CERNUNNOS ET LE CERF
LES DRUIDES SAISON 3 ÉPISODE 4
Sur le chaudron de Gundestrup, Cernunnos est représenté à côté d’un grand cerf, ce dernier figure parmi les symboles les plus importants du dieu cornu.
LA SYMBOLIQUE DU CERF
Le cerf est un symbole de fécondité (liée à son ardeur sexuelle lors de la période du rut), de renouveau cyclique, de renaissance et de longévité, les anciens attribuaient au cerf une vie de plus de cent ans comme en témoigne Pline :
La longévité des cerfs est un fait reconnu. Quelques-uns ont été pris, au bout de cent ans, avec des colliers d’or qu’Alexandre le Grand leur avait fait mettre, et qui étaient cachés sons les plis de la peau, à cause de l’embonpoint que ces animaux avaient acquis[1].
on peut se demander la nature exacte de ces colliers en or. Des torques ?
LA REPRODUCTION DU CERF
La période du rut s’étend en Europe tempérée du 15 septembre au 15 octobre. La brame est le cri que poussent les cerfs pour attirer l’attention des femelles pendant la saison des amours. Chaque année, les cerfs mâles perdent leur bois lors du processus naturel de mue, entre février et mars pour les plus vieux, en avril-mai pour les plus jeunes.
La repousse a lieu jusqu’à fin août et les bois atteignent leur plein développement avant la période du rut en septembre.
Les différents phases de la croissance des bois d’un cerf. Source : futura-sciences.com
LE CERF ET LA MORT
Le cerf a un rôle psychopompe chez les Celtes puisque le Morholt d’Irlande, oncle d’Iseult, tué par Tristan est dépeint gisant mort cousu dans une peau de cerf.
Dans toutes les civilisations l’ouest est lié à la mort, suivant la course du Soleil qui naît à l’est et meurt en se couchant à l’ouest. Le Soleil traverse le royaume de la mort en passant sous terre pour renaître le lendemain à l’est. Dans le monde celtique, le royaume des morts s’étend soit sous terre ou bien à l’ouest au-delà de l’océan dans des îles merveilleuses.
Pour les Égyptiens de l’Antiquité, le cycle perpétuel du lever et du coucher du soleil est comparable au cycle de la vie et de la mort. Le Soleil fait ce voyage nocturne en barque et entame son périple souterrain à travers les douze heures de la nuit avant de pouvoir renaître à l’est le matin. Dans le royaume des morts (la nuit), il doit affronter les forces du chaos dont le représentant le plus puissant est le serpent Apophis.
Le dieu Seth défend la barque solaire contre le serpent Apophis, personnification du chaos. Musée égyptien, Le Caire. (Wikimedia Commons)
LE CERF ET LE SERPENT
Il y a un parallèle entre le cerf et le serpent. Le cerf perd ses bois et les renouvelle chaque année, ce qui fait de cet animal un symbole de renouvellement, de longévité et d’immortalité. Le serpent lui aussi mue, chaque année au printemps, renouvelant sa peau et ses écailles, ce qui fait de lui un symbole de régénération et d’immortalité. Cependant? selon les auteurs de l’Antiquité, le serpent et le cerf sont des ennemis.
Le cerf est aussi en hostilité avec les serpents; il cherche les cavernes de ces reptiles, et, par le souffle de ses narines, il les force à en sortir[2].
Personne n’ignore que les cerfs sont destructeurs de ces reptiles et qu’Ils les tirent de leurs trous pour les manger[3].
Le cerf vieillissant, affaibli par l’hiver rigoureux, est réputé faire sortir les serpents de leur trou avec le souffle de ses naseaux pour les dévorer afin de guérir, reprendre des forces et rajeunir. La consommation de la chair du serpent permet le renouvellement des bois du cerf. Mais ce n’est pas tout, le venin du serpent purge et purifie le corps du cerf avant de connaître grâce à ce traitement une vigueur nouvelle. Sur le chaudron de Gundestrup, le cerf et le serpent sont aux côtés du dieu cornu et se font face. Ainsi deux symboles de renouvellement, de régénération et d’immortalité accompagnent le dieu aux bois de cerf.
