ORION ET GILGAMESH
LES DRUIDES SAISON 2 ÉPISODE 8
Cette étude qui porte sur les liens qui unissent Orion et Gilgamesh, le héros d’une épopée mésopotamienne, jette les bases du déchiffrement d’un des plus mystérieux monuments mégalithiques de la Bretagne armoricaine.
ORION ET LES CIVILISATIONS ANTIQUES
L’image d’Orion qui affronte un taureau n’apparaît pas uniquement sur le chaudron de Gundestrup, en Grèce ou dans le Mithraïsme, mais se retrouve également au sein du croissant fertile (Anatolie, Proche-Orient et Mésopotamie).
Plaque du fond du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet. Au centre le Taureau céleste (constellation du Taureau), en haut Orion et son chien (Constellation du Grand Chien), en bas au centre la constellation du Dragon et à sa droite, à peine visible, la constellation de la Petite Ourse. Cet ensemble de constellations donne une date, 2260 av. J.-C. et montre un évènement que les druides ont observé dans le ciel étoilé. Pour plus d’informations voir SAISON 1 ÉPISODE 5 Chaudron de Gundestrup et astronomie
Héraklès et le Taureau de Crète. Détail d’un lécythe attique à figures noires, vers 480-470 av. J.-C. Découvert à Athènes. Musée du Louvre. (Wikimedia Commons).
Mithra tuant le taureau, 389 ap. J.-C., Mithraeum, Sidon (Saïda, Liban). Musée du Louvre.
Plaque votive. Représentation de Gilgamesh, le roi-héros de la ville d’Uruk, combattant le « taureau des cieux ». (Wikimedia Commons).
DES IMAGES COMMUNES
Bien sûr, il n’y a pas d’influence directe de la Mésopotamie sur les croyances des druides, mais prouve l’existence d’un répertoire d’images en commun très ancien dans lequel des peuples très éloignés les uns des autres — dans l’espace et le temps — ont pu puiser selon leurs besoins. Ce répertoire d’images en commun se retrouve encore de nos jours au-dessus de nos têtes : le ciel étoilé et ses constellations.
Le modèle de ces trois représentations d’un homme combattant un taureau n’est autre que la constellation du Taureau et celle d’Orion se faisant face.
En rouge, la constellation d’Orion (Orion) qui fait face au Taureau céleste (Taurus), en bas, la constellation du Grand Chien (Canis Major) accompagne Orion, en haut à gauche les Gémeaux (Gemini) qui assistent à la scène du sacrifice du taureau. D’après la carte céleste Sirius, Éditions Freemedia, Berne.
Gravure ancienne qui représente l’affrontement entre Orion et le Taureau Céleste.
Orion et le Taureau (Taurus), Atlas Celeste, de John Flamsteed, Édition Fortin, 1776.
UNE TRADITION TRÈS ANCIENNE
Cette scène d’un héros ou d’un dieu qui affronte un taureau se retrouve déjà en Anatolie. Les archéologues ont retrouvé cette scène sur un bas-relief vieux de 11000 ans. Lors de fouilles commencées en 2021, des archéologues ont découvert sur le site archéologique de Sayburç (sud-est de la Turquie) un relief sculpté sur un pan de mur de près de quatre mètres de long représentant des humains et des animaux. Cinq figures gravées côte à côte. Le personnage principal est façonné en haut-relief tandis que les autres éléments du panneau sont sculptés en relief plat. Ces sculptures sont datées du IXe millénaire avant J.-C.
Un personnage masculin affronte un taureau. (©Bekir Köşker)
Dans leur allusion au ciel étoilé le druidisme et le Mithraïsme sont encore plus précis que les sumériens ou les anatoliens de la préhistoire puisque ces deux religions ajoutent une troisième constellation dans leur composition : la constellation du chien. Car Orion est souvent, mais pas toujours accompagné d’un chien. Ce qui semble indiquer une tradition un peu différente.
