ORION ET SUCELLUS LE DIEU AU CHIEN

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 6

Dans l’iconographie gauloise, la constellation d’Orion peut prendre l’aspect de Sucellus le dieu au maillet.

LES ÉLÉMENTS CARACTÉRISANT ORION

Le portrait-robot du dieu Orion se complète au fil des articles.

  1. Le combat contre un taureau

  2. La présence d’un chien

  3. Orion est armé d’une épée

  4. Orion affronte un adversaire triple

  5. Le héros est lui aussi triple

  6. Une massue

  7. Une peau de lion

  8. Orion est le « père des Celtes »

  9. Orion est un archer et ses attributs sont l’arc et le carquois

  10. Orion conduit les âmes des morts

Cette fois-ci, c’est la présence du chien qui sera étudiée.

LE DIEU AU MAILLET

Il faut pour cela partir à la recherche d’un dieu qui est accompagné dans l’iconographie celtique par un chien. Ce dieu existe effectivement et il porte un nom : Sucellus en latin et Sucellos en gaulois.

Contrairement à Héraklès, ce dieu porte la plupart du temps, mais pas toujours, un vêtement, une courte tunique. Il tient dans une main un gros marteau, un maillet. Dans l’autre main un petit vase (une olla) et surtout il est accompagné par son fidèle chien.

Les Celtes sont un peuple de l’âge du fer et il est normal que la massue préhistorique puisse être remplacée par un maillet en acier. Ce grand marteau correspond à la massue du dieu irlandais Dagda qui tue et qui donne la vie. On peut également le rapprocher du mell benniget « maillet béni » de la tradition bretonne, Ce maillet est l’attribut de l’Ankou, une personnification de la mort, que l’on place sur la tête ou le front des agonisants pour leur procurer une bonne mort.

SUCELLUS. Stèle du dieu Gaulois Sucellus datant du IIème siècle de notre ère, la divinité tend de la main droite un petit pot (olla) et tient de l'autre un maillet appuyé sur son épaule. Un chien est couché à ses pieds.

Stèle du dieu Gaulois Sucellus datant du IIème siècle de notre ère, la divinité tend de la main droite un petit pot (olla) et tient de l’autre un maillet appuyé sur son épaule. Un chien est couché à ses pieds. Site de Saint-Romain-en-Gal, maison de Sucellus.

Il y a environ 200 monuments du « dieu au marteau ». Aucun mythe et aucun texte antique, ne mentionnent pourtant ce dieu celtique. Seule l’iconographie permet d’apporter quelques éléments de réponses au mystère qui entoure ce dieu. Cependant divers objets et attributs permettent, même sans inscription, d’identifier cette divinité. Fort heureusement, la présence du chien ne peut laisser planer aucun doute sur l’identité réelle de ce personnage. C’est Orion. Pourtant quelques changements mineurs peuvent rendre ce dieu méconnaissable. Quant à l’appellation Sucellos, ce n’est pas un nom, mais un qualificatif puisqu’il signifie « Tape dur ». Les noms des divinités peuvent être changeants puisque les druides ont interdit de nommer les dieux par leur véritable nom. Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 8 Les druides et le nom secret des dieux

LE DIEU AU VASE

Sur un autel nîmois nous retrouvons exactement la même divinité. Homme barbu, habillé d’une courte tunique, portant une cape. Le maillet, une olla (un petit vase) et le chien sont bien présent. Cependant, cette fois ci, le personnage est nommé Silvanus[1]. Dans certaines régions de la Gaule romanisées plus tôt que d’autres, un culte du dieu romain Silvanus (« le forestier ») est venu recouvrir celui de Sucellos. Il existe entre les deux divinités des ressemblances frappantes. Il n’y a aucun doute que c’est le même dieu qui est représenté. Toujours et encore Orion. La présence du chien, du maillet et du récipient leurs sont communs. Vase qui contient le breuvage d’immortalité d’un dieu qui donne la mort ainsi que la vie éternelle. Nous y reviendrons plus longuement dans un autre article.

SUCELLUS. Relief du Silvain gaulois sur un autel nîmois. Le dieu porte son maillet et son olla distinctifs. Un chien se trouve à son côté.

Relief du Silvain gaulois sur un autel nîmois. Le dieu porte son maillet et son olla distinctifs. Un chien se trouve à son côté. (Musée archéologique de Nîmes)

UN DIEU BARBU

De même, cette très belle statuette en bronze du dieu gaulois Sucellos barbu et à la chevelure abondante. Sans son chien cette fois-ci, mais avec le maillet qui tue et ressuscite.

