VLAD III L’EMPALEUR
LE VÉRITABLE DRACULA
C’est la figure et le nom d’un ancien et cruel chef de guerre roumain qui a inspiré Bram Stoker, l’auteur de Dracula, pour son personnage mythique.
UN PRINCE CRUEL
Dracula, le prince des vampires, est une création littéraire dû à l’écrivain irlandais Bram Stoker, mais il est surtout un prince médiéval (un voïvode) qui a bel et bien existé. Il s’agit de Vlad III, prince de Valachie, qui vécut de 1431-1476 dans la région des Carpates, dans l’actuelle Roumanie et qui s’illustra par sa lutte acharnée contre les Turcs. L’Empire ottoman étant au faîte de sa puissance et s’étendait jusqu’aux frontières de la Hongrie. Pour ses faits d’armes, Vlad III est considéré comme un grand souverain en Europe de l’Est. Un de ses contemporain le décrit ainsi :
[Il n’était pas de] très haute stature, mais très vigoureux et fort, avec un air cruel et féroce, le nez grand et aquilin, les narines gonflées, la peau du visage fine et légèrement rougeâtre, dans lequel les cils très longs entouraient des yeux verts et largement ouvert, et les sourcils noirs fournis les rendaient menaçant ; le visage et le menton rasés, à l’exception de la moustache. Les tempes enflées augmentaient le volume de la tête. Un cou de taureau reliait la nuque large aux larges épaules, sur lesquels tombaient des cheveux noirs et bouclés.
Portrait de Vlad III de Valachie. (Wikimedia Commons).
Cependant l’histoire a surtout retenue une autre dénomination, celle de Vlad l’Empaleur (Vlad Țepeș en roumain). Ce surnom évoque la méthode de prédilection de Vlad III pour torturer et tuer ses ennemis, l’empalement sur des pieux en bois.
Représentation tirée des chroniques de Brodoc montrant Vlad Țepeș dînant devant une « forêt de pals ». (Wikimedia Commons).
Vlad III prenait apparemment grand plaisir à festoyer au milieu de ses victimes agonisantes.
LE FILS DU DRAGON
Vlad III porte un autre nom inquiétant puisqu’il a également été surnommé Drăculea qui signifie « fils du dragon » en roumain médiéval, cette appellation est plus tard reprise par Bram Stoker pour nommer son personnage littéraire : le comte Dracula. Ce surnom est lié à celui de son père Vlad II Dracul qui a rejoint l’Ordre du Dragon (Societas draconistarum) en 1431, d’où son surnom le « Dragon », Dracul (du latin draco, « dragon »).
Vlad II Dracul, le père. (Wikimedia Commons).
Cet ordre de chevalerie a été fondé en 1408 par Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie. L’ordre du Dragon est inspiré des Ordres militaires qui durant les Croisades du Moyen Âge avaient pour vocation de reprendre Jérusalem et la Terre sainte alors aux mains des musulmans. L’objectif de l’ordre du Dragon du roi de Hongrie était de défendre la Chrétienté contre l’Empire ottoman.
Monnaie de Vlad II Dracul (le Dragon), frappée vers 1445-1446 montrant (à gauche) un aigle debout à gauche, tête à droite, avec une croix au-dessus ; (à droite) un Dragon avançant vers la gauche, ailes déployées. L’aigle avec la croix figure sur les armoiries de la Valaquie et le dragon est le blason personnel de Vlad II. Source : cngcoins.com
LE FILS DU DIABLE
Cependant une autre étymologie est possible en partant du roumain drac « diable », Vlad II Dracul serait donc « le diable » et Vlad III Dracula « le fils du diable ». Cependant il ne faut pas oublier que Vlad II et Vlad III sont des princes chrétiens. Se faire appeler « Dragon » et « fils du Dragon » possède une connotation prestigieuse, Il faut rappeler que le dragon n’a pas toujours été une créature infernale. Il est un symbole de force et de puissance qui a été diabolisé progressivement par l’Église en tant qu’adversaire du bien. Par exemple les images de Saint Georges et Saint Michel terrassant dragon illustrent la lutte perpétuelle du bien contre le mal.
Voir à ce propos SAISON 1 ANNEXE 11 Les métamorphoses du dragon
En Occident, dans des temps plus anciens, certains personnages se paraient encore du prestige du dragon à l’instar du célèbre roi Arthur qui porte le nom de son père : Pendragon. Ce qui signifie en langue bretonne « tête de dragon ». En Orient, le dragon est un symbole positif lié à la fertilité et l’abondance. En Chine, il est associé à l’empereur et occupe une place centrale dans l’iconographie impériale. À ce titre le souverain est dénommé « Fils du dragon ».
Tandis que « Diable » et « fils du Diable » comporte toujours une connotation extrêmement péjorative en milieu chrétien. D’ailleurs les deux princes portaient déjà ces surnoms avant que Vlad III ne devienne un monstre sanguinaire. C’est donc plutôt le sens de « fils du dragon » qu’il convient de retenir.
JEUNESSE D’UN PRINCE
Le sultan Mourad II tend une embuscade à Vlad Dracul et l’oblige à lui laisser ses deux plus jeunes fils en otages. Vlad Dracula et son jeune frère Radu dit le Beau sont prisonnier du sultan de 1442 à 1448. Le destin des deux frères divergent radicalement puisque Radu choisi le camp des Turcs. D’après les chroniques byzantine, Radu se convertit à l’Islam et fait même partie des favoris du Sultan. Néanmoins les deux frères bénéficient d’une excellente éducation en terres musulmanes, mais ils restent des otages.
PRISE DU POUVOIR
Le vent de l’histoire tourne lorsque Vlad apprend durant sa captivité l’assassinat de son père pour avoir conclu une paix avec les Ottomans ainsi que la mort de son frère enterré vivant par les boyards (nobles valaques) et les marchands saxons après lui avoir brûlé les yeux au fer rouge. Sa vengeance sera terrible contre ses ennemis tant intérieurs qu’extérieurs. Jean Hunyadi, voïvode de Transylvanie et gouverneur de Hongrie, qui a commandité l’assassinat, donne le trône à un noble valaque, qui se fait appeler Vladislav II.