DEUX ÉTRANGES PERSONNAGES
Cependant dans toutes les traditions évoquées, druidisme, Mésopotamie, Anatolie, Orion n’est pas représenté seul. Il est souvent figuré en compagnie d’un deuxième personnage : le Maître des animaux.
Deux scènes distinctes sont représentées sur le mur : à gauche, un homme affronte un taureau ; à droite, un homme en haut-relief entouré de deux lions. (©Bekir Köşker)
Sur le bas-relief de Sayburç, le Maître des animaux est représenté entouré de deux félins.
Figure masculine tenant son phallus au milieu de deux panthères (un mâle et une femelle). ©Bekir Köşker
LA CIVILISATION DE L’INDUS
Un détour par l’Inde et les sceaux de la civilisation de l’Indus permet de dire que ce personnage est souvent figuré sous la forme de deux scènes distinctes. En premier, le Maître des animaux maîtrisant deux fauves comme en Anatolie.
Divinité maîtrisant deux tigres sur un sceau de Harappa. Source www.Harappa.com
Ou encore la version du Maître des animaux entouré par des animaux sauvages.
Sceau, 2500–2400 av. J.-C., stéatite cuite au four, Mohenjodaro, civilisation de la vallée de l’Indus (Musée national de Delhi)
C’est justement cette version d’un personnage entouré d’animaux qui a été retenue par les druides pour représenter leur Maître des animaux sur le chaudron de Gundestrup. Chaque région ayant entraîné la figuration d’animaux spécifiques aux latitudes des régions habitées par les artistes. Tigre et éléphant en Inde, cerf et loup en Europe.
Cernunnos, le Maître des animaux, entouré par un taureau et un cerf d’un côté et de l’autre par un lion et un loup. Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet.
LA MÉSOPOTAMIE
Orion et le Maître des animaux se retrouvent en Mésopotamie à travers deux héros qui sont les personnages principaux d’un des mythes les plus anciens qui nous est parvenu. Ce mythe met en scène Gilgamesh et son ami Enkidu. Si Gilgamesh et Orion partagent un même exploit, celui d’affronter puis de sacrifier le Taureau Céleste. Le Maître des animaux quant à lui apparaît sous la forme d’Enkidu, un homme sauvage qui vit parmi les animaux, notamment des gazelles.
L’ÉPOPÉE DE GILGAMESH
Gilgamesh est roi d’Uruk (ou Ourouk), « ses deux tiers étaient un dieu, son autre tiers un homme ». Comme Héraklès, Gilgamesh est un demi dieu. Voir à ce sujet SAISON 2 ANNEXE 7 Pourquoi Héraklès est-il un demi-dieu ?
Uruk est une grande cité du sud de l’Irak et l’une des toutes premières villes de l’histoire. C’est dans le sud de la Mésopotamie que l’humanité est passée de la Préhistoire à l’Histoire en inventant l’écriture et l’État. Uruk est un important centre politique et religieux, grâce au rayonnement de ses deux divinités tutélaires, le dieu du Ciel, Anu, et la déesse Inanna /Ishtar[1], dont le grand temple, l’Eanna (en sumérien « Temple du Ciel »), est le pôle majeur de la cité.
L’ADVERSAIRE DE GILGAMESH
Gilgamesh se comporte avec son peuple en tyran. Les dieux décident de créer Enkidu (ou Enkidou) pour se débarrasser de Gilgamesh. Enkidu est de force égale, mais en même temps l’opposé du roi d’Uruk. Tandis que Gilgamesh est le roi d’une ville et qu’il est un civilisé, Enkidu est un homme sauvage qui vit dans la steppe, au milieu d’un troupeau de gazelles. Tout est déjà en place, Gilgamesh est une figuration d’Orion et Enkidu est la projection du Maître des animaux qui vit entouré d’animaux sauvages. Qu’il s’agisse en l’occurrence de gazelles, des bêtes à cornes n’est pas anodin puisque ces animaux sont le strict équivalent du cerf européen qui accompagne Cernunnos sur le chaudron de Gundestrup.
