CERNUNNOS (DIS PATER) Ière partie

LES DRUIDES SAISON 3 ÉPISODE 6

CERNUNNOS ET LE LOUP

Cernunnos peut prendre selon ses attributions l’aspect inquiétant de Dis Pater, un dieu loup.

LES DIFFÉRENTES IDENTITÉS DU DIEU CORNU

Cernunnos occupe différentes fonctions au sein du druidisme. Lorsqu’il est entouré par plusieurs animaux, il devient le Maître des animaux.

CERNUNNOS (DIS PATER). Le dieu Cernunnos avec des bois de cerf. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague)

Le dieu Cernunnos avec des bois de cerf entouré par des animaux. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague) (Wikimedia Commons).

Sur une plaque intérieure du chaudron de Gundestrup, le dieu figure parmi quatre animaux : un taureau, un cerf, un loup et un lion (ou plutôt une lionne). Cette dernière est l’animal symbole de la Grande Déesse des Celtes, c’est pourquoi la lionne ne regarde pas vers le dieu comme les autres animaux, mais semble plutôt s’en écarter.

Pour connaître la signification des éléments qui ornent cette plaque, voir SAISON 3 ÉPISODE 2 Cernunnos, le Maître des animaux

Parfois en automne, le Maître des animaux arbore de magnifiques bois de cerf et se transforme ainsi en un dieu nommé Cernunnos sur le pilier des Nautes. Pour plus de détails, voir SAISON 3 ANNEXE 4 Cernunnos et le cerf et SAISON 2 ANNEXE 14 Le pilier des Nautes

CERNUNNOS (DIS PATER). Tête du dieu Cernunnos avec des bois de cerf. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Tête du dieu Cernunnos avec des bois de cerf. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague). (Wikimedia Commons).

Le dieu peut également prendre l’aspect d’un taureau au printemps. Les auteurs de l’Antiquité lui donnent alors un nom latin : Tauriscus (Tauriscos en gaulois). Nom basé sur celui du taureau. Voir à ce propos la SAISON 3 ÉPISODE 5 Cernunnos et Tauriscos

CERNUNNOS (DIS PATER). Dieu cornu de Lezoux, Ier siècle av. J.-C., Saint-Germain-en-Laye, musée d'Archéologie nationale.

Dieu cornu de Lezoux, Ier siècle av. J.-C., Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / image RMN-GP 

De surcroît, le Maître des animaux est également le dépositaire d’une constellation qui lui est propre : il s’agit d’Ophiuchus, le Serpentaire. C’est pourquoi le dieu cornu du chaudron de Gundestrup, comme son modèle céleste, manipule un serpent.

CERNUNNOS (DIS PATER). Ophiuchus et la constellation du Serpent, Johann Bayer, Uranometria, 1603.

Ophiuchus et la constellation du Serpent, Johann Bayer, Uranometria, 1603. (Source Wallhapp.com).

LE DIEU PÈRE DES GAULOIS

Dans certains cas, le Maître des animaux peut également prendre l’aspect plus inquiétant du Dis Pater gaulois, le dieu des Enfers, lorsqu’il est en compagnie d’un loup. Cette divinité est signalée par César comme étant le Père de tous les Gaulois.

Tous les Gaulois se prétendent issus de Dis Pater : c’est, disent-ils, une tradition des druides. En raison de cette croyance, ils mesurent la durée, non pas d’après le nombre des jours, mais d’après celui des nuits[1].

Dans la pratique, il peut simplement être représenté comme une divinité anthropomorphe qui est représentée avec un loup à ses côtés comme sur le chaudron de Gundestrup.

 CERNUNNOS (DIS PATER). Le dieu Cernunnos et le loup. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Le dieu Cernunnos et le loup. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague). (Wikimedia Commons).

Mais la fonction du dieu va bien au-delà de cette association avec le loup, puisque le dieu peut prendre l’aspect du loup.

