LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP ET ORION
LES DRUIDES SAISON 2 ÉPISODE 3
Les liens étroits entre la constellation d’Orion et le chaudron de Gundestrup
LE DIEU ORION
Il est étrange qu’une constellation qui trône en majesté dans le ciel étoilé durant les mois d’hiver n’ait aucune importance dans les mythologies du monde antique. Les articles qui vont suivre vont réhabiliter ce dieu oublié et lui redonner la place qui est la sienne. C’est-à-dire celle d’une des divinités les plus importantes du panthéon celtique. Car le dieu qui se cache derrière le nom de la constellation que nous appelons Orion apparaît sous différentes appellations dans le monde celtique. Les druides l’ont nommé suivant ses fonctions : Sucellos, Ogmios, Sylvanus, Esus, Smertrios ou encore Lug. Les héros qui sont les incarnations de ce dieu portent les noms de Tristan, Cúchulainn ou Brennus.
UN DIEU TOMBÉ DANS L’OUBLI
Si le dieu Orion est un illustre inconnu au bataillon des divinités celtiques. il est également l’un des dieux les plus importants de l’Antiquité puisqu’il fait partie d’un système religieux remontant à plus de 10000 ans avant J.-C. Orion a laissé une trace dans toutes les civilisations du monde antique. Le chaudron de Gundestrup est un des plus précieux témoignage de ce système d’une ancienneté incroyable.
LA RELIGION DES ÉTOILES
Le chaudron de Gundestrup révèle en effet l’existence d’une très ancienne religion des Étoiles qui a influencé les croyances des plus anciennes civilisations, de la Mésopotamie à l’Inde en passant par l’Égypte, la Grèce, les Celtes et jusqu’en Amérique précolombienne. Cette religion basée sur les étoiles permet d’élucider de nombreux mystères des civilisations anciennes, mais elle a également laissé des traces visibles jusque dans les fondements du Christianisme. Cette religion des Étoiles a traversée toutes les époques et toutes les civilisations sur des millénaires en s’adaptant aux mœurs et aux besoins des différentes sociétés. Elle permet de décrypter aussi bien des dessins mystérieux gravés sur des dolmens et des menhirs que de lever un voile sur la religion secrète des templiers. Comme nous ignorons le véritable nom que les druides donnaient au dieu qui trône dans le ciel sous le nom d’Orion. Nous allons tout simplement l’appeler le dieu Orion. Voir également SAISON 2 ANNEXE 9 Orion et astronomie et SAISON 2 ANNEXE 10 Orion et mythologie
LE COMBAT DANS LE CIEL
Orion est caractérisé par trois éléments importants qui font de lui un personnage reconnaissable entre tous.
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Orion affronte un taureau
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La présence d’un chien à ses côtés
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Orion est armé d’une épée
Dans le ciel étoilé, l’un des exploits du dieu Orion est de combattre le Taureau céleste, la constellation du Taureau (Taurus). Lors de ce combat, il est accompagné de son fidèle chien, la constellation du Grand Chien (Canis Major).
En rouge, Orion (Orion), la constellation du Taureau (Taurus) et la constellation du Grand Chien (Canis Major). D’après la carte céleste Sirius, Éditions Freemedia, Berne.
Les gravures anciennes représentent souvent Orion lors de sa confrontation avec le Taureau céleste.
Orion et le Taureau (Taurus), Atlas Celeste, de John Flamsteed, Édition Fortin, 1776.
UN DIEU CHASSEUR
Orion est également appelé le Grand Chasseur, ce qui fait qu’il est souvent accompagné par un grand chien (Canis Major) et parfois par un deuxième chien plus petit (Canis Minor).
Orion et ses deux chiens (Canis Major et Canis Minor) Source : Fig. 18. “Orion and his dogs, Canis Major and Canis Minor.” Our physical world. 1924. Visible sur Pinterest : nemfrog.tumblr.com.
LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP
C’est la configuration suivante — Orion, accompagné de son chien, affronte le Taureau céleste — que l’on retrouve sur le chaudron de Gundestrup à deux reprises.
En premier sur la plaque du fond qui représente le sacrifice du Taureau céleste. Orion est armé d’une épée. Son fidèle chien est à côté de lui.
En haut, Orion (Orion) et son chien (Canis Major), au milieu l’énorme Taureau céleste (Taurus), en bas, la constellation du Dragon (Draco) et la Petite Ourse (Ursa Minor). Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet.
Détail de la plaque du fond du chaudron de Gundestrup. Orion et son chien (Canis Major). © Copenhague, Nationalmuseet.
Cette scène de sacrifice se déroule à un moment précis : la fin de l’ère du Taureau. Pour en savoir plus sur le déchiffrement de cette plaque centrale, voir SAISON 1 ÉPISODE 5 Chaudron de Gundestrup et astronomie
LE TRIPLE SACRIFICE
Comme pour souligner l’importance d’Orion, la même scène apparaît une deuxième fois sur le chaudron d’argent. Un sacrifice en triple exemplaire.
