.-C. Brennos attaque Delphes, le centre spirituel de la Grèce, et veut s’emparer des trésors du temple d’Apollon. C’est ici que la légende prend le dessus puisque les auteurs grecs racontent qu’un tremblement de terre, la foudre qui réduit en cendres les combattants, une formidable tempête de neige, une pluie de grosses pierres et même une apparition dans le ciel de héros de l’ancien temps empêchent les guerriers gaulois de s’emparer du sanctuaire de Delphes. Cela ne suffit pas car dans la nuit suivante les Gaulois sont pris d’un terreur panique et s’entretuent dans la confusion générale, sans compter les troupes grecques qui harcèlent les survivants. Brennos est blessé et se sentant responsable de la malédiction qui poursuit les Gaulois s’empoisonne lui-même et ne pouvant supporter ses souffrances, il met fin à ses jours d’un coup de poignard.

L’objectif de Brennos est de s’emparer des objets sacrés que les Grecs entreposent à Delphes. Les Celtes pillent finalement le Temple d’Apollon. C’est alors que les Grecs inventent des légendes pour jeter un voile pudique sur cette catastrophe. Contrairement à Rome, Delphes est aujourd’hui en ruine, les objets sacrés ayant disparus.

LES BRENNOS MYTHIQUES

BRAN LE BÉNI

Bran le Béni (ou Bran Vendigeit), est un personnage de la mythologie celtique brittonique, qui apparaît notamment dans la deuxième branche du Mabinogi : « Le Mabinogi de Branwen ». Voici l’histoire de Bran.

Le roi d’Iwerddon (Irlande) Matholwch débarque dans l’île de Bretagne pour conclure un traité de paix avec Bran le Béni[10] souverain du royaume de Gwynedd (région du Pays de Galles) et lui demander la main de sa sœur Branwen. La proposition est acceptée. Cependant Evnissyen, leur demi-frère, furieux de ne pas avoir été consulté, mutile les chevaux des Irlandais. Il leur coupe les lèvres, les oreilles et la queue. Devant cet affront Matholwch veut rompre les entretiens et partir. En guise de compensation, Bran lui offre de nouveaux chevaux, des baguettes d’argent et un plat en or. Pour contenter le roi irlandais Bran doit encore rajouter un chaudron magique qui ressuscite les guerriers morts au combat.

Je parferai la réparation en te donnant un chaudron dont voici la vertu : si on te tue un homme aujourd’hui, tu n’auras qu’a le jeter dedans pour que le lendemain il soit aussi bien que jamais, sauf qu’il n’aura plus la parole.

Joseph Loth, Les Mabinogions, Slatkine Reprints, Genève, 2011, p.120.

Branwen suit son époux Matholwch en Irlande. Au début tout se passe bien et Branwen donne le jour à un fils, Gwern.

LES MALHEURS DE BRANWEN

Mais bientôt elle tombe en disgrâce, à cause de rumeurs relative à la mutilation des chevaux du roi. Les nobles du pays exigent de Matholwch qu’il exerce sa vengeance sur la personne de Branwen. Elle est chassée de la chambre du roi et est condamnée à faire la cuisine à la cour et tous les jours le cuisinier doit lui donner une gifle. Le roi fait emprisonner tous les Bretons qui sont sur son territoire et coupe les relations avec la Bretagne. Son humiliation dure trois années, mais Branwen apprivoise un étourneau et parvient à envoyer un message à son frère, attaché à la patte de l’oiseau dressé. Dès que Bran a connaissance de la situation, il organise une expédition militaire contre l’Irlande. Finalement les deux rois veulent faire la paix, mais Evnissyen assassine son propre neveu, le fils du roi, en le jetant dans un feu ce qui déclenche une guerre sans merci entre les Irlandais et les Bretons.

LES MORTS REVIENNENT À LA VIE

Cependant les Irlandais ont une arme secrète, le fameux chaudron qui ressuscite les guerriers morts.

Les Gaëls se mirent à allumer du feu sous le chaudron de résurrection. On jeta les cadavres dedans jusqu’à ce qu’il fût plein. Le lendemain, ils se levèrent redevenus guerriers aussi redoutables que jamais, sauf qu’ils ne pouvaient plus parler.

Joseph Loth, Les Mabinogions, Slatkine Reprints, Genève, 2011, p.143.