En 1448, Dracula, âgé de 17 ans, expulse, avec l’aide ottomane, le nouveau voïvode de Valachie, mais les Hongrois remettent celui-ci sur le trône quelques mois plus tard. Cependant Vladislav se range du côté des Turcs, qui ont conquis Constantinople en 1453, et provoque la colère des Hongrois. En 1456, Dracula tue Vladislav en combat singulier et règne pendant six ans de 1456 à 1462.
LA LÉGENDE SANGLANTE
Avec Vlad Dracula, l’histoire et la légende s’entremêlent étroitement, les chroniques de l’époque décrive le prince valaque comme un tyran sanguinaire qui commet les pires atrocités pour son bon plaisir.
La première mesure de Vlad Dracula lors de son accession au pouvoir est de faire régner l’ordre et la loi dans son royaume. C’est pourquoi il s’engage dans une lutte sans merci contre les brigands qui pullulent dans le pays. Tous les bandits et opposants par la même occasion sont livrés au pal, le supplice préféré de Vlad. Dans les villages, aux carrefours, des pals sont dressés sur lesquels pourrissent des cadavres déchiquetés par les corbeaux et les oiseaux de proies. Vlad Dracula est craint de ses sujets, par exemple en guise de test, il fait placer une coupe en or merveilleusement travaillée près d’une fontaine. Beaucoup de gens viennent boire l’eau de la fontaine, mais personne n’ose voler la coupe durant son règne.
En 1457, pour se venger des marchands saxons de Transylvanie peuplant la ville de Brasov, Dracula fait empaler 30 000 personnes et dîne fastueusement au milieu des mourants, puis il incendie la cité.
Vlad l’Empaleur festoyant pendant que ses victimes succombent à leur longue agonie.
Selon les chroniques allemandes de Brodoc de 1462 (vers 170-176), Dracula aimait voir couler le sang humain et il avait l’habitude de tremper sa main dans le sang quand on le lui apportait à table pendant ses repas. C’est l’une des seules références à faire un lien entre Vlad Dracula et le sang de ses victimes. Cependant rien n’indique qu’il boit ce sang humain qu’on lui apporte à table. Pourtant ses détracteurs ne sont jamais avares en détails morbides. Ainsi Dracula est accusé d’avoir fait bouillir un Tsigane délinquant dans un chaudron et que sa tribu avait dû le manger. Qu’il a fait éventrer une concubine enceinte afin de voir l’endroit où se trouvait le fruit de ses entrailles. Qu’au cours d’un festin Dracula avait servi à des nobles des écrevisses nourries avec la cervelle de leurs parents et leurs amis et même forcé des mères à manger leurs enfants rôtis. Mais jamais le prince roumain n’est accusé de boire le sang de ses victimes. Dracula est considéré comme un tyran des plus sanguinaires, mais jamais comme un vampire.
Portrait de Dracula (Vlad Tepes), 1491, d’après une gravure sur bois du XVe siècle. (Wikimedia Commons).
1458 est une année charnière pour Dracula puisqu’en fin d’année il taille en pièce l’armée de Mahmoud Pacha forte de 30 000 hommes.
Cet événement déclenche les hostilités avec l’Empire ottoman. Vlad est seul contre tous, non seulement contre les Turcs, mais également contre les marchands saxons, les souverains voisins, et les ennemis intérieurs.
UN TUEUR SANGUINAIRE
Pour se venger des boyards qui avaient enterré son frère vivant face contre terre et tué son père en le décapitant, Dracula invite en 1459, pour la fête de Pâques, 500 d’entre eux, à un grand banquet. Les seigneurs et les nobles sont exécutés par le supplice du pal et leurs biens distribués à la population, d’autres sont asservis pour servir de main-d’œuvre à la construction du château de Poenari, lors de laquelle beaucoup mourront d’épuisement.
Ruines de la citadelle de Poenari. (Wikimedia Commons).
La mort du frère de Vlad est particulièrement infâmante puisqu’un cadavre intact retrouvé la face contre terre signifiait à cette époque qu’il s’agissait d’un non-mort, d’un vampire, auquel il fallait d’abord enfoncer un pieu de bois dans le cœur avant de lui accorder une sépulture décente.
Vlad est également accusé dans l’épisode n°7 du pamphlet de 1463 de s’acharner contre les familles de ses adversaires en empalant des femmes enceintes, des petits enfants et même des bébés pour exterminer totalement les clans adverses. Dracula s’empare d’un moine qui l’accuse de ces atrocités et lui fait subir le supplice du pal, mais pas comme aux autres victimes en enfonçant le pieu par le fondement, mais en lui enfonçant le pal, la tête en bas et les pieds vers le haut.
Autre exemple de sa cruauté, pour se débarrasser des pauvres, des mendiants et des infirmes de son royaume, il les invite à un banquet, barricade les portes et les fait brûler vif (épisode 33). Il faut dire que Dracula est accusé des pires méfaits dans le pamphlet de 1463, non seulement d’empaler ses ennemis homme, femmes et enfants, mais de les brûler vifs, de les enterrer jusqu’à la taille dans la terre et de les achever avec des flèches ou encore de les pendre, de les décapiter ou de les bouillir dans des chaudrons, de les rôtir et de les écorcher. La liste des supplices attribués à Vlad Dracula est interminable.
DRACULA DÉFI LES TURCS
En 1459 Dracula décide de ne plus payer le tribut au Sultan Mehmet II.