Le dieu Cernunnos, le cerf et le serpent à tête de bélier. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague) (Wikimedia Commons).
LA CONSTELLATION DU CERF
Ce n’est cependant pas l’aspect symbolique du cerf qui va retenir notre attention, mais plutôt son rôle astronomique, car comme Cernunnos qui bénéficie d’une image dans le ciel étoilé (Ophiuchus en l’occurrence), les différents éléments qui entourent le dieu cornu trouvent leur place dans le firmament. À l’instar du Serpent (Serpens), du Torque (Corona Boralis), le grand Cerf qui accompagne Cernunnos jouit également d’une figuration dans le ciel étoilé sous la forme d’une constellation.
Le dieu Cernunnos avec des bois de cerf. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague) (Wikimedia Commons).
Même si c’est une constellation qui semble propre au druidisme. En effet, depuis les temps les plus anciens, une constellation du cerf occupe l’espace des actuelles constellations du Scorpion et de la Balance. Ainsi le ciel étoilé abrite l’image d’un personnage tenant un serpent dans ses mains et qui dans le cas celtique est accompagné par un grand cervidé.
Ophiuchus, le Scorpion et la Balance en rouge, ces derniers composent la grande constellation du Cerf. Source : Carte du ciel Sirius ©Freemedia, Bern.
Ce qui correspond à l’image du chaudron de Gundestrup qui montre le dieu au serpent Ophiuchus/Cernunnos en compagnie d’un grand Cerf.
LES TERRITOIRES CÉLESTES
La tradition celtique indique qu’il y a plusieurs zones dans le ciel étoilé.
L’étude des textes et traditions remontant au Moyen Âge a amené des chercheurs, dont notamment Mme Reznikov, à identifier un ancien zonage celtique en quatre quarts du ciel septentrional, groupant ainsi plusieurs constellations de la définition astronomique actuelle y compris les zodiacales chevauchant (comme l’éliptique) l’équateur céleste.
Or les appellations de ces zones du firmament par des noms d’animaux dont l’origine remonte au vocabulaire du celtique ancien, apporte une bonne probabilité de l’antiquité de ce découpage au firmament nocturne.
*SIDi RIGIon (= territoire du cerf) : Balance, Scorpion, Sagittaire, Serpent, Hercule, Lyre, Aigle, Couronne Boréale, Dragon, Petite Ourse, etc.
*BAEÐi RIGIon (Territoire du sanglier) : Capricorne, Verseau, Poissons, Cassiopée, Pégase, Cygne, Petit Cheval, Dauphin Andromède, etc.
*TARUi RIGIon (territoire du taureau) : Bélier, Taureau, Gemeaux, Persée, Cocher, etc.
*ARTi RIGIon (territoire de l’ours) Cancer, Lion, Vierge, Corbeau, Coupe, Bouvier, Grande Ourse, etc[4].
L’étude du chaudron de Gundestrup indique qu’il faut nuancer quelque peu l’exposé ci-dessus, surtout en ce qui concerne l’ours.
LES ÉTOILES ROYALES
On peut remarquer que plusieurs monuments consacrés à Cernunnos confirment un découpage en quatre zones. La frise qui fait partie de la stèle dites des Bolards, distingue quatre angles du ciel en forme de croix qui représentent les points cardinaux. Pour les besoins de la composition la croix est repliée en une ligne droite sur laquelle sont posés les différents éléments. Ainsi l’est et l’ouest sont figurés par le taureau et le cerf. Le nord et le sud sont symbolisés par le sanglier et le lion. Au centre est figuré un arbre qui représente l’axe terrestre et le minuscule animal qui est du côté gauche est la représentation de la constellation de la Petite Ourse, l’étoile polaire qui est le centre fixe autour duquel tournent toutes les étoiles du ciel nocturne.