Plaque intérieure du chaudron de Gundestrup. Triple sacrifice du taureau. À noter que le félin tacheté (une panthère), en haut, indique le Sud, tandis que le chien d’Orion, en bas, indique le Nord. Le Nord et le Sud sont inversés par rapport à nos cartes actuelles. © Copenhague, Nationalmuseet. Voir à ce propos : SAISON 2 ANNEXE 1 Le chaudron de Gundestrup et la course du Soleil
La composition est à nouveau complète : Orion avec son épée face au Taureau céleste. Orion est toujours accompagné par son chien.
Détail du chaudron de Gundestrup, représentant Orion et son chien face au taureau céleste. © Copenhague, Nationalmuseet.
LA MORT DU TAUREAU CÉLÈSTE
L’épée du personnage est pointée vers le cou de l’animal. Orion est sur le point de porter le coup de grâce au taureau.
Cette scène est répétée trois fois.
Pourquoi ?
Parce que l’adversaire d’Orion, ici représenté sous la forme de trois taureaux, est un être triple. La composition de l’image résume un mythe au cours duquel le héros se bat contre un triple adversaire. Ce sera le sujet d’un article ultérieur.
La plaque du fond semble montrer l’instant d’après. Le taureau s’est effondré sur le sol et agonise. On dirait qu’Orion entame une danse après le sacrifice du taureau.
DES DIEUX D’UNE ANTIQUITÉ PRODIGIEUSE
Deux figures divines se distinguent particulièrement sur le chaudron de Gundestrup. Tout d’abord Orion sur deux plaques importantes.
Et son alter ego, Cernunnos, le Maître des animaux.
Cernunnos, le Maître des animaux, entouré par un taureau et un cerf d’un côté et de l’autre par un lion et un loup. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet.
Ce duo de divinités est très ancien puisque les archéologues les ont retrouvés sur un bas-relief vieux de 11000 ans. Lors de fouilles commencées en 2021, des archéologues ont découvert sur le site archéologique de Sayburç (sud-est de la Turquie) un relief sculpté sur un pan de mur de près de quatre mètres de long représentant des humains et des animaux. Cinq figures gravées côte à côte. Le personnage principal est façonné en haut-relief tandis que les autres éléments du panneau sont sculptés en relief plat. Ces sculptures sont datées du IXe millénaire avant J.-C. Voir également : Découverte sensationnelle d’un bas-relief vieux de 11000 ans en Turquie
Deux scènes distinctes sont représentées sur le mur : à gauche, un homme affronte un taureau ; à droite, un homme en haut-relief entouré de deux panthères. (©Bekir Köşker)
La première scène à gauche, montre un homme armé d’une lance qui affronte un taureau avec de grandes cornes.
La scène du taureau de Sayburç. ©Bekir Köşker.
Cette scène du bas-relief rappelle étrangement la gravure de l’atlas céleste de Flamsteed.
Orion et le Taureau (Taurus), Atlas Celeste, de John Flamsteed, Édition Fortin, 1776.
UN DIEU ENTOURÉ D’ANIMAUX
Ce qui pourrait finalement être interprété comme une scène de chasse ordinaire ne l’est plus lorsque l’on observe la deuxième partie du bas-relief qui montre le Maître des animaux entre deux félins.
Figure masculine tenant son phallus au milieu de deux panthères (un mâle et une femelle). ©Bekir Köşker
La seconde scène montre une figure humaine qui tient son phallus dans sa main droite. Bien que la tête soit endommagée, un visage rond, de grandes oreilles, des yeux exorbités et des lèvres épaisses sont visibles. Il porte un collier (ou un tour de cou) de forme triangulaire. Le personnage est sculpté en haut-relief entouré de deux panthères, représentés de profil. Leur bouche est ouverte, les dents menaçantes et leurs longues queues sont repliées vers le corps.
LE MAÎTRE DES ANIMAUX À TRAVERS LES ÂGES
ÉGYPTE
Le Maître des animaux est toujours entouré d’animaux sauvages comme sur le couteau du Gebel el-Arak. Un couteau en ivoire d’hippopotame et en silex datant de la fin de la période Nagada II (vers -3300/3200) en Égypte qui montre un personnage qui maîtrise deux lions mâles. Sur la deuxième ligne deux chiens, des dogues aux oreilles dressées. Troisième ligne, une antilope et un bouquetin. Quatrième ligne, un autre bouquetin et il semble (d’après d’autres motifs retrouvés notamment en Mésopotamie) une lionne attaquant un taureau. Dernière ligne, un chasseur tenant en laisse un chat des marais dressé pour la chasse et un autre animal à sabots, bovin ou caprin.
