CERNE ABBAS
LES DRUIDES SAISON 2 ÉPISODE 16
LE GÉANT DE CERNE ABBAS
Orion n’est pas seulement présent dans l’iconographie celtique, mais également dans le paysage bucolique de la campagne anglaise.
L’IMAGE D’UN GÉANT
Il s’agit de l’image intrigante d’une silhouette humaine de très grande taille creusée dans un des coteaux verdoyant près du village de Cerne Abbas, au nord de Dorchester, dans le comté du Dorset (Sud-Ouest de l’Angleterre).
Le géant de Cerne Abbas en 2001. (Wikimedia Commons).
C’est l’image d’un géant qui est représenté nu dont le tracé est délimité par une tranchée d’environ 30 cm de large sur 30 cm de profondeur creusée sur le flanc de la colline. La tranchée est remplie de craie broyée, ce qui empêche l’herbe de repousser.
Détail des tranchées. (Wikimedia Commons).
Cependant pour maintenir la netteté du tracé un entretien des tranchées est nécessaire tous les dix ans.
Travaux de restauration en 2008. (Wikimedia Commons).
Le géant, haut de 55 mètres, dessiné dans un style assez naïf, tient dans sa main droite une massue bosselée de 36.5 m de long qu’il brandit au-dessus de sa tête. Des recherches de 2008 ont montré qu’une figure, non visible aujourd’hui, était gravé sous son bras gauche représentant un pan de vêtement ou la dépouille d’un animal qui y étaient à l’origine suspendus.
Dessin du géant avec le pan manquant (en jaune). (Wikimedia Commons)
Le tracé présente une certaine ressemblance avec les représentations mythologiques du héros grec Héraklès portant la dépouille du Lion de Némée.
Hercule tenant une massue et la dépouille du Lion de Némée (époque romaine).
LES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES DU GÉANT
Le personnage se distingue par un sexe en érection de 7 mètres de long. Le tracé montre également deux mamelons (deux cercles) sur des pectoraux musclés et la présence de trois côtes représentées de chaque coté du torse. Voir à ce propos SAISON 1 ANNEXE 7 La stylisation des bustes sur le chaudron de Gundestrup
Par rapport au corps la tête est plutôt petite. Le visage est réduit à sa plus simple expression. Deux traits pour les sourcils, deux points pour les yeux et un troisième trait pour la bouche.
Le géant est mentionné pour la première fois dans un document de 1694. Puis en 1774 par John Hutchin dans un ouvrage intitulé History of Dorset.
Géant de Cerne Abbas, dessin datant de 1794. D’après ce document, le phallus a sans doute été agrandi en intégrant ce qui semble avoir été le nombril. (Wikimedia Commons).
HYPOTHÈSE SUR L’IDENTITÉ DU GÉANT
Différentes hypothèses ont été proposées, des plus sérieuses aux plus farfelues, à propos de l’origine de cette silhouette géante.
La figure du géant serait une création des Celtes. Par exemple le dieu irlandais Dagda est le détenteur d’une massue qui tue par un bout et ressuscite de l’autre. Une autre hypothèse veut que ce soit une représentation d’Hercule daté de l’époque romaine Ou même une caricature d’Oliver Cromwell que ses ennemis surnommaient « l’Hercule anglais ».
La datation de la figure géante est également problématique et couvre une large période chronologique, de la préhistoire à 1774, en passant par l’âge du fer et le Moyen Âge. Plusieurs études récentes indiquent que le géant semble dater du Moyen Age. L’une des théories en présence semble indiquer que la figure est une représentation du demi-dieu grec Héraklès datant du haut Moyen Age, une autre situe la création du géant 700 et 1100 de notre ère et une troisième, basée sur la présence d’une espèce particulière d’escargot, que la figure ne date pas avant le 12ème ou le 13ème siècle.
Il ne faut cependant pas oublier les restaurations successives avec un renouvellement régulier des matériaux contenus dans les tranchées. Ce qui peut entraîner une marge d’erreur conséquente.
LA RELIGION DES ÉTOILES
Heureusement l’astronomie permet d’apporter un éclairage nouveau sur cette figure déconcertante d’un géant et de connaître l’identité du personnage à défaut de pouvoir dater la figure de façon précise.