Détail de la frise du bas de la stèle des Bolards. De gauche à droite le Taureau, le Lion, la Petite Ourse, l’arbre/axe terrestre, le Sanglier et le Cerf. Source : bois-de-cerf.over-blog.fr
Par rapport aux quatre zones cités précédemment, le cerf, le taureau et le sanglier sont bien présent, cependant la constellation du Lion remplace l’ours. Ainsi faudrait-il plutôt parler d’un territoire du lion puisqu’astronomiquement l’ours ne peut pas régner sur un de ces territoires (le ciel étoilé est formel) puisqu’il ne fait pas partie des Étoiles Royales qui au tout début des grands mythes astraux, formaient les quatre sentinelles du ciel et dont les constellations d’origine marquaient les quatre temps de l’année solaire : les équinoxes et les solstices. Ces Étoiles Royales sont Aldébaran (dans le Taureau), Antarès (dans le Scorpion et pour les druides dans le Cerf), Régulus (dans le Lion) et le moins connu des quatre Fomalhaut (dans le Verseau, constellation remplacée par les druides par un animal, Sanglier sur la stèle des Bolards ou Loup sur le chaudron de Gundestrup). Les Ourses, la Grande et la Petite, sont des constellations circumpolaires qui ne font pas partie des quatre angles du ciel.
L’axe Taureau-Cerf, est-ouest, se retrouve aussi sur le monument de Reims.
Stèle de Reims, le dieu cornu entre Apollon et Mercure, 1er siècle, Musée Saint-Remi, Reims. Source : musees-reims.fr
Le chaudron de Gundestrup donne encore une autre variante de ces quatre zones par rapport à la stèle des Bolards. L’axe Taureau-Cerf est bien présent sur la plaque du Maître des animaux. Le lion, ou plutôt une lionne faudrait-il dire, remplace l’ours et le loup remplace le sanglier.
Ainsi d’après le chaudron de Gundestrup, de tradition authentiquement druidique, les quatre animaux qui figurent les quatre zones du ciel sont le Taureau, le Cerf, le Lion et le Loup.
LES GRANDS DIEUX
Il faut également préciser que ces quatre zones sont présidées par une divinité. Sur la zone dédiée au cerf, règne Ophiuchus-Cernunnos. La zone du taureau devient le royaume d’Orion, tandis que la Grande Déesse (constellation de la Vierge) est la souveraine de la zone du Lion. Le Dieu-Père est quant à lui le souverain de la zone du Loup.
La Grande Déesse et son animal symbole par excellence : la lionne. Détail de la plaque de la déesse au lion. Chaudron de Gundestrup. (Nationalmuseet de Copenhague).
LE CALENDRIER DES DRUIDES
Le druidisme comporte comme la plupart des civilisations anciennes quatre fêtes solaires, les solstices d’été et d’hiver et les équinoxes du printemps et de l’automne. Auxquelles s’ajoutent quatre fêtes que l’on appelle dans les textes mythologiques irlandais : Samain, Imbolc, Beltaine et Lugnasad. Ces quatre fêtes lunaires ont dérivé dans le calendrier avant d’être fixé définitivement aux 1er novembre, 1er février, 1er mai et 1er août. Le calendrier comporte donc huit fêtes que l’on retrouve sur une des plaques du chaudron de Gundestrup. Sur cette plaque figure le dieu père, souvent appelé dieu à la roue ou Taranis, qui remet le calendrier sous la forme d’une roue à huit rayons au dieu cornu Cernunnos, aisément reconnaissable grâce à la présence du serpent à tête de bélier qui est son animal emblème par excellence.
Plaque du dieu à la roue. Taranis remet le calendrier druidique en forme de roue à huit rayons à Cernunnos. Chaudron de Gundestrup. (Nationalmuseet de Copenhague).
Cette roue cosmique représente le retour cyclique des fêtes liturgiques tout au long de l’année. Le temps n’étant pas considéré par les druides comme linéaire, mais comme un éternel retour au temps des origines. Cette vision cyclique du temps fait en sorte que le temps ne « passe » pas, mais qu’il revient. Ce qui permet de vivre dans un éternel présent…
LE DIEU AUX BOIS DE CERF
L’image d’un personnage aux bois de cerf est très ancienne et apparaît très tôt dans l’iconographie des peuples européens. Notamment le chamane dansant de la grotte des Trois-Frères. Être composite avec des caractéristiques à la fois humaines et animales. Le personnage d’allure anthropomorphe avec un corps et les jambes d’un humain porte des bois de cerf, un visage de chouette, les pattes avant d’un animal, les parties génitales d’un félin et la queue d’un cheval.