Les troupes du roi d’Irlande sont continuellement renouvelées tandis que les Bretons sont de moins en moins nombreux. Devant cette situation désespérée Evnissyen à des remords. Il veut se racheter et se dissimule parmi les cadavres des Irlandais. C’est ainsi qu’il est jeté dans le chaudron. Il se distend tellement que sa poitrine se brise et que le chaudron éclate. Les Bretons sont finalement vainqueurs, mais seul sept guerriers survivent à la terrible bataille.

LE HÉROS EST TUÉ

Bran a été blessé à la jambe par une lance empoisonnée. Il ordonne à ses compagnons de lui couper la tête et d’emporter celle-ci avec eux dans l’île de Bretagne. Branwen qui a perdu son frère et son fils a le cœur brisé, elle meurt peu de temps après avoir accostée sur l’île de Mona (Anglesey). Les sept compagnons vivent longtemps en compagnie de la tête de Bran qui continue à converser après sa mort et à festoyer avec les siens. Cela dure quatre-vingt ans ensuite selon le vœu de Bran, ils enterrent la tête dans la Colline Blanche de Londres, car ainsi elle protègera l’île de Bretagne contre tous les envahisseurs.

L’objectif de Bran est de récupérer un objet précieux à la cour du roi d’Irlande: le chaudron de résurrection. Tara, résidence des  ard ri Érenn  « les rois suprêmes », est le centre religieux et spirituel du pays. Le site a été abandonné et les talismans sacrés des Tuatha Dé Danann ( tribus de la déesse Dana) : le chaudron de Dagda, l’épée de Nuada, la lance de Lug et la pierre de Fal ont disparus.

BRENNOS ET STONEHENGE

BRENNIUS

Brenne (Brennius en latin) est un prince légendaire de l’île de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), dont la légende est rapportée par Geoffroy de Monmouth dans son Historia regum Britanniae (vers 1135). Brenne est le roi du Northumberland et le duc des Allobroges.

LA RIVALITÉ ENTRE DEUX FRÈRES

À la mort de Dunvallo les deux frères Belin (Belinus en latin) et Brenne se disputent la couronne du royaume de Bretagne et partent en guerre l’un contre l’autre. Après plusieurs batailles, un compromis est trouvé. Belin, l’ainé des deux, devient roi des Bretons et gouverne les territoires de Loegrie, de Cambrie et de Cornouailles. Brenne reçoit la Northumbrie. Après cinq années de paix les hostilités reprennent. Les armées des deux frères se rencontrent dans la forêt de Calaterium. Brenne doit s’enfuir et trouve refuge en Gaule, pendant que Belin prend le contrôle de toute l’île de Bretagne. Pendant son exil, Brenne devient le duc des Allobroges et constitue une nouvelle armée. Il construit une flotte et débarque dans l’île de Bretagne. Sur le champ de bataille, leur mère Conwen réconcilie les deux frères.

Brennus et Belinus, fils de Donnebrant, réconciliés par leur mère, Enluminure vers 1465-1485. 

Brennus et Belinus, fils de Donnebrant, réconciliés par leur mère, Enluminure vers 1465-1485.  (France, Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Ms. 935 f. 027)

LA CONQUÊTE DE ROME

Belin et Brenne fusionnent leurs armées et envahissent la Gaule. Après une année de conquêtes, ils parviennent à soumettre tous les royaumes francs de Gaule sous leur autorité. Ils pénètrent alors en Italie et menacent Rome. Après une résistance de plusieurs jours, les Bretons finissent par entrer dans la ville et imposent un tribut aux Romains.

Cette version apporte un élément nouveau: la rivalité entre deux frères qui se combattent pour la royauté sur l’île de Bretagne. Dans le ciel étoilé les deux frères se disputent le centre du ciel et ses objets sacrés. Ce qui est également le cas sur terre dans un récit étrange dénommé Cad Goddeu qui décrit une bataille mystérieuse dont l’enjeu est le centre de l’île de Bretagne : Stonehenge. Le site mégalithique est en ruine ce qui signifie que les objets sacrés ne sont plus là.

CONCLUSION

Des personnage dénommés Brennos (le corbeau) sont envoyés vers divers centres sacrés, Rome, Delphes, Tara, Stonehenge pour s’emparer de précieux talismans.

Si l’on superpose toutes les récits de ces personnages, comme dans l’aventure de Tintin, les trois messages dans Le Secret de la Licorne,  ont peut également retrouver un trésor sacré: l’histoire originelle qui est inscrite dans le ciel étoilé.

