THORNBOROUGH HENGES

LES DRUIDES SAISON 2 ÉPISODE 17

La campagne anglaise réserve quelques surprises en ce qui concerne Orion et sa constellation.

UN SITE MÉCONNU

Le site des henges de Thornborough est surnommé le « Stonehenge du Nord ». Un henge est une structure circulaire de l’âge du bronze, entourée d’un fossé et d’un talus avec une ou plusieurs ouvertures menant vers un espace central dégagé. Dans le cas du site de Thornborough, il s’agit de trois mystérieuses structures circulaires alignées selon un axe nord-ouest / sud-est, et datant de 3500 à 2500 av. J.-C. Jusqu’à présent les trois cercles composés de plusieurs anneaux de talus et de fossés n’étaient visibles que du ciel.

THORNBOROUGH HENGES. Les trois cercles mégalithiques des Thornborough Henges vus depuis le ciel. Alamy Stock Photo.

Les trois cercles mégalithiques de Thornborough vus depuis le ciel. Alamy Stock Photo

En 2016, ce site préhistorique majeur a été cédé à l’État britannique par une entreprise de construction, propriétaire du terrain, qui voulait exploiter les carrières environnantes. Depuis 2023, le site est désormais accessible au public, géré par English Heritage.

TROIS CERCLES EN TERRE

Les cercles sont situés sur un plateau surélevé au-dessus de la rivière Ure, près du village de Thornborough, dans le Yorkshire du Nord, en Angleterre. Le site servait sans doute, comme ses cousins Stonehenge ou Avebury, de lieux de rassemblement pour des cérémonies.

Les trois cercles, presque identiques en taille, mesurent plus de 240 m de diamètre et ont été formés en amassant de la terre pour former une élévation circulaire de 6 ou 7 mètres de haut. Deux grandes ouvertures sont situées directement l’une en face de l’autre, l’une au nord-ouest l’autre au sud-est. Les henges sont situés à environ 550 mètres l’un de l’autre sur un alignement nord-ouest-sud-est. Les trois cercles sont joints entre eux par une chaussée processionnelle d’environ 65 m de large. Au total, le monument s’étend sur 1500 mètres.

Le henge de Thornborough vu du ciel.

Les henges de Thornborough vu du ciel. Source google earth.

Des fouilles archéologiques qui ont été menées sur le henge central laissent penser que le monument était recouvert de gypse. L’éclat blanc qui en résultait devait frapper les esprits et était visible à des kilomètres à la ronde.

Le cercle du nord est actuellement couvert par des arbres, mais c’est l’un des henges les mieux préservés de Grande-Bretagne.

Les trois cercles du complexe de Thornborough, en regardant vers le sud.

Les trois cercles du complexe de Thornborough, en regardant vers le sud. (Wikimedia Commons).

Les henges du centre et du sud sont en moins bon état. Le cercle central est cependant doté du talus le plus élevé, atteignant près de 5 m et son fossé intérieur mesurait 17 m de large et jusqu’à 2 m de profondeur.

La structure centrale du henge de Thornborough qui correspond à l’étoile Alnilam du Baudrier d’Orion .

La structure centrale du henge de Thornborough qui correspond à l’étoile Alnilam du Baudrier d’Orion. © Historic England Archive Source : Geo.

SUR LA TERRE COMME AU CIEL

La disposition des henges semble refléter les trois étoiles du baudrier ou ceinture d’Orion et avait sans doute une fonction astronomique et cultuelle.

Les henges de Thornborough vers 3500 av. J.-C.

Les henges de Thornborough vers 3500 av. J.-C. À noter que les cercles ne sont pas alignés en ligne droite et forment le meme angle que les étoiles du Baudrier d’Orion. Source : Christopher Knight, Alan Butler, Avant les pyramides, Éditions Alphée, 2010. Hen 1a

Le henge nord correspond à l’étoile Mintaka (Delta Orionis), le henge central correspond à l’étoile Alnilam  (Epsilon Orionis) et le henge sud correspond à l’étoile Alnitak (Zeta Orionis) du Baudrier d’Orion. Tandis que la rivière Ure qui serpente à quelques kilomètres du site figure la Voie Lactée, la rivière céleste.