Le sorcier dansant. (Wikimedia Commons).
Les interprétations sont multiples : sorcier pratiquant un rite magique, dieu des animaux dit le « dieu cornu », ou encore un chamane en transe. On peut simplement avancer l’idée que le personnage ne semble pas déguisé, mais qu’il s’est partiellement transformé en animal. Ce qui peut être un argument en faveur d’un chamane en transe qui lors de son « voyage astral » se transforme en animal. Les avatars ultérieurs de Cernunnos, tel Merlin dans quelques textes du Moyen Âge, peuvent ainsi prendre l’apparence d’un cerf. On ne peut toutefois pas exclure l’image archaïque d’un dieu qui prend lors d’une « descente sur terre » les traits de son animal symbole.
Il est à noter que le personnage aux bois de cerf n’est pas seul. Un autre être composite portant cette fois-ci des cornes de bovidé est également présent dans la grotte des Trois-Frères.
Le « petit sorcier à l’arc musical ». (Wikimedia Commons).
Première formation du binôme Taureau-Cerf que l’on retrouvera ultérieurement sur les monuments consacrés au dieu cornu Cernunnos. Ce qui pourrait signifier que c’est le même personnage, l’homme-bison symbolisant le printemps et l’homme-cerf l’automne. Voir également SAISON 3 ÉPISODE 2 Cernunnos
LA COLONISATION DE L’EUROPE
Encore aujourd’hui l’européen moyen porte en lui les gènes et l’Histoire des peuples qui se sont succédés sur le continent européen.
Trois vagues de peuplement ont colonisé l’Europe. Ce qui signifie que chaque européen moderne qui n’est pas issu d’une immigration récente porte en lui, les gènes de ces trois populations anciennes. Un petit pourcentage de gènes des chasseurs-cueilleurs qui sont présent en Europe depuis le Paléolithique supérieur (de – 40 000 à – 10 000 ans) jusqu’au Mésolithique (de 10 000 et 5 000 ans avant J. -C.).
Un pourcentage un peu plus important de gènes des premiers agriculteurs du Néolithique venus d’Anatolie et du Proche-Orient (entre 6000 et 2200 avant notre ère).
Un pourcentage équivalent de gènes des peuples des steppes (Ukraine et sud de la Russie) qui ont conquis l’Europe à la fin du Néolithique et au début l’Âge du bronze (de 2700 à 800 av. J.-C.).
Ce sont des données moyennes avec toutefois de grandes variations selon les aires géographiques. Au nord de l’Europe, le pourcentage des chasseurs-cueilleurs et des peuples des steppes est plus élevé qu’au sud du continent européen dans lequel prédomine les gènes des agriculteurs du Néolithique. Pour plus de détails, voir SAISON 1 ANNEXE 16 Préhistoire, la colonisation de l’Europe
À noter que les Celtes indo-européens ont repris les images du dieu cornu de leurs prédécesseurs sans y apporter de changement.
LE DIEU DES ENFERS
On peut avancer l’hypothèse que c’est ainsi qu’il faut penser Cernunnos. Le dieu lui-même porte les « gènes » de différentes cultures. En particulier, de la culture des chasseurs-cueilleurs qui avaient déjà une figure divine portant des bois de cerf. Terme prudent puisque l’on ne sait pas si c’est une divinité ou un représentant du culte (chamane, sorcier, magicien).
Peut-être que le chamane ne veut finalement que ressembler à son dieu tutélaire qu’il rencontre lors d’une transe durant laquelle il « voyage » vers le monde d’en-bas.
(…) Les Gaulois se vantent d’être issus de Dis Pater, tradition qu’ils disent tenir des druides. C’est pour cette raison qu’ils mesurent le temps, non par le nombre des jours ; mais par celui des nuits. Ils calculent les jours de naissance, le commencement des mois et celui des années, de manière que le jour suive la nuit dans leur calcul (…)[5].