SUCELLUS. Statuette du dieu gaulois Sucellus, Sauvat, Tour-sur-Rhône, Bouches-du-Rhône, France - II ou III -ème siècle ap. J.-C.

Statuette du dieu gaulois Sucellus, Sauvat, Tour-sur-Rhône, Bouches-du-Rhône, France – II ou III -ème siècle ap. J.-C. – bronze,  Musée des Antiquité Nationale St-Germain-en-Laye. (Wikimedia Commons).

UNE PEAU DE LOUP

Une des plus belles représentations de Sucellos est sans conteste le « dieu au maillet » de Vienne à la Walters Art Gallery de Baltimore. Ce groupe de bronze représente un homme nu, barbu, portant une peau de loup, avec, derrière lui, un attribut extraordinaire : une sorte de marteau auquel cinq objets semblables, mais plus petits, sont attachés par des tiges disposées comme les rayons d’une roue.

SUCELLUS. Statue de Sucellus, une des plus anciennes représentations connues du dieu (vers le Ier siècle).

Statue de Sucellus, une des plus anciennes représentations connues du dieu (vers le Ier siècle). Elle a été trouvée dans une demeure romaine en France et se situait dans un sanctuaire privé (lararium). Walters Art Museum, Baltimore.

LE MYSTÈRE D’ORION

Cette statue et ses étranges attributs recèle des informations capitales en ce qui concerne le mythe d’Orion qui est raconté sur le chaudron de Gundestrup. Il y a énormément à dire sur le sujet, ce qui dépasserait largement le cadre de cette étude sur le dieu au marteau. L’importance des informations demande un traitement à part conséquent et ne saurait etre résumé en quelques lignes. Cette statue insolite a été trouvé par hasard à Vienne (Isère) en 1866, avec d’autres antiquités romaines. La main gauche est levée, la droite, tendue vers l’avant, tient une olla. Le personnage devait tenir une longue hampe avec à son sommet un maillet comme sur l’exemple précédent. La peau de bête qui couvre la tête, nouée par ses pattes autour du cou et enroulée autour du bras gauche, est une peau de loup.

UN DIEU CHASSEUR

La disposition de la peau évoque la peau du lion de Némée, attribut du demi dieu Héraklès, mais la forme de la queue de l’animal démontre que ce n’est définitivement pas la peau d’un lion. Ni le lion ni le loup ne figure d’ailleurs parmi les animaux familiers du dieu Orion. Ce sont des dépouilles d’animaux tués. D’anciens adversaires d’Orion. La présence de la peau d’un animal mort, lion ou loup, parmi les attributs du dieu, nous mène sur la piste d’une des caractéristiques majeures du dieu Orion. Car, il ne faut pas oublier qu’Orion est appelé le Grand Chasseur. Deux divinités parmi les plus considérables des Celtes sont représentées sur le chaudron de Gundestrup et ces deux dieux semblent s’opposer. Cette rivalité s’exerce de façon indirecte, car Orion affronte les animaux qui entourent Cernunnos. L’un représente le monde des hommes, l’autre celui des animaux. Entre Orion et le Maître des animaux, il y a une relation chasseur-gibier.

SUCELLUS. Cernunnos entouré par des animaux, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C.

Cernunnos entouré par des animaux, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet

Sur la plaque du fond, Orion combat un grand taureau. Sur la plaque du Maître des animaux figure un bovidé, en haut à gauche du dieu. Dans l’iconographie et les textes, Orion est également représenté sous la forme d’un homme qui porte la peau d’un lion, ce qui implique que le dieu a dû tuer cet animal lors d’un affrontement. Sur cette même plaque figure un lion, reconnaissable à sa crinière (en haut à droite du dieu). Dans le cas de Sucellos, Orion porte sur lui une peau de loup. Cet animal est également représenté en bas à droite du dieu cornu. Il ne reste que le cerf. Une des plaques du chaudron de Gundestrup montre justement Orion en tant que Grand Chasseur puisqu’il y est représenté tenant deux cerfs avec ses deux mains. Des trophées de chasse.

SUCELLUS. Orion, le Grand Chasseur, avec deux cerfs, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C.