En arabe, Alnilam signifie « rang de perles », Mintaka signifie « le baudrier » et Alnitak vient du mot an-nitaq et signifie « la ceinture ».

Thornborough reproduit sur le sol une des caractéristiques majeure du Baudrier d’Orion puisque l’un des étoiles est décentrée par rapport aux deux autres de quelques degrés.  Ce qui est également le cas avec les cercles du henge qui reproduisent cette anomalie.

Si l’on se place sur le henge central au milieu de la nuit la plus longue de l’année, lors solstice d’hiver en 2700 av. J.-C., en regardant vers le sud-ouest, on peut voir se coucher le Baudrier d’Orion dans la même configuration que les henges de Thornborough.

Si l’on se place sur le henge central au milieu de la nuit la plus longue de l’année, lors solstice d’hiver en 2700 av. J.-C., en regardant vers le sud-ouest, on peut voir se coucher le Baudrier d’Orion dans la même configuration que les henges de Thornborough. Source : Stellarium, logiciel libre de planétarium.

Le sommet des talus des henges formaient un horizon artificiel immuable. Observatoire astronomique idéal pour contempler le lever et le coucher des astres de façon plus précise que dans un environnement vallonné. Il suffisait de d’enfoncer des pieux en bois dans le sol au sommet des talus à l’endroit précis de l’observation et ainsi suivre le cours des astres sur cet horizon. Le soleil, la lune, les planètes et l’étoile Sirius, les trois étoiles formant le Baudrier d’Orion par exemple ou encore d’autres constellations comme les Pléiades. Ces observations permettent d’établir un calendrier précis. Les équinoxes et solstices, les phases de la Lune ou des cycles plus long des astres. Les informations contenues sur le disque de Nebra donnent idée du savoir astronomique des temps préhistoriques.

UN DISQUE EN BRONZE

Le disque de Nebra est un disque de bronze pesant 2.3 kg et d’environ 32 cm de diamètre. Découvert en 1999 à proximité de la ville allemande de Nebra par des pilleurs de trésors. D’après les analyses microscopiques de la patine du disque et l’étude isotopique du plomb radioactif qu’il contient on peut dater approximativement sa réalisation vers l’an 1.600 av. J.-C. ce qui en ferait l’une des plus vieilles représentations de la voûte céleste.

Disque de Nebra

Le disque céleste de Nebra, bronze et or, vers usée régional de la Préhistoire de Halle-sur-Saale, Allemagne. (Wikimedia Commons).

Sur ce disque vert-de-gris se détachent clairement pour l’observateur certains corps célestes en feuilles d’or. La Pleine Lune (et non le Soleil), le croissant de lune, les Pléiades et le ciel étoilé, ainsi que d’autres motifs rajoutés plus tard. Une barque solaire, ainsi que deux arcs en or, dont un a été enlevé dès l’Antiquité et qui représentent l’écart entre les points d’horizon où le Soleil se lève et se couche aux solstices d’été et d’hiver. Le disque de Nebra semble en effet indiquer deux dates primordiales pour les paysans de l’âge de bronze. Le premier événement retenu est le coucher des Pléiades, autour du 10 mars de notre calendrier, et indique le temps des semailles, avec souvent, mais pas toujours, le croissant lunaire qui les accompagne dans leur disparition. La deuxième date importante qui associe les Pléiades et la pleine lune cette fois, se situe autour du 17 octobre et défini le temps des moissons. Pour plus de détail voir SAISON 1 ANNEXE 40 Le disque de Nebra