Ce dieu père est un dieu sombre que l’on craint et qui règne sur le royaume des morts, des ancêtres, des esprits protecteurs et des dieux infernaux. Dis Pater, le dieu des Enfers, signifie « père de la richesse » ou le « riche », or Cernunnos est représenté avec un sac dans les mains, duquel s’écoule des grains de céréales ou des pièces de monnaies (voir plus haut). Les deux étant un symbole de richesse et d’abondance. D’ailleurs en français, blé et argent sont synonymes. Ce « dieu-père », souverain des Enfers, porte-t-il des bois de cerf ?
Il faudra y revenir plus en détail dans un autre article.
LE MAÎTRE DES ANIMAUX
Le dieu cornu devient ensuite beaucoup plus reconnaissable en tant que Maître des animaux. Les premières figurations de ce personnage proviennent d’Anatolie.
Deux scènes distinctes sont représentées sur le mur : à gauche, un homme affronte un taureau ; à droite, un homme en haut-relief entouré de deux lionnes. ©Bekir Köşker
Sur cette frise, on peut voir un homme qui maîtrise deux félins.
Figure masculine tenant son phallus au milieu de deux léopards (un mâle et une femelle). ©Bekir Köşker
La même image se retrouve dans l’iconographie du sous-continent indien, le personnage devient le Maître des fauves.
Sceau de la civilisation de la vallée de l’Indus, avec le motif du Maître des animaux, d’un homme maîtrisant deux lions ou tigres (2500-1500 avant JC).
Il apparaît sur un autre sceau entouré par quatre animaux. Parfois improprement appelé proto-Shiva, puisqu’il s’agit bien d’une très ancienne image de Shiva Pashupati, c’est-à-dire le Seigneur des animaux.
Sceau découvert lors des fouilles du site archéologique de Mohenjo-Daro dans la vallée de l’Indus. Ce sceau dit de « Pashupati » (Seigneur des Animaux), montre un personnage assis, peut-être ithyphallique, entouré d’animaux. (2600–1900 avant J.-C.).
C’est la même composition qui se retrouve sur le chaudron de Gundestrup. Les deux personnages sont assis en tailleur et il n’y a que les animaux qui changent. Pour l’un se sont des animaux typiques du sous-continent indien, rhinocéros, éléphant, buffle et tigre. Pour le second ce sont des animaux spécifiques à l’Europe tempérée, cerf, taureau, loup avec une exception notable au premier abord, la lionne (en haut à droite).
Le dieu Cernunnos entouré d’animaux. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré. (Nationalmuseet de Copenhague) (Wikimedia Commons).
LE LION
Contrairement à ce que l’on croit communément, les lions ne sont pas cantonnés dans l’Antiquité à l’Afrique et à l’Asie comme aujourd’hui. Puisque le lion peuplait l’Europe durant l’Holocène (époque géologique s’étendant sur les 12 000 dernières années) et s’est éteint durant l’Antiquité. Les derniers lions auraient disparu en Europe de l’Est vers l’an 100 de l’ère chrétienne.
Chasse aux lions, en or et argent sur une dague en bronze mycénienne, Grèce, XVIe siècle av. J.-C. (Wikimedia Commons).
La culture antique y fait de nombreuses allusions, pour ne citer qu’Héraclès lorsqu’il affronte en Grèce le Lion de Némée.
Héraklès luttant contre le lion de Némée, statère, vers 350-340 av. J.C. Source Le site du collectionneur.
Hérodote évoque dans son exposé sur les guerres médiques que des lions venaient de nuit rôder autour des campements perses, attirés par l’odeur des troupeaux que la gigantesque armée perse emportait avec elle lors de ses campagnes. Ce détail vient après le passage du Bosphore par les Perses, ces derniers sont donc en Thrace.
Des représentations de lions comme symboles ou des scènes de chasse au lion sont très présentes dans l’iconographie des Étrusques et les Grecs.