UNE DIVINITÉ INFERNALE

Avec Dis Pater, César utilise un nom latin pour désigner le dieu Gaulois de la vie et de la mort.

Or, il y a de bonnes raisons de croire que certains peuples de la Gaule, à une époque très ancienne, ont connu un loup totémique. En effet à l’époque où prévalut l’anthropomorphisme, nous trouvons le dieu que César appelle Dispater, qui passait, nous dit-il, pour l’ancêtre des Gaulois et dont les images, d’un type analogue au Hadès-Pluton gréco-romain, portent souvent, comme on l’a remarqué, une peau de loup[2].

Or, la pelisse de l’animal dont se recouvre le dieu n’est qu’une indication sur son aspect originel.

En Grèce, Hadès, qui porte une peau de loup, doit avoir aussi, à l’origine, été conçu sous l’aspect d’un loup[3].

Donc, toutes les indications tendent à confirmer notre thèse : le dieu gaulois, avant d’être assimilé à Dispater, à Hadès, à Silvain, était un dieu-loup[4].

Cerbère lui-même, avant de devenir le gardien des Enfers, a été le chien vorace qui se repaissait de la chair des trépassés[5].

C’est-à-dire que comme Hadès en Grèce, la forme originelle du dieu des Enfers des druides est un loup.

UN DIEU QUE L’ON CRAINT

La divinité infernale des druides est un dieu sombre. Un dieu qui peut prendre l’aspect d’une créature de la nuit comme le loup. Un dieu craint puisque César doit emprunter le nom latin pour nommer le dieu. Puisque le nom du loup a quasiment disparu de la langue gauloise. Ce qui au premier abord peut paraitre étonnant pour un animal dont la portée symbolique, dans le monde antique, dépasse de loin la plupart des animaux à l’exception du taureau et du serpent peut-être. Or, cette absence devrait au contraire éveiller l’attention du chercheur, car plus un mot semble refoulé, plus il est soumis à un tabou puissant et plus il est important. En fait, le mot loup désignait le terrible dieu des enfers et l’on craignait de prononcer son nom. Quand les utilisateurs du mot interdit ont disparu ce vocable inexprimable à laisser un vide au point de donner l’impression qu’il n’a jamais existé.

Pour en savoir plus sur le mystère des noms des dieux, voir SAISON 2 ANNEXE 8 Les druides et le nom secret des dieux

Alors quel est ce fameux nom ?

UN PUISSANT TABOU

Une piste à suivre pourrait être volcae qui a donné les deux noms de tribus celtes les Volcae Tectosages et les Volcae Arecomici, peuples de culture celtique du sud de la Gaule. Certains spécialistes pensent que le nom de volcae provient du mot qui désigne le faucon (en gallois gwalch). Sans trop vouloir s’engager dans des querelles de linguistes, le simple bon sens peut fait penser le contraire : car c’est bien le faucon qui semble être « un loup des airs » ; comme la loutre est un « chien d’eau »[6] et le marsouin un « porc de la mer »[7]. En fait volcae est également à rapprocher de l’allemand Volk « peuple » qui devait désigner au départ un petit groupe de guerriers, ou par analogie, une meute. Ce qui fait des peuples dénommés Volcae des « loups » ou pour être plus précis une meute (sous-entendue de loups) et non des faucons qui chassent en solitaire. D’ailleurs volk signifie « loup » en russe et en slovène[8]. On peut également citer les Volsci, peuple du Latium dont l’ethnonyme est également basé sur le nom du loup. En breton le loup est appelé bleiz. Comme le vrai nom est tabou on évite de le prononcer, c’est pourquoi l’on utilise volontiers des périphrases telle que ki-noz « chien de la nuit » ou ki-koad « chien des bois ». À noter que le compagnon de Merlin — un avatar de Cernunnos — est dans certains textes un loup et dans d’autres un scribe dénommé Blaise. Ce qui n’est certainement pas un hasard. Pour contourner les interdits, les bardes devaient pouvoir jouer sur les mots et les apparences dans leurs récits mythologiques. Ainsi le nom du taureau (la forme originale indo-européenne *tauros, latin taurus, grec taũros) a été modifié en tarvos en celtique pour qu’il puisse interagir au sein des textes avec celui du cerf, carvos.