L’ORIGINE DU DRUIDISME

Le cercle central de Thornborough pouvait ainsi servir de disque de Nebra géant pour observer les astres. Avec pour seule différence, que ce ne sont pas les Pléiades qui sont au centre des préoccupations des observateurs de Thornborough, mais le Baudrier d’Orion. Il faut dire que les déplacements de la constellation d’Orion durant l’année solaire a une importance fondamentale dans la Religion des Étoiles que les druides ont hérité de leurs prédécesseurs des temps mégalithiques. Il ne faut pas oublier qu’en Égypte par exemple la constellation d’Orion était considérée comme la manifestation d’Osiris, le dieu de la Mort, de la renaissance et de la vie après la mort. Ce sont les observations des différents astres sur un longue durée qui permis aux constructeurs de Thornborough d’élaborer une religion basée sur les étoiles. Les anciens habitants de la Grande Bretagne étaient passionnés par l’observation des astres. Ce n’est pas pour rien que les druides astronomes ont estimé que le druidisme est originaire des îles britanniques :

On croit que leur doctrine est née en Bretagne, et a été apportée de cette île dans la Gaule ; de nos jours encore ceux qui veulent en faire une étude approfondie vont le plus souvent s’instruire là-bas[1].

C’est César qui l’affirme.

UN TEMPLE DE FORME RONDE

Diodore de Sicile livre quelques informations importantes à propos des habitants de la Grande Bretagne des temps préhistoriques.

Hécaté et quelques autres prétendent qu’il y a au-delà de la Celtique, dans l’Océan, une île qui n’est pas moins grande que la Sicile. Cette île, située au nord, est, disent-ils, habitée par les Hyperboréens, ainsi nommés parce qu’ils vivent au-delà du point d’où souffle Borée. Le sol de cette île est excellent, et si remarquable par sa fertilité qu’il produit deux récoltes par an. C’est là, selon le même récit, le lieu de naissance de Latone, ce qui explique pourquoi les insulaires vénèrent particulièrement Apollon. Ils sont tous, pour ainsi dire, les prêtres de ce dieu : chaque jour ils chantent des hymnes en son honneur. On voit aussi dans cette île une vaste enceinte consacrée à Apollon, ainsi qu’un temple magnifique de forme ronde et orné de nombreuses offrandes ; la ville de ces insulaires est également dédiée à Apollon ; ses habitants sont pour la plupart des joueurs de cithare, qui célèbrent sans cesse, dans le temple, les louanges du dieu en accompagnant le chant des hymnes avec leurs instruments. Les Hyperboréens parlent une langue qui leur est propre ; ils se montrent très bienveillants envers les Grecs, et particulièrement envers les Athéniens et les Déliens ; et ces sentiments remontent à un temps très reculé. Ou prétend même que plusieurs Grecs sont venus visiter les Hyperboréens, qu’ils y ont laissé de riches offrandes chargées d’inscriptions grecques, et que réciproquement, Abaris, l’hyperboréen, avait jadis voyagé en Grèce pour renouveler avec les Déliens l’amitié qui existait entre les deux peuples. On ajoute encore que la lune, vue de cette île, paraît être à une très petite distance de la terre, et qu’on y observe distinctement des soulèvements de terrain. Apollon passe pour descendre dans cette île tous les dix-neuf ans. C’est aussi à la fin de cette période que les astres sont, après leur révolution, revenus à leur point de départ. Cette période de dix-neuf ans est désignée par les Grecs sous le nom de Grande année. On voit ce dieu, pendant son apparition, danser toutes les nuits en s’accompagnant de la cithare, depuis l’équinoxe du printemps jusqu’au lever des Pléiades, comme pour se réjouir des honneurs qu’on lui rend. Le gouvernement de cette ville et la garde du temple sont confiés à des rois appelés Boréades, les descendants et les successeurs de Borée[2].

DES INFORMATIONS PRÉCIEUSES

L’auteur donne le nom des habitants de l’île, les Hyperboréens. Diodore mentionne également un temple magnifique de forme ronde que l’on peut identifier à Stonehenge. Il dit que les habitants ont des connaissances astronomiques. Il évoque le cycle de dix-neuf ans que l’on appelle cycle de Meton[3], qui implique l’existence d’un calendrier luni-solaire, Il mentionne l’équinoxe de printemps et les Pléiades. Diodore révèle même le nom des Prêtres-rois de l’île, les Boréades. Ce qui nous intéresse particulièrement est pourtant le nom du dieu vénéré par les habitants de l’île : Apollon. Or, Apollon n’est qu’un avatar parmi d’autres d’Orion. Il faudra bien sûr revenir plus en détail sur le lien entre les deux divinités. C’est donc Orion, le dieu est en honneur à Stonehenge.