En 1460, Dan III, prétendant au trône de Valachie, obtient le soutien des Hongrois et aidé par des boyards fugitifs de Valachie veut renverser Dracula. Cette expédition militaire est un échec. Vlad III organise des représailles durant la semaine de Pâques 1460. Le prétendant est capturé et ses partisans sont empalés, femmes et enfants compris. Dan doit creuser sa tombe et Dracula le décapite près de son tombeau. Vlad veut également se venger des saxons de Transylvanie qui ont soutenu Dan. Ceux-ci envoient une ambassade de 55 personnes pour négocier la paix. Dracula fait dresser des pals et retiens les ambassadeurs terrifiés pendant 5 semaines le temps de mener une campagne punitive en Transylvanie. Incendiant villes, château et villages et empalant ceux qu’il a capturé, enfants hommes, femmes, jeunes ou âgés. Il mène une autre campagne contre les Valaques réfugiés en Transylvanie que Vlad considère comme des traîtres et les fait hacher menu comme choux à l’épée, au sabre et au couteau. Ceux qui ne sont pas tués sont empalés puis il incendie les villages.
LA GUERRE CONTRE LES TURCS
En 1461, Mehmed II, fils de Mourad II, envoie des émissaires pour réclamer un tribut exorbitant de 10 000 ducats d’or et de 500 garçons qui serviront d’otages. La rencontre est un piège des Turcs pour capturer Dracula. En réponse, la légende raconte, que Vlad fait clouer les turbans des ambassadeurs sur leurs crânes avant de les empaler, prétextant qu’ils lui ont manqué de respect en ne se découvrant pas pour le saluer.
Vlad Țepeș et les ambassadeurs turcs par Theodor Aman (1862-1863). (Wikimedia Commons).
Les hommes qui accompagnaient les émissaires sont eux aussi empalés après avoir coupé leurs membres. Mehmed II aura quelques mois plus tard l’occasion de contempler les restes offerts aux regards des curieux. Vlad profite de son avantage pour traverser le Danube et ravager les possessions turques en Bulgarie. Il n’épargne aucune ville et villages et tue ainsi plus de vingt-mille personnes, sans compter ceux qui ont été brulées vifs dans leurs maisons. Le sultan est furieux et décide de mener lui-même une grande campagne contre Dracula. Il réunit une armée importante (60 000 à 80 000 hommes) et une flotte de 25 trirèmes et 150 navires de transport. À la tête d’une armée de 31 000 hommes, Dracula se prépare à affronter le sultan. Vlad en infériorité numérique se livre à des actions de guérilla contre les Turcs, harcelant les agresseurs.
LE PRINCE DE LA NUIT
Son fait d’armes le plus célèbre est l’attaque de nuit à Târgoviște du 17 juin 1462. Auparavant Dracula, parlant parfaitement le turc, se déguise en marchand et espionne le camp adverse pour repérer les tentes des chefs de l’armée. Ensuite il lance une attaque surprise trois heures après le coucher de soleil avec 10 000 hommes divisés en deux détachements. La bataille fait rage à la lueur des torches et au son des cors, mais les troupes ottomanes tiennent bon.
Vlad l’Empaleur attaque le camp turc par surprise dans la nuit, toile de Theodor Aman. (Wikimedia Commons).
L’armée ennemie subit de lourdes pertes et dans le tumulte du combat Vlad confond la tente du sultan avec celui de ses vizirs et n’arrive pas à tuer Mehmed II. Dracula ordonne la retraite sans avoir atteint son objectif. Les Turcs poursuivent les Valaques et en capturent 1 000, tous sont décapité en représailles. Les atrocités ne sont pas l’apanage du seul Dracula. Selon le chroniqueur Domenico Balbi, les pertes s’élèvent à 5 000 hommes du côté valaque et à 15 000 hommes du côté ottoman. Une anecdote est mentionnée à propos de cette attaque. Furieux d’avoir raté le sultan, Vlad aurait inspecté personnellement ses hommes et fait empaler ceux qui, blessé au dos, avait fui devant l’ennemi.
L’armée ottomane marche ensuite sur Târgovişte, la capitale valaque, et trouve la ville abandonnée ainsi que 20 000 prisonniers turcs et musulmans bulgares empalés. Même le sultan est saisi de stupeur devant cette « forêt de pal » qui s’étend sur des kilomètres.
VLAD L’INSAISISSABLE
Vlad, à l’abri des marais et des forêts impénétrables de Valaquie et de Transylvanie continue à harceler l’ennemi avec des embuscades ciblées. Après un nouvel échec devant la ville de Kilia que le sultan assiège huit jours, ce dernier fait finalement demi-tour et quitte la Valachie. Cependant Mehmet II laisse Radu le frère de Vlad dans le pays.
La campagne punitive de Mehmed II est un échec, il ne réussit ni à occuper la Valachie, ni ne réussit à capturer Dracula ou détruire son armée dans un combat frontal.
DRACULA EMPRISONNÉ
Bien que Vlad ait réussi à s’affirmer militairement contre un adversaire supérieur en nombre, le pays est dévasté. Vlad et Radu s’affrontent militairement à plusieurs reprises, sans résultat définitif. Les boyards et les saxons hostiles à Vlad rallient Radu. Vlad s’enfuit en Transylvanie, mais est arrêté sur les ordres du roi hongrois Matthias Corvinus. Il est emprisonné pendant 12 ans au motif que Vlad avait écrit une lettre au sultan demandant pardon et proposant une alliance contre la Hongrie. En regard de la carrière de Dracula et son combat féroce contre les Turcs, la lettre est sans aucun doute un faux grossier composé par les adversaires de Vlad. Dracula est libéré en 1474.
UNE FIN TRAGIQUE
En 1476 il est à nouveau élu prince de Valachie, mais il ne jouit que de moins d’un an de son troisième règne car il est assassiné à la fin du mois de décembre 1476. Les circonstances de sa mort restent mystérieuses. Selon les sources il a été tué lors d’une bataille, pour d’autres il a été tué lâchement par un homme de confiance acheté par les Turcs, pour d’autres encore il a été tué par méprise par ses propres soldats percés de coups de lances. En tous cas, Vlad Dracula est décapité, mais ce n’est pas sa tête qui est envoyée au sultan, mais la peau de son visage et ses cheveux (emplie de coton et d’épices). Le sultan l’exposant ensuite sur un pieu comme preuve de sa mort dans tout son royaume.
