CERNUNNOS (MAÎTRE DES ANIMAUX)

LES DRUIDES SAISON 3 ÉPISODE 1

LE MAÎTRE DES ANIMAUX

Le chaudron de Gundestrup révèle le secret d’un des dieux les plus importants du panthéon celtique.

DES ANIMAUX ET DES DIEUX

C’est l’étude des animaux qui entourent les dieux qui permet une nouvelle approche pour mieux élucider le mystère qui entoure le dieu cornu des druides, une divinité à priori insaisissable. Les animaux sont d’excellents révélateurs de l’identité d’un dieu.

Le dieu celtique que l’on nomme communément Cernunnos peut apparaître sous différentes formes et ne se résume pas au seul dieu aux bois de cerf, car il est surtout le Maître des animaux. La clef de voûte de l’édifice.

CERNUNNOS (MAÎTRE DES ANIMAUX). Le Maître des animaux avec des bois de cerf. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Le Maître des animaux avec des bois de cerf. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague). (Wikimedia Commons).

Or, chacun de ces animaux, le taureau qui encadrent le personnage central reflète une fonction différente du dieu.

UN DIEU PROTÉIFORME

La présence de tous les animaux autour du dieu matérialise iconographiquement la fonction du Maître des animaux. À noter qu’il n’est pas un dieu chasseur, au contraire, il est le protecteur des troupeaux. C’est Orion, son frère jumeaux et alter ego, qui porte le titre de « Grand Chasseur ». Le dieu incarne le cycle biologique de la nature, reflétant simultanément la vie, la fertilité, la mort et la renaissance.

  • La compagnie d’un cerf permet d’identifier cette entité divine à Cernunnos, dieu de l’automne.

  • Tandis que la présence d’un taureau confirme l’existence du même dieu en tant que Tauriscos, divinité du printemps.

  • Le loup qui accompagne le Maître des animaux fait resurgir de la nuit des temps la fonction immémoriale de dieu des Enfers. Dis Pater, un dieu craint, mais néanmoins le pourvoyeur de richesses, le père de tous les Gaulois.

  • Pour finir, la présence d’un serpent criocéphale, c’est-à-dire d’un serpent à tête de bélier, permet d’identifier cette divinité mystérieuse à l’inquiétant Maître du temps. Une sorte de Chronos, puissance supérieure, qui dévore ses enfants qui dès qu’ils sont nés sont condamnés à mourir à plus ou moins long terme. Une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes puisque la mort peut frapper à tout moment.

LE DIEU CORNU

Même si bien sûr cette entité divine cornue ne se résume pas au seul aspect saisonner avec Cernunnos (Automne) et Tauriscos (printemps). Les druides ont néanmoins mis en avant ces deux fonctions.

En automne, le Maître des animaux est associé au cerf et prend alors le nom de Cernunnos. Terme devenu générique sous lequel il est le plus connu. Il arbore sur sa tête les bois majestueux du cerf qui atteint le développement maximal au cours de la période du rut (Septembre/octobre).

CERNUNNOS (MAÎTRE DES ANIMAUX). Tête du dieu Cernunnos avec des bois de cerf. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Tête du dieu Cernunnos avec des bois de cerf. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague) (Wikimedia Commons).

Cependant au printemps, il devient le dieu aux cornes de taureau et prend alors le nom de Tauriscos (Tauriscus en latin), dénomination basée sur le nom du Taureau (Taurus en latin).

CERNUNNOS (MAÎTRE DES ANIMAUX). Dieu cornu de Lezoux, Ier siècle av. J.-C., Saint-Germain-en-Laye, musée d'Archéologie nationale. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Archéologie nationale).

Dieu cornu de Lezoux, Ier siècle av. J.-C., Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / image RMN-GP

Pour plus de détails sur ces dieux étranges, voir :

SAISON 3 ÉPISODE 5 Cernunnos et le cerf

SAISON 3 ÉPISODE 6 Cernunnos et Tauriscos

LE TAUREAU ET LE DRAGON

Il existe sans doute des appellations plus « gauloises » basées sur la dénomination celtique du taureau (Taruos), avec le préfixe tar-, telles que Tarascus ou Tarasconus. Vocables que l’on a souvent identifiés à celui de la Tarasque, monstre qui hante les eaux du Rhône. La Tarasque étant dans les faits plutôt un dragon et Tauriscos, un taureau.

Marthe fustigeant la Tarasque, peinture attribuée à André Abellon (Église Sainte-Marie-Magdeleine à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume).

Marthe fustigeant la Tarasque, peinture attribuée à André Abellon (Église Sainte-Marie-Magdeleine à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume). (Wikimedia Commons).