Le coucher du Soleil à Stonehenge.

Le coucher du Soleil à Stonehenge. (Wikimedia Commons).

UN DRAGON DANS LE CIEL

Ce qui n’est guère étonnant, il faut savoir qu’autour de 2700 av. J.-C. c’est la constellation du Dragon (Draco) qui trônait au-dessus de Stonehenge, avec l’étoile polaire de l’époque, Alpha Draconis qui tel une gemme étincelait dans la queue du dragon. Il n’est pas étonnant que le dieu tueur de dragon des Indo-Européens ait combattu, puis tué, puis pris la place du dragon dans le sanctuaire. Comme l’a fait Apollon à Delphes en tuant le serpent Python pour devenir la divinité principale du sanctuaire grec. Acte qu’a reproduit un chef de guerre gaulois du nom de Brennos pour s’emparer de Delphes en 279 av. J.-C. Voir SAISON 2 ANNEXE 11 Brennos

Dans un conte gallois, il existe la mention d’une pierre précieuse qui se trouve dans la queue d’un serpent.

Seigneur, voici : c’est en me battant avec le serpent noir du Carn. Il y a un monticule qu’on appelle Cruc Galarus (le Tertre douloureux), et sur ce monticule il y a un carn, dans le carn un serpent, et dans la queue du serpent une pierre. La pierre a cette vertu que quiconque la tient dans une main peut avoir, dans l’autre, tout ce qu’il peut désirer d’or. C’est en me battant avec le serpent que j’ai perdu mon œil[4].

Cette pierre précieuse rappelle l’œuf de serpent des druides qui est un omphalos qui indique le centre du monde terrestre comme l’étoile polaire indique le centre du ciel étoilé.

Serpent barbu enroulé autour de l’omphalos de Delphes Monnaie en bronze de Pergame en Mysie, v. 133-16 avant notre ère.

Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 24 Le sanctuaire des druides

CONCLUSION

Il semble que la constellation d’Orion avait une importance capitale pour les habitants de la Grande Bretagne préhistorique. Puisqu’ils ont créé des monuments dans le paysage tels que le géant de Cerne Abbas et des henges de Thornborough en l’honneur d’Orion.

Photo de la ceinture d’Orion avec les étoiles Alnitak, Alnilam et Mintaka.

Photo de la ceinture d’Orion avec les étoiles Alnitak, Alnilam et Mintaka. (Wikimedia Commons).

©JPS2024

[ACCUEIL]

Image mise en avant :

Les henges de Thorborough.

Les henges de Thorborough. Getty images/ Heritage images.

SOURCES :

L’autre Stonehenge : au Royaume-Uni, l’ouverture de Thornboroug Henges (histoire-et-civilisations.com)

Christopher Knight, Alan Butler, Avant les pyramides, Éditions Alphée, 2010. Les auteurs donnent des informations utiles en ce qui concerne le site de Thornborough. Cependant on n’est pas obligé de partager toutes les idées défendues par cet ouvrage comme par exemple l’existence d’une civilisation avancée qui est à l’origine des connaissances astronomiques que l’on retrouve dans différentes civilisations à travers le monde.

NOTES :

[1] Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules, Wikisource, Livre VI, 13.

[2] Diodore de Sicile, Bibliothèque historique , II, 47

[3] Période de 235 lunaisons au terme de laquelle les phases de la Lune se reproduisent aux mêmes dates du calendrier. Ainsi, au bout de 19 ans, les mêmes dates de l’année correspondent presque aux mêmes phases de la Lune.

[4] Peredur ab Evrawc, Les Mabinogion, Contes bardiques gallois, Traduction de Joseph Loth, Les presses d’aujourd’hui, Paris, 1979, p.220.

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