UNE TOMBE VIDE
La tradition veut que Vlad Dracula ait été enseveli au couvent de Snagov, sur une île située au milieu d’un lac à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale roumaine, Bucarest.
Le monastère de Snagov est un monastère orthodoxe fondé par Mircea Ier, grand-père de Vlad III. (Wikimedia Commons).
Lors de fouilles archéologiques en 1932 et 1933, on trouve une tombe vide. La tombe de Dracula ?
Intrigués les archéologues creusent ensuite plusieurs tranchées et c’est ainsi qu’ils découvrent un caveau intact à trois mètres de profondeur. Ils ouvrent la tombe et exhument un défunt parfaitement conservé dans son cercueil recouvert d’un tissu de couleur pourpre cousu de fil d’or. La lumière déclinante du jour qui entrait par la porte ouverte de l’église leur permet de constater qu’il s’agit du cadavre d’un homme. Il est habillé d’un vêtement de velours couleur pourpre ou verte, fermé par de gros bouton de fil d’argent doré et serré à la taille par une ceinture formée de plaques d’argent en forme de losange. Son visage est couvert d’un tissu de soie et une bague de femme est cousu à l’intérieur de ce qui fut autrefois la manche d’un vêtement. Dans la meilleure tradition vampirique, le corps au contact de l’air (ou de la lumière ?) se décompose en quelques minutes avant que les archéologues aient pu voir son visage ou prendre une photo.
Portrait de Vlad Țepeș dans la « Galerie des Ancêtres » de la Maison Esterházy, XVIIe siècle, château de Forchtenstein. (Wikimedia Commons).
DISPARITION DES PREUVES
Malheureusement, les objets trouvés dans la tombe ont tous disparu lors des déménagements successifs du Musée municipal de Bucarest. À l’exception des boutons et des fragments de tissus.
On peut s’étonner de la présence d’un crâne dans le cercueil puisque Vlad a été décapité, mais on n’avait prélevé que la peau du visage et les cheveux pour les livrer aux Turcs. Ce qui explique peut-être la présence d’un tissu couvrant le visage.
LETTRES DE SANG
Avec un tel personnage, on n’est pas au bout de nos surprises puisqu’une analyse chimique de lettres anciennes signé de la main de Vlad Dracula a révélé une découverte surprenante.
En effet, une analyse des substances présentes à la surface de trois lettres écrites de la main de Vlad III suggère qu’il aurait pu être atteint d’une maladie rare dans les dernières années de sa vie : l’hémolacrie. Cette pathologie se manifeste par des larmes teintées de sang ou partiellement constituées de sang. Dracula pleurant des larmes de sang !
Ces travaux ont permis d’identifier d’autres maladies dont devait souffrir Dracula. Ainsi les scientifiques ont découvert qu’il devait être accablé par des infections des voies respiratoires et de la peau. Sur ces lettres ont également été retrouvé des traces de Yersinia pestis, la bactérie à l’origine de la peste noire. Ce qui démontre que le prince valaque a été en contact avec cette affection qui a décimé 50% de la population européenne.
Deuxième lettre datée de 1475 (III 32 N 484) examinée, portant la signature personnelle de Vlad Drăculea dans la partie inférieure gauche. (a) Les matériaux bruns sont les films « EVA » utilisés pour capturer le matériel biologique ; (b) cartographie de la fluorescence sous illumination UV flash (spectrométrie de masse). Maria Gaetana Giovanna Pittalà, Antonella Di Francesco, Annamaria Cucina, Rosaria Saletti, Gleb Zilberstein, Svetlana Zilberstein, Tudor Arhire, Pier Giorgio Righetti, and Vincenzo Cunsolo Analytical Chemistry Article ASAP DOI: 10.1021/acs.analchem.3c01461 / CC-BY-NC-ND
SIGNÉ DRACULA
Dracula a non seulement écrit des lettres, mais on connaît sa signature en latin.
Signature de Vlad Dracula. (Wikimedia Commons).
Wladislaus Dragwlya
Waywoda prin[cipatus] Transalpinae
Ce qui signifie : Vladislaus Dracula. Voïvode de la Principauté au-delà des Alpes [de Transylvanie]
Représentation de Vlad Țepeș dans un tableau dépeignant le calvaire du Christ (détail), Vienne, église Notre-Dame-du-Rivage, 1460. (Wikimedia Commons).
DRACULA DANS LA LITTÉRATURE ET LE CINÉMA
Abraham « Bram » Stoker est né le 8 novembre 1847 à Clontarf, petit village au nord de Dublin au sein d’une famille protestante appartenant aux classes moyennes.
Bram Stoker (1847-1912) vers 1906. (Wikimedia Commons).
De santé fragile, il doit garder la chambre jusqu’à l’âge de huit ans. Lors de sa longue convalescence, Sa mère lui raconte de vieilles légendes irlandaises, des souvenirs personnels concernant la Grande Famine qui touche l’Irlande entre 1845 et 1852 ou de l’épidémie de choléra du début du XIXe siècle, à laquelle la famille de sa mère avait échappé. Ces histoires le marqueront toute sa vie. Sa scolarité est assurée par un précepteur, le révérent William Woods qui lui insuffle le goût de la lecture.
Plus tard, il étudie au Trinity Collège afin de préparer une carrière dans la fonction publique. En parallèle, il devient un sportif accompli.
Entrée principale du Trinity Collège (1837). (Wikimedia Commons).