LE PROTECTEUR DES ANIMAUX
Pour défendre ses amis animaux, Enkidu sabote les pièges des chasseurs. L’un d’eux se plaint au roi. Gilgamesh élabore un plan pour capturer Enkidu et ordonne au chasseur d’emmener avec lui une prostituée, dénommée Shamhat, pour séduire l’homme sauvage. Le stratagème réussit, Enkidu séduit, s’unit à la fille de joie. Cependant près six jours et sept nuits passés avec Shamhat, Enkidu veut rejoindre son troupeau. Les gazelles le rejettent et s’enfuient à son approche. Shamhat persuade Enkidu de la suivre jusqu’à Uruk. L’homme sauvage quitte donc la nature pour se tourner vers le monde des humains. Arrivé à Uruk, Enkidu défie Gilgamesh. Étant de force égale, le combat s’éternise. Épuisés, les deux hommes se décident à devenir amis et de partir ensemble à l’aventure.
LE HÉROS AFFRONTE UN TAUREAU
Gilgamesh, comme Héraklès en Grèce, est un avatar d’Orion. La projection sur terre de la constellation qui trône dans le ciel étoilé d’hiver. Comme son modèle céleste, un de ses plus grands exploits est d’affronter et de tuer le Taureau Céleste.
C’est parce que Gilgamesh refuse les avances de la déesse Ishtar, que celle-ci, ivre de colère, lâche le Taureau Céleste sur Gilgamesh. Ce dernier, aidé de son compagnon Enkidu, tue l’animal divin.
Gilgamesh terrassant le Taureau céleste (empreinte de sceau-cylindre syrien du XVIIe s. av. J.-C.).
Or, il n’y a qu’un seul taureau dans le ciel, c’est la constellation du Taureau (Taurus). Cette constellation est déjà figurée sur les murs ornés de la grotte de Lascaux. Celle-ci est reconnaissable à l’amas des Pléiades qui trône au-dessus des épaules du taureau.
Auroch peint dans la salle des taureaux. Constellation du Taureau et au-dessus des épaules du bovidé l’amas des Pléiades. © ministère de la culture, centre national de la préhistoire, Norbert Aujoulat
L’allusion à l’astronomie ne s’arrête pas là dans l’épopée de Gilgamesh puisque pour railler la déesse, Enkidu arrache alors la cuisse droite du Taureau Céleste et la jette à la figure d’Ishtar. Ce qui signe son arrêt de mort. Or, chez les Égyptiens la constellation de la Grande Ourse est représentée par la patte antérieure d’un taureau.
Le zodiaque de Dendérah est une représentation du ciel étoilé tel que le voyait les Égyptiens. On y trouve la constellation du Taureau (en bas à droite) et la Grande Ourse sous la forme d’une patte de taureau (en haut à gauche). (Wikimedia Commons).
LE MYTHE DES ORIGINES
Il semble que les premiers scribes ont apporté quelques changements au mythe d’origine ce qui a bouleversé toute la composition du récit. Comme la pièce d’un jeu de domino qui entraîne dans sa chute la pièce suivante et ainsi de suite. C’est un changement d’idéologie qui est à l’origine des modifications du récit d’origine. Le mythe d’origine est assez simple dans sa construction. Dans un rythme saisonnier, deux jumeaux se battent pour être roi chacun à tour de rôle. L’un est le roi de la partie lumineuse et l’autre de la partie sombre de l’année. La partie lumineuse regroupe le printemps et l’été et la partie sombre l’automne et l’hiver. On peut facilement imaginer ce que ces deux personnages peuvent devenir dans un système dualiste : l’un devient dieu et l’autre le diable. Ce qu’ils ne sont absolument pas au départ, même si le Maître des animaux est souvent représenté cornu comme sur les sceaux de la vallée de l’Indus ou sur le chaudron de Gundestrup.