CERNUNNOS (DIS PATER). Le dieu cornu entre Apollon et Mercure, en-dessous l'axe taureau-cerf, 1er siècle, Musée Saint-Remi, Reims.

Le dieu cornu entre Apollon et Mercure, en-dessous l’axe taureau-cerf, 1er siècle, Musée Saint-Remi, Reims. Source : musees-reims.fr

Puisqu’il existe un axe exclusif dans l’iconographie gauloise entre ces deux animaux. Comme sur l’exemple suivant qui montre l’axe extérieur dédié au taureau et au cerf.

Détail de la frise du bas de la stèle des Bolards. De gauche à droite le Taureau, le Lion, la Petite Ourse, l’arbre/axe terrestre, le Sanglier et le Cerf.

Détail de la frise du bas de la stèle des Bolards. De gauche à droite le Taureau, le Lion, la Petite Ourse, l’arbre/axe terrestre, le Sanglier et le Cerf. Source : bois-de-cerf.over-blog.fr

Pour en finir avec le nom mystérieux du dieu loup, mentionnons que Christian-J. Gyonvarc’h, dans son ouvrage sur les druides, signale le nom d’un dieu irlandais, Elcmar :

Le nom signifie « grand envieux, jaloux ». Elc est une variante de olc où l’on retrouve le nom des Volcae et le très vieux nom indo-européen du loup, disparu du celtique par interdit religieux[9].

Il semble que cette proposition pour l’étymologie du nom du loup en celtique reste la meilleure à ce jour.

LA SYMBOLIQUE DU LOUP

C’est surtout l’aspect chtonien ou infernal qui va être retenu dans cet article. En Grèce, Hadès le Maître des Enfers revêt un manteau en peau de loup. Le dieu de la Mort des Étrusques possède des oreilles de loup. Selon Diodore de Sicile, Osiris, dieu des morts, ressuscite sous la forme d’un loup pour aider sa femme et son fils à vaincre son frère Seth. Le loup n’est pas seulement associé aux Enfers, il l’est également lié à la mort et à l’au-delà. Ainsi Anubis, sous la forme d’un chacal (cousin du loup) est le dieu des morts, protecteur des embaumeurs, il est le conducteur des âmes ainsi que le gardien des nécropoles. Cette forme canine du dieu est sans doute liée au caractère opportuniste des canidés qui peuvent être perçus comme des charognards qui rôdent la nuit dans les cimetières pour se nourrir de cadavres.

« Anubis sur ses secrets », coffre du roi Toutânkhamon.

« Anubis sur ses secrets », coffre du roi Toutânkhamon. (Wikimedia Commons).

Selon les pays le loup peut être remplacé par un autre canidé, un chacal en Égypte (Anubis) ou un chien terrible en Grèce (Cerbère), en Mésoamérique (Xolotl) ou encore chez les Germains Garm (dont le nom signifie « Hurleur »), gardien du royaume des morts, pays de glaces et de ténèbres.

LE DIEU DES ENFERS

Sur une des plaques du chaudron de Gundestrup figure le dieu des Enfers.

Plaque du dieu aux dragons. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Plaque du dieu aux dragons. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Le dieu est anthropomorphe et arbore à son cou un torque. Ce qui est caractéristique du Maître des animaux. Voir également SAISON 3 ÉPISODE 3 Cernunnos et le torque

Sur cette plaque, le dieu est également un Seigneur des animaux, mais cette fois-ci un Maître des animaux infernaux et monstrueux : deux dragons et un loup à deux têtes qui dévore deux hommes. Ce loup infernal arbore deux têtes tandis que Cerbère, le gardien des Enfers en Grèce, est pourvu de trois têtes.