Car il s’agit tout simplement de la plus belle constellation de l’hémisphère nord. En effet Orion est traditionnellement représenté avec une massue dans une main et une peau de lion posé sur un bras.
Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 9 Orion et astronomie
Orion. Gravure de Johann Bayer Uranometria (1661). (Wikimedia Commons).
Sous cette apparence Orion ressemble au héros grec Héraklès. Mais ce n’est pas lui. Voir également SAISON 2 ÉPISODE 5 Orion et Héraklès
La constellation d’Hercule (Hercules) dans Uranometria, l’atlas céleste de Johann Bayer (1661).
Cette ressemblance entre les deux personnages n’est pas fortuite puisque dans la Religion des Étoiles des druides, Orion est le dieu principal qui en certaines occasions revêt l’apparence de son avatar Héraklès pour accomplir différents exploits.
Les quatre principaux « travaux » d’Orion sont d’ordre calendaires. Orion doit affronter des animaux mythiques qui figurent les grandes constellations celtiques situées aux quatre angles du ciel.
-
Orion sacrifie l’énorme Taureau céleste (la constellation du Taureau, Taurus) à l’équinoxe de printemps.
Chaudron de Gundestrup. Plaque du fond avec l’énorme taureau central (la constellation du Taureau, Taurus), l’homme armé d’une épée (Orion), le chien (la constellation du Grand Chien, Canis Major), un ours roulé en boule (La constellation de la Petite Ourse, Ursa Minor) et un animal fantastique figurant la constellation du Dragon (Draco). (Nationalmuseet de Copenhague).
Voir à propos du lien entre la plaque du fond et l’astronomie SAISON 1 ÉPISODE 5 Chaudron de Gundestrup et astronomie
-
Il tue un lion (la constellation du Lion, Leo Major) au solstice d’été (c’est pourquoi Orion porte la dépouille d’un lion sur son bras). Orion doit également capturer un ou plusieurs cerfs à l’équinoxe d’automne. La grande constellation du Cerf était située à l’emplacement actuel des constellations de la Balance (Libra) et du Scorpion (Scorpius).
Orion, le Grand Chasseur, avec deux cerfs, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet
-
Pour finir, Orion doit affronter un dangereux sanglier au solstice d’hiver. La constellation du Sanglier se situait à l’endroit de l’actuelle constellation du Verseau (Aquarius). De par son environnement aquatique, ce sanglier extraordinaire est en rapport avec l’élément aqueux. C’est pour cela que l’on retrouve ces étranges sangliers qui plongent dans la mer dans les mythologies irlandaise (Twrch Trwyth) et hindoue (Varâha).
Orion affrontant un sanglier fantastique, Certains y ont vu un lion, mais le groin et les sabots arrières de l’animal sont bien visibles, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet
Sur ces quatre exploits primordiaux se sont greffés des aventures secondaires. L’ensemble est devenu ce qui est appelé communément les 12 travaux d’Hercule.
Mais pourquoi au fait ce ne serait pas une simple représentation d’Héraklès ?
ÉTOILES ET CONSTELLATIONS
Parce que la constellation attribuée au héros grec est traditionnellement représentée sous les traits d’un homme agenouillé ce qui est d’ailleurs le nom originel de la constellation. Puisque la constellation d’Hercule (Hercules) est appelée tout simplement « l’Agenouillé » en Mésopotamie.
Cependant il y a encore un indice de taille qui parle en faveur d’Orion : le phallus. Si l’on observe attentivement la constellation d’Orion, il y a au niveau de l’entrejambe une figure remarquable dessinée par des étoiles qui appelée l’Épée d’Orion.
Photographie de la constellation d’Orion. (Mouser, Wikimedia Commons).
Cet astérisme est constitué de trois étoiles : c Orionis, Theta orionis et Iota Orionis. Ces trois étoiles sont situées en dessous du grand astérisme qu’est la Ceinture d’Orion.
La constellations d’Orion sur une carte du ciel chinoise. Les trois étoiles en orange forment ce qui est traditionnellement appelé l’épée d’Orion. Carte de Danhuang, époque Tang, VIIe siècle è. c., British Museum.
L’épée est un symbole phallique incontestable, ce qui semble corroboré par l’appellation chez les Romains du fourreau d’une épée qui est nommé vagina en latin.