Le couteau du Gebel el-Arak, couteau en ivoire d’hippopotame et en silex (vers -3300/-3200), Égypte. L’arrière du manche représente un homme entre deux lions, Musée du Louvre. (Wikimedia Commons).
INDE
Le Maître des animaux se retrouve également en Inde, comme par exemple sur ce sceau de la vallée de l’Indus. À ne pas en douter l’homme qui maîtrise les deux félins, lions ou tigres, est une divinité.
Sceau de la civilisation de la vallée de l’Indus, avec le motif du maître des animaux d’un homme maîtrisant deux lions ou tigres (2500-1500 avant JC).
Un autre sceau de la vallée de l’Indus montre le Maître des animaux entourés par un éléphant, un rhinocéros, un buffle et un tigre. Sous le dieu, sans doute deux bouquetins.
Sceau découvert lors des fouilles du site archéologique de Mohenjo-Daro dans la vallée de l’Indus. Ce sceau dit de « Pashupati » (Seigneur des Animaux), montre un personnage assis, peut-être ithyphallique, entouré d’animaux. (2600–1900 avant J.-C.).
Le personnage est figuré dans une position qui n’est pas sans rappeler l’image du chaudron de Gundestrup. Un dieu cornu entouré d’animaux sauvages. Plus de deux mille ans et des milliers de kilomètres séparent ces images.
Cernunnos, assis en tailleur, Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet.
Les deux personnages portent des cornes. L’un de bovidé, l’autre d’un cervidé. Du côté droit le taureau et le cerf sont remplacés par un rhinocéros et un buffle. Du côté droit un éléphant et un tigre remplacent le lion et le loup. À noter que l’animal en haut à droite, dans les deux cas, heureux hasard, partent en direction de la droite. Ce qui est en contradiction avec le reste de la composition. Dans le cas du dieu celtique, le taureau, le cerf et le loup sont les emblèmes du dieu cornu. Alors que le lion est, sur le chaudron de Gundestrup, l’emblème de la déesse. C’est sans doute la raison de cette inversion. Voir SAISON 2 ANNEXE 3 Chaudron de Gundestrup et calendrier
LES FORMES ANIMALES DU DIEU
En Grèce, le Maître des animaux apparaît sous les traits d’Orphée charmant les animaux sauvages.
Orphée et les animaux sauvages, mosaïque, Dallas Museum of Art. (Wikimedia Commons).
Cette fresque illustre parfaitement le principe appelé en Inde le vâhana, à la fois le véhicule, le symbole et l’emblème de la divinité qu’il porte. Le Maître des animaux aime être entouré de ses vâhanas et peut même se transformer en animal : oiseau (corbeau ou pie), en bête à cornes (antilope ou bouquetin), âne, sanglier et félins (panthères ou lions). Car la divinité peut prendre un aspect minéral, végétal, animal ou humain. Voir SAISON 2ANNEXE 2 Dieux celtes et animaux
LE MYSTÈRE DES NOMS DES DIEUX
Le dieu apparaît dans chaque région avec un nom et sous un aspect différent. La divinité est évoquée par ses attributs et par ses qualités. Les centaines de noms ne sont que des épithètes se référent aux divers aspects de la manifestation du dieu. Voir SAISON 2 ANNEXE 8 Les druides et le nom secret des dieux
Si les noms des divinités fluctuent au gré des civilisations, ces figurations qui se ressemblent à travers le temps et l’espace illustrent à merveille la permanence de ces images gravées dans l’inconscient collectif de l’humanité depuis les temps les plus reculés. Seuls les animaux changent suivant la latitude des territoires occupés par les adeptes du Maître des animaux. Éléphant et tigre en Inde, Cerf et loup en Europe.
CONCLUSION
La liste des éléments qui caractérisent Orion s’allonge avec les informations contenues sur la plaque aux trois taureaux.
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Le combat contre un taureau
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La présence d’un chien
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Orion est armé d’une épée
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Orion affronte un adversaire triple
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Le héros est lui aussi triple
La persistance de ces motifs à travers les millénaires a donné raison aux druides de briser l’interdit sur les images plutôt que de prendre la voie de l’écriture pour transmettre leur message à travers le chaudron de Gundestrup. Voir également SAISON 1 ANNEXE 25 Les druides et la représentation des dieux et SAISON 1 ANNEXE 26 Druides et écriture
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PROCHAIN ARTICLE : SAISON 2 ÉPISODE 4 Orion et Tauriscus le tyran des Gaules
Bibliographie et sources :
CHEVALIER Jean et GHEERBRANT Alain, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont/Jupiter, Paris, 1982.
DANIÉLOU, Alain, Shiva et Dionysos, Fayard, Paris, 1979.
GUIRAND, Félix et SCHMIDT, Joël, Mythes et mythologie, Larousse-Bordas, Paris, 1996.
Le Maître des animaux Maître des animaux — Wikipédia (wikipedia.org)