Les expéditions des différents Brennos sont des prototypes de la Quête du Graal. Chez Chrétien de Troyes (Perceval), le graal est un récipient qui deviendra chez ses continuateurs un calice ayant contenu le sang du Christ, dont le modèle est le chaudron d’immortalité celtique. Chez Wolfram von Eschenbach (Parzival), le Graal est une pierre tombée du ciel. Dans un conte gallois (Peredur), le Graal est une tête coupée. Pourquoi existe t’il différents Graal ? Pourquoi Brennos cherche t’il différents objets dans les différentes versions ? Tout simplement parce que le centre sacré qui trône dans le ciel étoilé contient plusieurs talismans ou objets du culte. Un arbre sacré qui symbolise le pilier qui soutient la voûte céleste. Une pierre tombée du ciel, une météorite, qui désigne le Centre du Monde (Omphalos). Un récipient, comme le chaudron de Gundestrup qui sert lors des sacrifices. Une tête coupée qui est celle d’un ancêtre ou d’un héros des temps anciens. Des armes sacrées vouées aux dieux qu’il est interdit de toucher (épée de Nuada et la lance de Lug). Le sanctuaire comporte également le tombeau d’un dieu, la statue informe d’un autre dieu, une source, une fosse oraculaire, un feu qui ne doit jamais s’éteindre. Le lieu sacré est souvent gardé par un dragon. Tous ces éléments se retrouvent à Delphes par exemple, le centre sacré du monde grec. Cependant tous les autres sanctuaires sont bâtis sur le même modèle qui sont qu’une projection du sanctuaire idéal que l’on retrouve dans le ciel étoilé. C’est pourquoi le héros qui pénètre un tel sanctuaire n’a que l’embarras du choix pour emporter un de ces objets. La pierre tombée du ciel pour les uns, le chaudron-coupe pour les autres, tandis que d’autres s’emparent d’une tête coupée ou des armes magiques. Les variantes sont nombreuses. D’ailleurs l’itinéraire des Perceval-Parzival-Peredur est inscrit dans le ciel étoilé. L’expédition de Brennos, le corbeau, également.

Voir également SAISON 2 ANNEXE 24 Le sanctuaire des druides

LE CASQUE DE BRENNOS

Ce casque formé d’une calotte de fer surmontée d’un corbeau de bronze fait partie du mobilier funéraire de la tombe du « guerrier de Ciumești », ville située en Transylvanie au nord-ouest de la Roumanie. La grande particularité de ce casque exceptionnel est d’être surmonté d’un corbeau en bronze dont les ailes sont articulées.

Casque de Ciumesti surmonté d’un corbeau en fer, bronze et verre, 250-175 av. J.-C.

Daté de la Fin du IVème siècle ou du début du IIIème siècle avant J.-C., il est contemporain aux mouvements celtiques, qui se sont opérés à cette époque, vers les Balkans et la Grèce. Avec son ornementation particulière ce casque devait être l’apanage d’un chef gaulois qui menait les expéditions vers de nouvelles terres à l’Est. L’oiseau présente un aspect redoutable, terrifiant et ses ailes articulées devaient encore ajouter à cette impression saisissante. Les restaurations ont été multiples, ainsi le bec de l’oiseau et pour une large partie, ses ailes ont été refait. Cet objet de prestige ne fut pas enterré avec son propriétaire originel, mais par l’un de ses descendants, puisque la nécropole est datée de la fin du IIIème et début du IIème siècle avant J.-C.

On ne mesure peut-être pas assez l’importance de cet objet. Brennos est le titre d’un chef celte qui doit accomplir une mission : retrouver un objet précieux. Il est peu probable qu’un casque surmonté d’un corbeau ne soit pas le casque d’apparat d’un de ces chefs celtes. Les dates peuvent correspondre et on peut se poser la question si ce casque n’est pas celui du Brennos qui a mené la grande expédition des Celtes vers la Grèce et et le centre sacré de Delphes.

©JPS2021 (modifié en 2023)

Image mise en avant:

Casque surmonté d'un corbeau en fer, bronze et verre, 250-175 av. J.-C., Ciumesti, Roumanie

Casque surmonté d’un corbeau en fer, bronze et verre, 250-175 av. J.-C., Ciumesti, Roumanie, Bucarest, Musée National d’Histoire de Roumanie. 

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Pour en savoir plus: Brennos (IVe siècle av. J.-C.) — Wikipédia (wikipedia.org)