Orion, le Grand Chasseur, avec deux cerfs, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet

Les sceptiques pourront objecter qu’il peut très s’agir de Cernunnos avec ses animaux fétiches. Cependant un détail ne trompe pas. Sur le chaudron de Gundestrup Orion ne porte jamais de torque autour de son cou, alors que Cernunnos en porte un sur chaque image le représentant. Or, la divinité aux deux cerfs ne porte pas de torque autour du cou. C’est bien Orion qui est représenté sur cette plaque.

LE CIVILISÉ ET LE SAUVAGE

Cette dualité entre chasseur et chassé peut également se reporter sur un autre plan, la rivalité entre le civilisé et le sauvage. Orion est l’homme civilisé et Cernunnos, l’homme sauvage. Ce qui est appuyé par la présence des animaux qui accompagnent les deux dieux. Le chien domestique pour Orion et le loup, animal sauvage, pour Cernunnos.

Orion avec son chien et Cernunnos avec un loup, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C.

Orion avec son chien et Cernunnos avec un loup, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C.

Orion avec son chien et Cernunnos avec un loup, détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet

Ces deux dieux sont très anciens puisqu’ils sont déjà représentés sur un bas-relief retrouvé en Turquie, vieux de 11000 ans. Voir à ce propos SAISON 2 ÉPISODE 3 Le chaudron de Gundestrup et Orion

Une époque charnière puisque ces deux dieux sont déjà présents lorsque les humains passent en Anatolie du statut de chasseur à celui d’éleveur et d’agriculteur et de celui de nomade à celui de sédentaire. C’est l’aube de la civilisation. Plus tard vers 3000 av. J.-C. Orion prendra le nom de Gilgamesh, dieu de la cité et le Maître des animaux celui de Enkidu, l’homme sauvage qui vit parmi les animaux.

D’ailleurs Gilgamesh est représenté dans une scène qui n’existe en Gaule qu’à l’état latent. Le combat du dieu contre le lion, préfigure celui d’Héraklès contre le lion de Némée et qui explique pourquoi Orion porte sur son bras la dépouille d’un lion. Cette scène montre Gilgamesh tuant le lion, épisode qui n’apparaît pas dans le ciel étoilé, mais qui a forcément existé sous la forme d’un mythe dès les époques les plus reculées.

Sceau représentant Gilgamesh, agenouillé et tenant un lion tendu au-dessus de sa tête, Mésopotamie. Néo Babylonien 9e- 7e siècle av. J.-C.

Sceau représentant Gilgamesh, agenouillé et tenant un lion tendu au-dessus de sa tête, Mésopotamie. Néo Babylonien 9e– 7e siècle av. J.-C.

Les animaux présents autour de Cernunnos sont des indicateurs temporels. Ce qui signifie que pour chasser et tuer ces animaux sauvages, Orion se déplace au sein d’un calendrier. L’équinoxe de printemps pour le combat contre le taureau, le solstice d’été pour l’affrontement avec le lion, l’équinoxe d’automne pour la chasse aux cerfs et le solstice d’hiver pour maîtriser le loup. Voir SAISON 2 ANNEXE 3 Chaudron de Gundestrup et calendrier

SUR LA TERRE COMME AU CIEL.

Dans le ciel, Orion traverse le calendrier en effectuant des sacrifices d’animaux à des moments charnières de l’année, les solstices et les équinoxes. Sur terre, les druides devaient suivre l’exemple du dieu et pratiquer des sacrifices à ces mêmes dates pour commémorer les exploits du dieu. La mythologie grecque, garde le vague souvenir de ces commémorations dans certains des travaux du demi dieu Héraklès.  Comme les épisodes du taureau de Crète, du lion de Némée, de la biche de Cérynie[2] et celui de la descente aux Enfers d’Héraklès lorsqu’il doit enchaîner Cerbère, chien à trois têtes, l’équivalent du loup infernal compagnon du dieu Dis Pater qu’Orion doit affronter[3].

Extrait de la mosaïque des travaux d’Hercule de Liria (IIIe siècle), représentant les Douze Travaux du héros. Le taureau de Crète, le lion de Némée, la biche de Cérynie, et Cerbère. (Wikimedia Commons).

L’oubli de la religion des Étoiles et les millénaires ont fait d’Héraklès un héros autonome auquel, les poètes grecs ont rajouté puis retranché certains exploits. Dans un texte de Platon, un vieux prêtre égyptien que Solon, pourtant un des sept sages grecs, a rencontré lui dit :

O Solon, Solon, vous autres Grecs vous serez toujours enfants ; il n’y a pas de vieillards parmi vous. — Et pourquoi cela ? répondit Solon. — Vous êtes tous, dit le prêtre, jeunes d’intelligence ; vous ne possédez aucune vieille tradition ni aucune science vénérable par son antiquité.