Statue montrant Cerbère aux côtés d'Hadès. Musée archéologique d'Héraklion.

Statue montrant Cerbère aux côtés d’Hadès. Musée archéologique d’Héraklion. (Wikimedia Commons).

Toutefois Cerbère est parfois représenté avec seulement deux têtes comme sur cette amphore attique.

Hercule capturant Cerbère (Kerberos), le chien d’Hadès. Détail d’une amphore attique à figures noires datant d’environ 530 av. J.-C. (Musée Pouchkine, Moscou).

Hercule capturant Cerbère (Kerberos), le chien d’Hadès. Détail d’une amphore attique à figures noires datant d’environ 530 av. J.-C. (Musée Pouchkine, Moscou).

Pourquoi deux têtes dans le cas du chaudron de Gundestrup ?

Tout simplement parce qu’il dévore les deux frères jumeaux de la Religion des Étoiles des druides. Ces deux frères se partage à tour de rôle, la royauté sur une partie de l’année. L’un est souverain durant la saison claire (printemps, été) tandis que le second règne sur la partie sombre de l’année (automne, hiver). Pour être le roi d’une demie année, l’un des deux doit tuer son frère. Mort, celui-ci est dévoré par le loup gardien des Enfers. Six mois plus tard, le même scénario répète, mais cette fois-ci c’est le second frère qui tue le premier. Et ainsi de suite dans un cycle saisonnier qui se reproduit à l’infini.

UN CHIEN INFERNAL

L’image du chaudron de Gundestrup se divise en deux parties. La partie haute montre le dieu dans sa fonction de Maître des dragons.

Plaque du dieu aux dragons. Détail de la partie haute de la plaque du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Plaque du dieu aux dragons. Détail de la partie haute de la plaque du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

La religion des druides est basée sur l’astronomie dans tous les domaines.  C’est pourquoi ces deux dragons représentent ce que l’on appelle des nœuds lunaires.

Ces nœuds en exacte opposition sont d’une importance capitale puisqu’ils sont liés aux éclipses.

LES NŒUDS LUNAIRES

Les seuls moments au cours desquels une éclipse lunaire est possible se produisent lorsque la pleine lune a lieu à proximité d’un nœud lunaire, c’est-à-dire au point d’intersection entre l’orbite de la Lune et le plan de l’orbite de la Terre (qu’on appelle aussi écliptique). Alors l’ombre de la terre recouvre la Lune et notre satellite n’est plus éclairé directement par le Soleil, il s’assombrit tout en prenant une coloration rougeâtre.

Éclipse de Lune totale du 21 janvier 2019.

Éclipse de Lune totale du 21 janvier 2019. Image : Carine Souplet. Source : stelvision.com

Au contraire une éclipse solaire totale se produit lorsque la Lune se place, vue de la Terre, devant le Soleil, occultant totalement l’astre du jour. Cette occultation assombrit le ciel et donne l’impression d’une nuit temporaire. Une éclipse solaire se produit uniquement lorsque la nouvelle lune se trouve près d’un des nœuds lunaires, point où l’orbite lunaire croise l’écliptique.

Photo de l'éclipse solaire totale de 1999.

Photo de l’éclipse solaire totale de 1999. (Wikimedia Commons).

Une éclipse totale solaire est un phénomène naturel spectaculaire. Dans les temps anciens, ces éclipses étaient considérées comme effrayantes ou néfastes, en tous cas crainte par les populations qui croyaient en une intervention directe des dieux.

Quel est le rapport avec les dragons du chaudron de Gundestrup ?