Cependant le jeune homme se passionne pour la poésie, notamment celle de l’américain Walt Whitman, et pour le théâtre après avoir assisté aux pièces d’Henry Irving, l’un des grands acteurs shakespeariens de l’époque. Il obtient son diplôme en sciences et mathématiques en 1870. L’année suivante paraît son premier article, dans la rubrique théâtrale du Dublin Evening Mail (dont le copropriétaire est Sheridan Le Fanu, l’auteur du roman vampirique Carmilla). En 1878, Stoker épouse Florence Balcombe, jeune femme de dix-neuf ans également courtisée par le poète Oscar Wilde.
Florence Ann Balcombe dessiné par Oscar Wilde.
La même année le couple s’installe à Londres et aura un enfant, Noël, qui naît l’année suivante. Bram Stoker devient administrateur du Lyceum théatre.
Le Lyceum Theatre, Wellington Street, Londres en 1834. Source Arthur Lloyd
Son employeur est l’acteur Henry Irving qu’il avait admiré dans sa jeunesse. En parallèle, il écrit des critiques pour le Daily Telegraph ainsi que de nombreuses nouvelles. Stoker organise la tournée du Lyceum Theatre aux États-Unis en 1883, ce qui lui permet de rencontrer le poète Walt Whitman. En 1890 il rencontre Arminius Vambery, orientaliste et spécialiste des légendes de l’Europe de l’Est. La même année, Bram Stoker commence la rédaction d’un roman consacré au vampirisme. Finalement son roman le plus célèbre, Dracula est publié en 1897. Dans les années qui suivent la publication de son chef d’œuvre, l’auteur de « Dracula » poursuit sa carrière littéraire et publie notamment en 1903 Le Joyau des sept étoiles. Bram Stoker décède le 21 aout 1912, à son domicile londonien, 26 St George’s Square.
Urne de Bram Stoker et de son fils au crématorium de Golders Green. (Wikimedia Commons).
LE GRAND ŒUVRE DE STOKER
Dracula est publié en 1897. L’auteur a choisi un genre littéraire bien spécifique pour raconter son histoire : le roman épistolaire puisque le récit est raconté à travers des lettres, des journaux intimes et des articles de journaux.
Première édition de Dracula, 1897. (Wikimedia Commons).
Dracula s’installe en Angleterre pour conquérir le monde, il veut propager le vampirisme, tel un virus qui contamine de façon exponentielle autour de lui.
Dans son roman Bram Stoker invente les codes du vampirisme en fusionnant les données du folklore est-européen concernant les vampires et en y introduisant ses propres idées.
Notes de travail de Bram Stoker pour Dracula. (Wikimedia Commons).
Dracula est décrit comme un non-mort qui a besoin de sucer le sang, le fluide vital, de ses victimes pour survivre. Il est également doté d’une force surhumaine. Le vampire est capable de déchaîner les éléments naturels, de se dématérialiser, de se transformer en chauve-souris ou en chien. Il est le maître des créatures inférieures qui lui obéissent comme le rat ou le loup. Il est obligé de dormir le jour et n’est actif que la nuit car ses pouvoirs cessent dès les premières lueurs de l’aube. Le vampire est également capable d’établir une relation télépathique avec sa victime, il n’a pas d’ombre et son image ne se reflète pas dans un miroir. Ses points faibles sont son aversion pour l’ail, l’eau bénite, les hosties consacrées ou les croix. Il ne peut pas entrer dans une maison sans y avoir été invité. On peut le tuer définitivement en lui enfonçant un pieu dans le cœur ou en lui coupant la tête.
LE VAMPIRE DANS LA LITTÉRATURE
L’attrait pour le thème du vampire en littérature n’est pas apparu avec la publication de Dracula en 1897. Le premier auteur anglais à s’emparer du thème est le poète romantique John Stagg avec sa ballade The Vampire en 1810. Cependant le roman vampirique en tant que genre ne s’établit véritablement qu’avec le roman John William Polidori intitulé Le vampire et publié en 1819 qui met en scène un aristocrate buveur de sang directement inspiré de l’écrivain dandy Lord Byron. D’après la légende c’est ce dernier qui a lancé un défi lors d’une soirée entre amis alors que les convives s’ennuyaient : écrire un texte horrifique sur un non-mort. C’est Marie Shelley qui a relevé le défi avec brio en écrivant Frankenstein ou le Prométhée moderne (Frankenstein ; or, The Modern Prometheus) publié en 1818.
Frontispice de l’édition de 1831. (Wikimedia Commons).
Lors de cette fameuse soirée, c’est également Lord Byron qui a donné à son secrétaire et médecin personnel John William Polidori l’idée du vampire pour son futur roman. Texte que l’on a attribué à Byron, ce qu’il a d’ailleurs toujours réfuté.
En 1847, l’année de naissance de Bram Stoker que paraît le roman Varney le vampire, ou le Festin de sang (Varney the Vampire, or the Feast of Blood) qui contribue à populariser le thème du vampire.
La page de couverture d’une réimpression de la série britannique Penny Dreadful, Varney the Vampire (1845).
En 1872, l’écrivain irlandais Sheridan Le Fanu, publie le roman Carmilla.
Illustration de l’édition originale par David Henry Friston. (Wikimedia Commons).
SOURCES ET INFLUENCES
Plusieurs faits et événements réels sont à l’origine du roman. La publication en 1872 de Carmilla de Sheridan Le Fanu qui popularise le thème du vampirisme à travers son récit fantastique dont l’héroïne Carmilla est une vampire. Féru d’occultisme et de spiritisme, Bram Stoker en auditeur assidu est sensibilisé aux légendes entourant Vlad Dracula lors des conférences données à Londres par un certain Arminius Vambery.
UN ÉTRANGE NAUFRAGE
Pour son roman, Stoker s’est inspiré lors de son séjour à Whitby (Yorkshire) des ruines de l’abbaye de Whitby et du naufrage d’un navire, le Dmitry en 1885.