Il semble que les créateurs de l’image du géant de Cerne Abbas ont privilégié l’aspect phallique de l’épée d’Orion. Selon les croyances populaires, les femmes qui dormaient sur la silhouette du géant devenaient fécondes, et l’infertilité pouvait être guérie si l’on y avait des rapports sexuels sur le sexe du géant.
DATATION DU GÉANT
Il est impossible de dater avec certitude une telle œuvre. Cependant le fait que l’on peut identifier Orion permet d’avancer l’hypothèse que cette figure géante a un lien avec la Religion des Étoiles des druides. Comme les druides n’ont brisé leur interdit de représenter les dieux que tardivement, après le traumatisme de la bataille d’Alesia en 52 av. J.-C. qui a entraîné la chute de la Gaule et avec elle le monde des druides. Cette image ne devient possible qu’après cette date. La conquête romaine de la Grande-Bretagne débute en 43 apr. J. -C. C’est donc durant ce court laps de temps à l’échelle de l’histoire qu’a germé l’idée de représenter Orion sur une colline du Dorset. Avec le temps, les habitants de la région ont ensuite perpétué l’image du géant ithyphallique sur des millénaires sans forcément connaître la véritable identité de cette figure.
Dernier petit détail qui relie l’image aux druides est le nom du personnage géant de Cerne Abbas. Cerne Abbas étant le nom d’un village et Cerne est le nom du cours d’eau qui coule au pied de la colline. Ce terme est à rapprocher du nom du dieu celtique Cernunnos (à prononcer « Kernunnos). L’alter ego d’Orion dans la Religion des Étoiles des druides.
Cernunnos, le Maître des animaux, entouré par un taureau et un cerf d’un côté et de l’autre par un lion et un loup. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet.
Pour la signification de cette image voir SAISON 2 ANNEXE 3 Cernunnos
LE DIEU CORNU
Un autre géant du folklore anglais est Herne le Chasseur, associé à la Forêt de Windsor dans le comté anglais de Berkshire. On le présente comme portant des bois de cerf sur la tête, montant à cheval, tourmentant le bétail, et secouant des chaînes.
Herne le chasseur (à droite), imprimé de George Cruikshank, 1843. La collection Mansell, New York. Source : britannica.com
La mention la plus ancienne de Herne est faite par William Shakespeare, dans sa pièce de 1597 Les Joyeuses Commères de Windsor (The Merry Wives of Windsor). Or ce nom dérive lui aussi de Cerne.
Cerne est un mot très ancien qui vient de kern provenant d’un terme relatif aux cornes. De la racine indo-européenne *ker(n) sont issus les mots désignant la corne, en grec keras, en latin cornua, en breton korn (pluriel kern ou kerniel), en vieil irlandais cern et dans les langues germaniques horn, le k originel étant devenu un h. Ce qui signifié que le nom du cours d’eau est antérieur à l’arrivée des peuples germaniques (Angle, Jutes et Saxons) en Grand Bretagne vers 450 de notre ère.
En ce qui concerne les noms du géant de Cerne Abbas[1] et Herne le personnage de Shakespeare le glissement entre le k celtique et le h germanique est accompli. Ce qui signifie que le nom de Herne est postérieur aux invasions germaniques. Même si le personnage est très ancien puisqu’il arbore des bois de cerf comme le dieu celtique Cernunnos.
CONCLUSION
En Gaule par exemple les dieux typiquement gaulois n’ont été représentés que pendant un cours laps de temps, quelques décennies tout au plus, avant d’être intégré dans une iconographie mixte gallo-romaine. Pour toutes ces raisons, il semble raisonnable de dater la création du géant de Cerne Abbas entre la fin du Ier siècle av. J.-C. et le début du Ier siècle ap. J.-C. Lorsque la Religion des Étoiles était encore pratiquée et avant que les Romains ne détruisent définitivement les croyances des druides basées sur les étoiles. En sommes comme le chaudron de Gundestrup.
©JPS2024
[ACCUEIL]
NOTES :
[1] Le village de Cerne Abbas s’est développé autour de l’abbaye bénédictine de Cerne, qui a été fondée en 987 de notre ère. Abbas signifie en latin médiéval « abbé ». L’abbaye a sans doute remplacée un sanctuaire plus ancien consacré à Cernunnos.