L’extinction de l’animal en Europe semble être due à une chasse aux lions intensive, passe-temps très prisé des élites et également à leur utilisation par les Romains, grands consommateurs d’animaux en tout genre, pour leurs spectacles sanglants dans les arènes.
Mosaïque en galets dite de « la chasse au lion » réalisée en Grèce au IVe siècle avant Jésus-Christ, conservée au musée archéologique de Pella (Grèce). (Wikimedia Commons).
Le lion n’est pas inconnu en Gaule puisqu’il est présent par exemple sur une magnifique pièce de monnaie des Carnutes qui ont donné leur nom à la ville de Chartres. Ce qui ne semble pas être une région infestée de lions.
Monnaie des Carnutes (Région de la Beauce), Bronze, portant l’inscription PIXTILOS. © Source : http׃//www.cgb.fr
Ce n’est pas un simple lion qui est représenté sur cette monnaie gauloise. Il faut une explication liée à l’astronomie pour déchiffrer ces figures. En fait, il s’agit de la constellation du Lion lors du passage d’une comète.
UN RÉPERTOIRE D’IMAGES EN COMMUN
Ce ne sont sans doute pas des influences directes (mêmes s’il elles peuvent avoir existées) passant d’un peuple vers l’autre qui a fait converger les représentations des dieux dans différentes contrées souvent très éloignées les unes des autres (Anatolie, Europe ou Inde), mais plutôt un répertoire d’images en commun qui trouve son origine dans le ciel étoilé. La base étant la même, les différentes cultures y ont puisé indépendamment des uns des autres pour se fabriquer leurs dieux. C’est ce qui explique les ressemblances, mais aussi les différences entre Cernunnos l’européen et Shiva l’indien par exemple. On peut toutefois noter que les premières images d’un duo de dieux, les jumeaux Orion et Ophiuchus, sont apparues en Anatolie vers -10 000 ans, patrie des premiers agriculteurs qui ont ensuite colonisé l’ensemble de l’Europe. Ce répertoire d’images les a accompagné durant leur voyage vers l’occident. Lorsque les chasseurs-cueilleurs du mésolithique ont vu le dieu, Maître des animaux, des premiers paysans originaires d’Anatolie, ils ont facilement reconnu leur propre figure divine portant des bois de cerf.
Ce système d’images en commun basé sur les constellations qui a perduré durant 10 000 ans puisque l’on retrouve Orion et Ophiuchus lorsque le voyage des colonisateurs prend fin quelques milliers d’années plus tard face à l’océan Atlantique. Voir SAISON 2 ANNEXE 9 Locmariaquer
Mais surtout ce message est inscrit sur le chaudron de Gundestrup qui est daté vers la fin du Ier siècle av. J.-C., encore quelques millénaires plus tard. Chaudron en argent sur lequel est inscrit le testament religieux des druides.
CONCLUSION
Le dieu cornu des Celtes, Maître des animaux, porte différents noms. L’un d’eux se réfère au cerf. Cernunnos (qu’il faut prononcer Kernunnos) signifie selon les auteurs « Bel encorné », « Dieu au Crâne de cerf » ou simplement « Dieu cornu ». Cependant le chaudron de Gundestrup en fournit deux autres liés au loup et au taureau qui chance inouï ont été transmis par les auteurs de l’Antiquité.
©JPS2024
[ACCUEIL]
BIBLIOGRAPHIE :
Joseph Monard, Astronymie et onomastique calendaire celtiques, Le ciel et l’année chez les Celtes, Éditions Label Un, 2005.
Anne Lombard-Jourdan, Aux origines du carnaval, Éditions Odile Jacob, 2005.
Cernunnos — Wikipédia (wikipedia.org)
NOTES :
[1] Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre VIII, L, 7.
[2] Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre VIII, L, 7.
[3] Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre VIII XXVIll,, XLII, 1.
[4] Joseph Monard, Astronymie et onomastique calendaire celtiques, Le ciel et l’année chez les Celtes, Éditions Label Un, 2005.
[5] Jules César, Guerre des Gaules, Livre VI, chap. 18.
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