Les ruines de l’abbaye de Whitby au sommet de la falaise. Source : thewhitbyguide.co.uk
Ce bateau échoué sur les côtes du Yorkshire devient dans le roman la goélette Demeter, un vaisseau fantôme, à bord duquel Dracula rejoint l’Angleterre après avoir décimé l’équipage.
L’épave du Dmitry à Tate Hill Beach à Whitby en 1885. Photographie de Frank Meadow Sutcliffe, Colin Waters/alamy stock photo
MEURTRIER EN SÉRIE ET SOCIÉTÉ SECRÈTE
À cette époque la société victorienne est traumatisée par les meurtres atroces perpétrés en 1888 par Jack l’Éventreur, un tueur en série insaisissable. Qui se cache derrière ces crimes ? Être humain ou créature diabolique ?
La découverte du corps de Polly Nichols à la une du Penny Illustrated Paper, 8 septembre 1888. (Wikimedia Commons).
On a également dit de Stoker qu’il était membre de la société secrète Golden Dawn[1] (l’Aube dorée) — dont faisaient partie entre autres l’écrivain W.B. Yeats et le sataniste Aleister Crowley — qui était consacrée à l’étude des sciences occultes.
Aleister Crowley, écrivain et magicien anglais 1875-1947.
Un étrange manuscrit a particulièrement marqué les fondateurs de la Golden Dawn : La magie sacrée d’Abramelin le Mage, Or ce texte contient dans le chapitre XIII — nombre qui dans le Tarot est celui de « la Mort » — la description d’une opération de magie sacrée au cours de laquelle on peut réanimer un corps mort en lui adjoignant l’esprit. Ce qui en fait un corps vivant, mais imparfait puisqu’il lui manque un élément essentiel : l’âme.
UN CORPS SANS ÂME
L’appartenance de Stoker à cette société n’a jamais pu être prouvé, même si certains ont voulu voir dans Dracula un message réservé aux initiés. Cependant c’est dans un de ses autres textes que l’on peut déceler une influence du livre d’Abramelin le Mage, Le Joyau des sept Étoiles (The Jewel of Seven Stars) publié en 1903. Tout le récit s’articule autour d’une momie, celle de Tera, une mystérieuse reine égyptienne. Les hiéroglyphes inscrit sur les murs de la tombe semblent indiquer que la magie noire permet de réunir le corps et l’esprit de la reine Tera et de la faire revenir d’entre les morts. Selon les Anciens Égyptiens, l’être humain est composé du corps appelé djet , du ka qui est l’énergie vitale et un double spirituel et du ba, l’âme qui prend son envol à la mort du défunt. Le ka survit dans la tombe après la mort grâce au culte funéraire. Ainsi Tera serait un de ces corps sans âme évoqué dans le livre d’Abramelin le Mage.
Stoker s’est grandement inspiré de son ami et employeur, l’acteur et directeur du Lyceum Theater de Londres, Henry Irving pour le personnage du comte Dracula. Irving étant un interprète inspiré de Hamlet ou de Méphistophélès.
Sir Henry Irving dans le rôle du cardinal Wolsey pour une production de Henry VIII de William Shakespeare. © Popperfoto / Getty Images
Dans le mythe, Méphistophélès est un démon qui est envoyé par le diable pour tenter le docteur Faust avide de pouvoir. Ce dernier vend son âme au diable…
Extrait : « Méphistophélès dans les airs » (1828), de Eugène Delacroix
DE VLAD DRACULA À DRACULA
Bram Stoker a retenu plusieurs éléments entourant le personnage historique de Vlad Dracula pour créer son personnage de fiction.
Bien évidemment en premier lieu le nom même du prince valaque, Dracula, qui signifie « fils de Dragon » ou « Fils du Diable » ce qui semble tout à fait approprié pour un suceur de sang. Le fait que le vampire est originaire de Transylvanie, Vlad Dracula, bien que prince de Valachie, est né en Transylvanie, lors de l’exil de son père Vlad Dracul dans ce pays. Ensuite que le personnage du roman est un noble, le comte Dracula, alors que Vlad est un prince. D’ailleurs le Dracula du roman cite le Dracula historique en tant qu’ancêtre.
Et n’est-ce pas un des miens qui traversa le Danube pour aller battre le Turc sur son propre sol ? Oui c’est un Dracula ! Maudit soi son frère indigne qui vendit ensuite le peuple aux Turcs et qui fit peser sur tous la honte de l’esclavage !
Cet extrait de Dracula est une allusion directe à Vlad III Dracula et son frère Radu III le Beau qui s’est convertit à l’Islam. Ce sont sans doute les conférences londoniennes d’un certain Arminius Vambery (Hermann Wamberger de son vrai nom), grand orientaliste hongrois, qui a attiré l’attention de Bram Stoker sur l’histoire de Vlad Dracula en fournissant à l’auteur des informations concernant les mythes et légendes d’Europe centrale. On peut noter que le nom de Vambery ressemble étrangement au mot « vampire ». Malgré ce nom, Arminius Vambery a sans doute servi de modèle pour élaborer le personnage de fiction qui devient dans le roman de Bram Stoker l’adversaire de Dracula : le professeur Abraham Van Helsing, spécialiste des vampires.
Arminius Vambéry en 1895. (Wikimedia Commons).
Au chapitre XVIII, Stoker évoque à la fois Arminius Vambery et le Dracula historique.
J’ai demandé à mon ami Arminius, de l’université de Budapest, de me communiquer l’histoire de sa vie, et il m’a mis au courant de tout ce qu’il en connaissait. Ce doit être ce même voïvode Dracula qui fonda sa renommée en traversant le grand fleuve et en allant battre le Turc à la frontière même de la Turquie.
Le château de Dracula imaginé par Stoker lui-même dans son livre pour enfant Under the Sunset, 1882. Source flickr
DRACULA AU CINÉMA
Le succès de Dracula n’est pas limité au roman, c’est le cinéma qui a immortalisé le vampire de Stoker avec quelques belles réussites. Citons Nosferatu, ou une symphonie de l’épouvante (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens) du réalisateur Friedrich Wilhelm Murnau (1922). Chef d’œuvre du cinéma expressionniste allemand.