LE DRAGON ET LES ÉCLIPSES DE LUNE ET DE SOLEIL

Parce que l’intervalle de temps qui sépare deux passages de la Lune au même nœud de son orbite s’appelle la révolution draconitique, ou mois draconitique. Le terme draconitique vient du fait que dans l’astronomie antique, les nœuds lunaires nord et sud étaient appelés respectivement la tête et la queue du dragon ((caput draconis et cauda draconis).

Dans l’astronomie védique ces nœuds lunaires sont personnifiés, l’une est appelé Râhu, équivalent de la Tête du Dragon (nœud ascendant de la Lune).

Râhu dont seule la partie haute du corps est représentée.  British Museum

Râhu dont seule la partie haute du corps est représentée.  British Museum (Wikimedia Commons).

L’autre porte le nom de Ketu, équivalent de la Queue du Dragon (nœud descendant de la Lune).

Sculpture de Ketu, représenté en tant qu’humain doté d’une queue de serpent. British Museum.

Sculpture de Ketu, représenté en tant qu’humain doté d’une queue de serpent. British Museum. (Wikimedia Commons).

Ces deux personnages n’en formaient qu’un seul lors du combat des dieux et des anti-dieux pour la possession de la boisson d’immortalité. Un démon avec le haut du corps sous forme humaine et le bas du corps sous la forme d’un serpent qui provoque les éclipses en dévorant tantôt la Lune, tantôt le Soleil.. Vishnou trancha la tête du démon Râhu déguisé en dieu lorsque celui-ci voulu s’emparer du nectar d’immortalité. La tête devint Râhu qui est seulement représenté avec le haut du corps, tandis que la queue de Râhu devint Ketu qui devrait normalement être représenté sous la forme d’une queue de serpent. Difficile de vénérer une simple queue de serpent, c’est pourquoi les sculpteurs ont choisi de représenter Ketu sous l’aspect d’une figure mi-humaine mi-ophidienne et Râhu doté d’un torse. Pourtant au sens strict Ketu n’est que la queue du dragon et Râhu uniquement la tête du dragon.

Dans le cas du chaudron de Gundestrup, les nœuds lunaires sont représentés sous l’aspect de deux dragons. Des dragons ailés avec une tête de cheval dont la queue serpentiforme enroulée symbolise un nœud.

Le dragon en gros plan. Plaque du dieu aux dragons. Détail de la partie haute de la plaque du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Le dragon en gros plan. Plaque du dieu aux dragons. Détail de la partie haute de la plaque du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

LE DIEU LOUP

La partie basse de la plaque du dieu aux dragons démontre que le dieu des Enfers peut prendre  l’aspect de son animal fétiche : un loup qui dévore les défunts.

Partie basse de la plaque montrant le loup gardien des Enfers dévorant les Dioscures. Plaque du dieu aux dragons. Détail de la partie basse de la plaque du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Partie basse de la plaque montrant le loup gardien des Enfers dévorant les Dioscures. Plaque du dieu aux dragons. Détail de la partie basse de la plaque du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague).

Il devient alors le loup androphage présent dans l’iconographie gauloise.

Une des rares représentation du dieu des Enfers gaulois est une statuette retrouvée à Fouqueure (Charente). Celle-ci est également classée par les spécialistes comme monstre androphage puisqu’elle représente un canidé géant qui dévore le corps d’un humain.

CERNUNNOS (DIS PATER). Loup Androphage de Fouqueure. (Musée d’Angoulême).

Loup Androphage de Fouqueure. (Musée d’Angoulême).

Une autre figure en bronze loup découverte dans les îles britanniques et montre la même scène, celle d’un loup géant qui dévore un humain.

CERNUNNOS (DIS PATER). Loup androphage d’Oxford. British Museum, Londres.

Loup androphage d’Oxford. British Museum, Londres.

Ce dernier semple inerte pour une bonne raison.

Les humains qu’avale le loup infernal ne se débattent pas, car ils sont morts[10].