Platon, Timée, 22b, Traduction Victor Cousin, Tome XII, Paris, 1839.

Il semble que contrairement aux Grecs, les druides possédaient une vieille tradition et une science vénérable par son antiquité. Ce savoir très ancien illustre le chaudron de Gundestrup.

LE DIEU AUX OISEAUX

Passons maintenant vers une représentation des plus intéressantes du dieu Orion/Sucellos. Le dieu barbu est debout, de face, vêtu d’une tunique courte, de braies et d’un manteau attaché sur l’épaule droite. Sur ses épaules sont posés deux oiseaux. Il tient de la main droite un bâton tordu posé au sol, devant lequel est assis un chien qui regarde son maître. Dans sa main gauche, le dieu tient une serpe. Les plis de son manteau retiennent trois fruits ronds.

Dieu aux oiseaux, sculpture gallo-romaine, Découvert au hameau de Moux, conservé au musée archéologique de Dijon

Dieu aux oiseaux, sculpture gallo-romaine, Découvert au hameau de Moux, conservé au musée archéologique de Dijon (Wikimedia Commons).

La présence du chien indique qu’il s’agit du dieu Orion. Cette serpe sert à couper les branches d’un arbre, mais pas de n’importe quel arbre. Il s’agit du pilier cosmique qui soutient la voûte céleste. Cet arbre porte comme fruits, des pommes en or qui représentent les étoiles qui scintillent dans le ciel étoilé. Ces pommes d’or donnent l’immortalité à celui qui les mange. N’oublions pas qu’un des travaux d’Héraclès est de dérober les pommes d’or du jardin des Hespérides. Le dieu représenté ici vient de couper les pommes d’or grâce à sa serpe. Le bâton tordu est-il une branche de cet arbre sacré ?

Néanmoins ce qui intrigue le plus, ce sont ces deux oiseaux posés sur les épaules du dieu qui tournent leurs becs vers la tête du personnage. Ces oiseaux sont d’une espèce particulièrement importante dans la tradition celtique : les corbeaux. Dans la mythologie nordique, Hugin ( « pensée » ou « esprit ») et Munin ( « mémoire ») sont les deux corbeaux messagers qui accompagnent le dieu Odin. À l’aube, ils partent et parcourent les neuf mondes et reviennent le lendemain matin pour rapporter au dieu en le lui murmurant à l’oreille, ce qu’ils ont vu et entendu. Ce n’est cependant pas chez les Germains qu’il faut se tourner pour trouver une explication sur la présence des deux corbeaux, mais vers l’Iran.

CONCLUSION

La liste qui caractérise Orion s’étoffe au fil des découvertes :

  1. Le combat contre un taureau

  2. La présence d’un chien

  3. Orion est armé d’une épée

  4. Orion affronte un adversaire triple

  5. Le héros est lui aussi triple

  6. Une massue

  7. Une peau de lion

  8. Orion est le « père des Celtes »

  9. Orion est un archer et ses attributs sont l’arc et le carquois

  10. Orion conduit les âmes des morts

De nouveaux éléments s’ajoute à la liste.

  • Orion est un chasseur

  • Un maillet

  • Orion porte un vase

  • Trois pommes

  • Une serpe

  • La présence de deux corbeaux

Le savoir des druides prend une forme arborescente. Apporter une question, en suscite immédiatement plusieurs autres. Les thèmes s’enchaînent, les branches de l’arbre se développent qui à leur tour engendrent d’autres ramifications. À la fin, il y a un immense chêne majestueux qui contient les connaissances des druides dont la cime se confond avec le ciel, domaine des dieux, et dont les racines s’étendent au-delà du royaume du Dis Pater.

©JPS2023

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Dans le prochain article : SAISON 2 ÉPISODE 7 Orion et Mithra

[1] Silvanus est dérivé du latin silva « forêt, bois », il est le dieu des forêts et de la chasse. Pour rappel, Orion est également appelé le Grand Chasseur.

[2] Bien que femelles, ces animaux avaient des cornes dorées et des sabots d’airain.

[3] Cerbère a été depuis les temps les plus anciens un loup, fidèle compagnon du dieu Hadès qui porte sur lui une peau de loup.

Sucellos — Wikipédia (wikipedia.org)