Une image iconique du Nosferatu (1922) de Murnau. (PRANA FILM / Collection Christophel).
C’est pour des raisons de droit d’auteur qu’un procès est intenté à la maison de production allemande en 1925 par la veuve de Bram Stoker. Pour éviter que les bobines du film soient détruites, le scénariste du film doit modifier les noms des personnages originaux, les lieux de l’action et certains événements. Ainsi Dracula, campé par l’étrange Max Schreck (le bien nommé puisque son nom signifie frayeur en allemand) devient le comte Orlock, alias Nosferatu. L’action quant à elle se déroule entre les Carpathes et Brême en Allemagne, au lieu de Londres dans le roman original. Si dans les films ultérieurs, Dracula cache sa nature prédatrice sous les dehors d’un séducteur charismatique et romantique, le Nosferatu de Murnau est un monstre repoussant avec sa face de rat et ses oreilles pointues.
Max Schreck dans Nosferatu le vampire de Friedrich W. Murnau.
Sans oublier que le film est le premier à lancer une idée géniale : les vampires sont vulnérables à la lumière du soleil.
Dracula de Tod Browning (1931) est un autre grand classique du cinéma d’horreur. Le rôle-titre est interprété par l’acteur hongrois Bela Lugosi qui livre une prestation à la fois inquiétante et séduisante du vampire. Le film d’Universal Studio est inspiré d’une pièce de théâtre à succès basée sur le roman de Bram Stoker.
Dracula (Bela Lugosi) ou le baiser mortel. © Universal Pictures
Dans le rôle de Dracula, Bela Lugosi est devenu l’archétype même du vampire, à la fois redoutable et élégant avec ses cheveux gominés en V, sa cape au col relevé et son nœuds papillon blanc. À sa mort, Bela Lugosi a été inhumé vêtu son célèbre costume de vampire.
Toujours impeccable, l’acteur Bela Lugosi (né Bela Ferenc Dezso Blasko) d’origine hongroise, mais né en Roumanie. © Universal Pictures
Autre grand classique, Le Cauchemar de Dracula (Dracula ou Horror of Dracula), long-métrage britannique réalisé par Terence Fisher (1958) pour la compagnie spécialiste des films d’horreur gothique en Technicolor : la Hammer Film Productions. C’est grâce à son interprétation légendaire du comte Dracula que Christopher Lee devient célèbre et peut entamer une carrière prolifique au service de l’horreur au cinéma.
Dracula (Christopher Lee), un séducteur ayant du mordant. © Hammer Film Productions
Christopher Lee est remarqué pour sa grande taille (1 m 93) qui lui permet de tenir le rôle de la créature dans le film Frankenstein s’est échappé de Terence Fisher (1957). Ce n’est que l’année suivante qu’il obtient son rôle emblématique de vampire, auquel il restera associé pour l’éternité.
Le grand Christopher Lee dans une prestation hypnotique du comte Dracula. © Hammer Film Productions
Le film est porté par le face à face entre deux acteurs remarquables : Peter Cushing (Van Helsing) et Christopher Lee (Dracula). Peter Cushing avec son regard intense, son visage émacié et sa prestance toute britannique, est certainement le plus marquant des acteurs ayant interprété le rôle de Van Helsing, l’adversaire implacable de Dracula.
Van Helsing (Peter Cushing) et sa panoplie, croix, ail et eau bénite. © Hammer Film Productions
Et une mention spéciale pour Le Bal des vampires (The Fearless Vampire Killers, or Pardon Me, But Your Teeth Are in My Neck) de Roman Polanski (1967) qui mélange avec bonheur horreur et humour, ce qui est assez rare pour être signalé. Un pur chef-d’œuvre !
Ferdy Mayne assure les séquences horrifiques du film avec brio. © Metro-Goldwyn-Mayer
C’est Ferdy Maine qui tient le rôle du vampire, renommé pour des raisons de droits d’auteurs, le comte Von Krolock. Pour retrouver la magnifique fille du tavernier local (Sharon Tate), un chasseur de vampires gâteux (Jack MacGowran) et de son assistant maladroit Alfred (Roman Polanski) doivent affronter le comte et son fils qui préparent le bal annuel des vampires.
Ferdy Mayne et Sharon Tate dans le Bal des vampires de Roman Polanski, 1967. © Metro-Goldwyn-Mayer
il faut évoquer le destin tragique de l’actrice principale Sharon Tate, enceinte de huit mois et épouse de Roman Polanski, qui a été sauvagement assassinée dans sa propriété de Los Angeles par plusieurs membres d’une secte menée par Charles Manson en 1969.
On peut également citer Nosferatu, fantôme de la nuit (Nosferatu, Phantom der Nacht) de Werner Herzog (1979) remake du film Nosferatu le vampire de 1922 avec le lunatique et colérique Klaus Kinski qui tient le rôle de Dracula.