Cette confusion entre les deux, n’est pas rédhibitoire puisqu’il y a une connexion certaine entre le taureau et le dragon qui peut être résumée par la mystérieuse formule employée par les Orphiques : « Taurus draconem genuit et taurum draco », « le taureau a engendré un dragon, et le dragon, un taureau ». Il ne faut pas oublier que les druides et les bardes jouaient volontiers sur les mots dans leurs sentences ou poèmes au point de modifier par exemple le nom du taureau originel (*tauros en vieil indo-européen), en celtique « taruos », pour le faire correspondre avec le nom du cerf « caruos ». Il en va de même entre le taureau et le dragon. D’autant plus que pesait un interdit druidique majeur sur la divulgation des noms de divinités. Dans ces conditions, difficile d’attribuer avec certitude une des appellations à l’un ou l’autre des dieux des druides.

Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 8 Les druides et le nom secret des dieux

CONCEPTIONS MENTALE DES CELTES

Ce genre d’analogie entre des animaux antagonistes n’est pas rare en symbolique. À l’instar du nom de l’oiseau et du serpent en latin, columba « colombe » et colubra « couleuvre ». Ou encore entre le serpent et le poisson, anguis « serpent » et anguilla « anguille » qui est considéré par les anciens comme un serpent aquatique primordial. Si l’anguille est un serpent d’eau, l’inverse est vrai aussi puisque Rabelais fait du serpent une « anguille des bois ». (Quart-Livre, Chapitre LX). Les poètes peuvent jouer avec les concepts. Cependant derrière ces associations d’idées qui semblent gratuites se cachent en vérité les dieux primordiaux.

L’anguille était un poisson sacré dans l’ancienne Égypte et représentait l’une des formes du dieu Atoum. Ce poisson devait correspondre à la première entité sortant du Noun, l’océan primordial qui existait avant la création[1].

Et que peux-tu me dire de ma durée de vie ? Dit [le mort à Atoum]. Tu es destiné à vivre des millions de millions d’années. Pourtant je détruirai tout ce que j’ai créé ; ce pays redeviendra à l’état de Noun, à l’état de flot, à son premier état. Je suis ce qui restera, avec Osiris, quand je serai redevenu serpent. Et ce que je serai, les hommes ne peuvent pas le connaître, les dieux ne peuvent pas le voir[2].

Cet animal serpentiforme n’est pas un inconnu dans le monde celtique, puisque la déesse guerrière prend l’aspect d’une anguille pour entraver le grand héros irlandais Cúchulainn lors d’un duel dans un gué.

La Mórrígan[3] vint alors sous la forme d’une anguille noire et glissante en descendant le fleuve. Elle vint par l’eau et s’enroula autour des jambes de Cúchulainn[4].

Derrière l’image du serpent et de l’oiseau se cachent également des divinités primordiales comme le démontre le mythe des origines des Pélasges, nom donné par les Grecs anciens aux premiers habitants de la Grèce.

Au commencement, Eurynomé, déesse de Toutes Choses, émergea nue du Chaos mais ne trouva rien de consistant ou poser ses pieds, c’est pourquoi elle sépara la mer d’avec le ciel et, solitaire, dansa sur les vagues. En dansant, elle se dirigea vers le sud et le vent agité sur son passage devint quelque chose de nouveau et de différent : elle pourrait ainsi faire œuvre de création. Poursuivant son chemin de sa démarche onduleuse, elle s’empara de ce vent du Nord, le frotta entre ses mains et voilà qu’apparut le grand serpent Ophion. Eurynomé dansait pour se réchauffer ; elle dansait sauvage et frénétique, devant Ophion et celui-ci, lentement, envahi par le désir, s’enroula autour de ses membres divins et s’unit à elle. Ainsi le vent du Nord, qu’on appelle aussi Borée, est fécondant, et c’est pourquoi les juments offrent leur croupe au vent et mettent au monde leurs poulains sans l’aide d’aucun étalon. C’est de la même manière qu’Eurynomé devint mère.

Ensuite ayant pris la forme d’une colombe, elle couva sur les vagues et, lorsque le moment fut venu, elle pondit l’Œuf Universel. Sur sa demande Ophion s’enroula sept fois autour de cet œuf jusqu’à ce qu’il éclose et se brise. Et de cet œuf sortirent ses enfants, c’est-à-dire tout ce qui existe : le soleil, la lune, les planètes, les étoiles, la terre avec ses montagnes, ses rivières, ses arbres, ses plantes et toutes les créatures vivantes[5].

Le mythe celtique de l’œuf de serpent primordial à l’origine de tout n’est pas loin.

LE DIEU DES ENFERS

Lorsque le Maître des animaux est associé au loup, il prend alors la fonction de Maître des Enfers. Comme c’est un dieu vénéré, mais craint, son nom est tabou et ne peut être exprimé ouvertement. Il n’est murmuré que par le Grand-Prêtre dans le secret du sanctuaire. C’est pourquoi César lui donne un nom en latin Dis Pater, le père de tous.