Le gigantisme dans l’iconographie dans les temps anciens est toujours l’apanage des divinités. Et on peut dire que ces statuettes du canidés géants représentent le dieu-loup gaulois qui dévore le cadavre d’un homme.

Ce qui soulève plusieurs questions.

Est-ce un mort anonyme ?

Est-ce un personnage important ou un druide ?

Est-ce une figure mythologique ?

Car le dieu loup peut parfois prendre un aspect beaucoup plus monstrueux et l’étude d’un étrange monstre découvert à Noves (Bouches-du-Rhône) permet d’apporter un éclairage nouveau sur cette divinité infernale.

LE MONSTRE DE NOVES

Il s’agit d’un monstre androphage recouvert d’écailles qui est plus connu sous le nom de « Tarasque de Noves » Cependant le mot « Tarasque » semble impropre puisqu’il ne s’agit en aucun cas d’une représentation de la Tarasque, animal fabuleux des légendes provençales qui hante les eaux du Rhône[11]. Monstre de Noves ou monstre androphage semble plus adapté comme appellation. La statue a été découverte en 1849 par Joseph Joachin Meynard, dans un champ près du cimetière du village de Noves. Salomon Reinach, qui la prenait pour un lion, l’a ainsi décrite :

La bête est assise sur son train de derrière. Sur chacune de ses pattes postérieures repose une tête barbue qui supporte une patte antérieure du fauve. La gueule du lion, largement ouverte, contenait probablement la partie inférieure d’un corps humain (le groupe est mutilé à cet endroit), car deux tronçons de bras humains, dont l’un est orné d’un bracelet, semblent avoir appartenu à ce corps[12].

La statue était à l’origine polychrome, mais seule des traces d’enduit rouge sont encore visibles autour de la gueule et les griffes.

CERNUNNOS (DIS PATER). Le monstre de Noves, cette œuvre est datée entre 50 av. J.-C. et les premières années de notre ère. Musée Lapidaire, Avignon.

Le monstre de Noves, cette œuvre est datée entre 50 av. J.-C. et les premières années de notre ère. Musée Lapidaire, Avignon.

Longtemps les archéologues se sont interrogés sur la nature exacte d’une telle créature, lion, loup, dragon ?

(…à suivre)

©JPS2024 (Texte écrit en 2015, remanié en 2023 et 2024)

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SOURCES : 

Tarasque — Wikipédia

NOTES :

[1] César, Guerre des Gaules, Livre VI, 18, Traduction L.-A. Constans, Les Belles Lettres, Paris, 1989.

[2] Salomon Reinach, Cultes, mythes et religions, Robert Laffont, Paris, 1996, p. 237.

[3] Salomon Reinach, p237.

[4] Salomon Reinach, p237.

[5] Salomon Reinach, p238.

[6] Le symbolisme de la loutre (irl. Doborchu ; gall. Dyfrgi ; bret. Dourgy, littéralement « chien d’eau ») est complémentaire de celui du chien. Cúchulainn (le héros irlandais par excellence) commence la série de ses exploits en tuant un chien et il les termine, quelques instants avant de mourir, en tuant une loutre d’une pierre de fronde. Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Éditions Robert Laffont, Paris, 1982, p.584. 

[7] Marsouin en breton morhoc’h de mor « mer » et hoc’h « cochon ».

[8] Michel Praneuf, Bestiaire ethno-linguistique des peuples d’Europe, L’Harmattan, Paris, 2001, p.308.

[9] Christian-J. Gyonvarc’h et Françoise Leroux, Les Druides, Éditions Ouest-France, Rennes, 1986, p.385.

[10] Salomon Reinach, p238.

[11] Tarasque, nom féminin, n’est pas vraiment approprié puisque le monstre de Noves exhibe un pénis en érection qui ne laisse aucun doute sur le genre de cette créature.

[12] Salomon Reinach, Les carnassiers androphages in Cultes, mythes et religion, Paris, 1922.

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