Nosferatu, fantôme de la nuit avec Klaus Kinski et Isabelle Adjani. © Werner Herzog
Et pour finir, Dracula (Bram Stoker’s Dracula) de Francis Ford Coppola (1992). Le seul film qui fait le lien entre le Dracula historique et le vampire de Bram Stoker. En 1492, Vlad Dracula, chevalier roumain de l’Ordre du Dragon, part combattre les armées turques. Sa fiancée se suicide lorsqu’elle apprend la fausse nouvelle de la mort de son bien-aimé. L’Église considère le suicide comme un péché mortel, faisant de sa fiancée une âme damnée. Fou de douleur, Vlad renie l’Église et devient un vampire sous le nom de comte Dracula. Quatre siècles plus tard, Dracula désire quitter la Transylvanie pour s’établir en Angleterre. Pour acquérir l’Abbaye de Carfax, le comte fait appel à Jonathan Harker, clerc de notaire et fiancé de la jolie Mina Murray. Au moment de la signature finale de la vente, Dracula découvre un portrait de Mina. La jeune fille est le sosie d’Elisabeta, la défunte épouse du comte…
Gary Oldman en tant que Vlad Dracula en Transylvanie et Comte Dracula à Londres. © Columbia Pictures
L’AIGLE ET LE CORBEAU
Vlad Dracula est prince de Valachie et cette principauté arbore des armoiries qui sont composés par ce que l’on appelle l’Aquila Valachica (l’Aigle valaque) et qui est dérivé de l’aigle de la légion romaine (la Legio quinta Macedonica) stationné semble-t-il en Dacie jusqu’au Ve siècle après J.-C. Ce qui n’est peut-être pas la bonne explication comme nous allons le voir. Figurent également sur ces armoiries, une croix, un croissant de lune, un casque sur lequel est posé l’aigle et parfois une étoile à longue queue qui représente peut-être la comète de Halley, visible en Europe à partir du 8 juin 1456. Sur un sceau attribué à Vlad II Dracul la pose altière de l’oiseau suggère un aigle.
Sceau de Vlad II le Dragon, 1437. BRSR Manusacrise, Fotocopii, III/3°. Source : hubert-herald.nl
Mais il semble que l’oiseau représenté est plutôt un corbeau comme le démontrent les documents suivants.
Corbeau posé sur une couronne avec une croix dans son bec. Source : hubert-herald.nl
Il n’y a pas d’erreur possible le document parle bien d’un Corvus (corbeau). Ce qui est confirmé par le document suivant qui montre un oiseau noir avec un bec qui n’est pas celui d’un rapace.
Armoiries de Valachie sur une publication de Constantin Brâncoveanu, 1713. Source : hubert-herald.nl
Or plusieurs prédécesseurs de Vlad Dracula ont frappé des monnaies qui montre ce corbeau posé sur un heaume de chevalier.
Dinar de Vladislav Ier (1364 à 1377). MIMB/Sever nr. inv. 872. hubert-herald.nl
Le grand-père de Vlad III Dracula, Mircea Ier l’Ancien frappe une monnaie sur lequel est représenté le corbeau posé sur un heaume lui-même posé sur un bouclier.
Ce qui signifie que le corbeau forme en fait le cimier du heaume. Rappelons que le cimier est un ornement qui forme la partie supérieure de certains casques.
Fac-similé de la monnaie précédente.
Or ce cimier sous la forme d’un corbeau rappelle furieusement un casque formé d’une calotte de fer surmontée d’un corbeau de bronze qui faisait partie du mobilier funéraire de la tombe du « guerrier de Ciumești », ville située en Transylvanie au nord-ouest de la Roumanie. Daté de la Fin du IVème siècle ou du début du IIIème siècle avant J.-C., il est contemporain aux mouvements celtiques menée par Brennos, qui se sont opérés à cette époque, vers les Balkans et la Grèce. Avec son ornementation particulière ce casque devait être l’apanage d’un chef gaulois qui menait les expéditions vers de nouvelles terres à l’Est.
Casque de Ciumești surmonté d’un corbeau en fer, bronze et verre, 250-175 av. J.-C.
Il semble que l’oiseau des armoiries de Valachie ne fait pas référence à l’aigle romain, mais est plutôt une réminiscence d’une expédition guerrière gauloise vers l’Est de l’Europe en 280 av. J.-C., notamment vers Delphes en Grèce. Les archéologues ont retrouvé des tombes celtiques en Transylvanie. Les survivants de l’expédition celtique vers Delphes ?
En tout cas, après cette expédition les Celtes ont fondé le royaume de Tylis dans l’actuelle Bulgarie.
Les Gaulois avaient quitté leur pays avec Brennos et, après avoir échappé au désastre de Delphes, s’étaient avancés jusqu’à l’Hellespont, sans toutefois passer en Asie. Ils demeurèrent là, séduits par le charme du pays de Byzance. Après avoir vaincu les Thraces et établi leur capitale à Tylis, ils amenèrent les Byzantins à la dernière extrémité. Au début de leurs attaques, celles qui se produisirent sous la conduite de Comontorios, leur premier roi, les Byzantins continuèrent à donner en présent à chaque fois 3 000 et 5 000 statères d’or, parfois même 10 000 pour préserver leur territoire du pillage. Et finalement ils furent forcés de payer un tribut annuel de 80 talents [24 000 statères d’or], jusqu’au règne de Cauaros, sous qui le royaume fut supprimé et toute sa race détruite, après avoir été vaincue par les Thraces […] [2]
Cette expédition celtique, menée par un certain Brennos, dont le but était de dérober l’omphalos de Delphes — pierre météoritique qui symbolise le centre du monde — préfigure l’aventure la plus extraordinaire de tous les temps : La Quête du Graal.
Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 31 Le casque de Ciumești et SAISON 2 ANNEXE 11 Brennos
Décor d’une pièce de monnaie de Radu II le Chauve qui régna sur la Valachie de 1420 à 1422 et de 1424 à 1426.
©JPS2024
[ACCUEIL]
SOURCES :
Matei Cazacu, Dracula, Éditions Tallandier, Paris, 2011.
Bram Stoker, Dracula, Nouvelles Éditions Marabout, 1978.
Vlad III l’Empaleur — Wikipédia (wikipedia.org)
RomValachie (hubert-herald.nl)
RomValachiaRulers (hubert-herald.nl) casque avec corbeau casque et cimier
Nouveaux points de vue sur les Celtes et leur civilisation en Roumanie – Persée (persee.fr)
Le naufrage méconnu qui a inspiré le « Dracula » de Bram Stoker (nationalgeographic.com)
NOTES :
[1] De son nom complet : The Hermetic Order of the Golden Dawn in the Outer (littéralement L’Ordre hermétique de l’Aube dorée à l’extérieur).
[2] Polybe, Histoire, IV, 46.
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