Pour une étude plus approfondie, voir :

SAISON 3 ÉPISODE 7 Cernunnos et Dis Pater (1ère partie)

SAISON 3 ÉPISODE 8 Cernunnos, le dieu des Enfers (2ème partie)

CERNUNNOS ET LE LION

Le lion n’est pas un animal qui est rattaché au dieu cornu. C’est un emprunt à la déesse, dont c’est un des animaux favoris. C’est pourquoi, s’est le seul animal qui s’écarte du dieu. Néanmoins, c’est un élément important de la composition de l’image puisque le lion représente une des quatre saisons, l’été, aux cotés du taureau (printemps, du cerf (automne) et du loup (hiver).

Pour plus de détails, voir :

SAISON 3 ÉPISODE 3 Cernunnos et le calendrier

SAISON 3 ÉPISODE 9 Cernunnos et la Grande Déesse

L’AIGUILLE DE L’HORLOGE CÉLESTE

Un dernier animal côtoie le Maître des animaux. Une créature fantastique puisqu’il s’agit d’un serpent à tête de bélier. Cet animal fabuleux révèle une autre fonction du Maître des animaux. Celle du Maître du temps, Chronos qui dévore la création. Tempus edax rerum « le temps dévore tout ».

Le serpent est comme l’aiguille d’une horloge cosmique qui indique l’ère dans laquelle se situe la scène de la plaque du chaudron de Gundestrup. L’ère du Bélier (2260 à 100 av. J.-C.). On peut même être plus précis puisqu’une autre plaque du chaudron d’argent montre le sacrifice final du grand Taureau céleste qui signifie la fin de l’ère du Taureau, autour de 2260 av. J.-C. et donc logiquement le début de l’ère du Bélier.

En haut, Orion (Orion) et son chien (Canis Major), au milieu l’énorme Taureau céleste (Taurus), en bas, la constellation du Dragon (Draco) et la Petite Ourse (Ursa Minor) presque effacée. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré,

En haut, Orion (Orion) et son chien (Canis Major), au milieu l’énorme Taureau céleste (Taurus), en bas, la constellation du Dragon (Draco) et la Petite Ourse (Ursa Minor) presque effacée. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet.

Le Maître des animaux est le gardien du temps, le détenteur du calendrier sacré qui régit les fêtes celtiques. Calendrier qu’il reçoit des mains de son père, le dieu Taranis lors d’une cérémonie de passation de pouvoir qui figure sur une autre plaque du chaudron de Gundestrup.

Taranis transmet à son fils la roue du temps à huit rayons, un calendrier contenant les huit grandes fêtes celtiques. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré.

Taranis transmet à son fils la roue du temps à huit rayons, un calendrier contenant les huit grandes fêtes celtiques. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré.

Le dieu cornu reçoit des mains de son père un calendrier sous forme de roue. La roue symbolise le mouvement cyclique de l’année liturgique et ses huit fêtes principales. La roue tourne sans fin jusqu’à la destruction finale lorsque le ciel tombera sur la tête des habitants de la terre dans un cataclysme planétaire. Il faut rappeler qu’un astéroïde d’un peu plus de 10 km de diamètre tombé sur terre il y a 66 millions d’années à suffit pour éradiquer plus de 50 % des espèces animales, dinosaures y compris.  Dans la réalité, la crainte que ciel qui tombe sur la tête des Gaulois n’est peut-être pas aussi drôle que dans la célèbre bande-dessinée. Ces dernières années, les scientifiques ont mis les bouchées doubles pour nous éviter un tel cataclysme à l’avenir.

Voir à ce propos :

SAISON 2 ANNEXE 16 L’astéroïde tueur de dinosaures

SAISON 2 ANNEXE 18 Un astéroïde à frôlé la terre…

SAISON 2 ANNEXE 19 La mission DART

Le serpent criocéphale est l’attribut du Maître des animaux, une sorte de sceptre, qui indique que le dieu est le détenteur exclusif de la fonction du Maître du Temps. Chronos[6], le dieu père, qui dévore ses enfants puisque tout être vivant est condamné à mourir.

Pour en savoir plus, voir :

SAISON 3 ÉPISODE 10 Cernunnos et le serpent à tête de bélier

Toutes ces fonctions seront étudiées dans le détail lors de la SAISON 3

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SOURCES :

Voir également : Cernunnos — Wikipédia

NOTES :

[1] Didier Paugy, Christian Lévêque, Isabelle Mouas, Poisons d’Afrique et peuples de l’eau, IRD Éditions, 2011, p.140.

[2] Nadine Guilhou, Janice Peyré, La mythologie égyptienne, Hachette Livre, Paris, 2005, p.181, D’après la traduction de Paul Barguet.

[3] Déesse irlandaise de la guerre, appelée aussi Bodb « corneille » ou Macha « plaine ».

[4] La razzia des vaches de Cooley, Traduction Christian-J. Guyonvarc’h, Gallimard, Paris, 1994, p.137

[5] Robert Graves, Les Mythes grecs, Tome I, Le mythe pélasge de la Création, Hachette Littératures, Paris, 1999, p.35.

[6] À ne pas confondre avec Cronos qui lui aussi a dévoré ses enfants, les futurs dieux grecs.

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