LA GRANDE DÉESSE
Or, le mythe des origines n’est pas complet sans la présence de la déesse qui symbolise la royauté et qui choisit un des deux jumeaux comme roi au cours d’une saison donnée. L’un des jumeaux tue de façon rituelle son frère et accède ainsi à la royauté. La victime sacrificielle renaît et devient roi à son tour en tuant le premier, ceci dans un cycle sans fin. Dans la pratique cela signifie que c’est la prêtresse — représentante de la déesse sur terre — qui désigne le nouveau roi en s’unissant à lui. Ce qui a force a dû devenir insupportable aux représentants du patriarcat pur et dur. Ceux-ci se sont servis des nombreuses réécritures du mythe pour changer les usages.
SUR LA TERRE COMME AU CIEL
Ce changement d’idéologie a entraîné un bouleversement du récit. C’est pourquoi Gilgamesh refuse les avances de la déesse qui pourtant lui garantissait la royauté jusque-là. Dans le ciel c’est le dieu qui s’unit à la déesse, sur terre c’est le roi qui s’unit à la Grande Prêtresse. La déesse et la prêtresse sont les détentrices du pouvoir royal. Ce sont elles qui offrent la royauté et la puissance au héros. Par exemple en Inde, Shakti n’est pas seulement la compagne de Shiva, mais elle représente également la puissance et la force du dieu. Cependant la société n’est pas passée du matriarcat au patriarcat. Le roi a toujours été roi, mais dans un système dans lequel ce n’est plus la prêtresse qui désigne le roi, mais un roi qui se couronne lui-même. Un putsch en quelque sorte. Les hommes prennent le pouvoir au détriment des prêtresses. À partir du moment où Gilgamesh refuse les avances de la déesse, le récit est chamboulé de fond en comble.
UNE NOUVELLE IDÉOLOGIE
Plusieurs indices laissent penser que malgré l’ancienneté de l’épopée de Gilgamesh, ce récit est le plus altéré par rapport au récit des origines, le moins compris, celui qui mélange les personnages. Enkidu n’est plus l’adversaire saisonnier de Gilgamesh, mais devient son ami, son allié. À l’origine ce n’est pas Enkidu qui tue le lion, mais Gilgamesh. Gilgamesh n’affronte plus seul le Taureau Céleste, mais il est aidé par son ami Enkidu.
Gilgamesh et Enkidu terrassent le taureau céleste, bas-relief mésopotamien, Schøyen collection, Norvège
LE CIEL ÉTOILÉ
Pourtant, dans le ciel étoilé, le meurtre rituel du Taureau Céleste est l’apanage du seul Orion/Gilgamesh et non une collaboration quelconque entre deux personnages.
Orion et le Taureau (Taurus), Dans le ciel étoilé, il n’y a qu’un seul personnage qui affronte le Taureau Céleste. Atlas Celeste, de John Flamsteed, Édition Fortin, 1776.
Dans la mythologie, Orion est appelé le Grand Chasseur. Pourtant, Gilgamesh est roi et n’est pas présenté comme un chasseur. Cependant dans le récit mésopotamien, un chasseur joue un grand rôle puisque c’est lui qui informe Gilgamesh de la présence d’Enkidu et c’est lui qui emmène la prostituée vers l’homme sauvage pour le séduire. On peut avancer l’idée que dans les récits oraux les plus anciens de ce mythe, lorsque la fonction de roi n’existait même pas encore, que Gilgamesh et le chasseur ne faisait qu’un.
L’EXPLOIT OUBLIÉ
Dans le ciel étoilé, Orion porte sur lui une peau de lion, ce qui implique un combat et la victoire contre un lion. Cette image n’existe pas parmi les constellations. Pourtant l’exploit doit bien exister. L’avatar grec d’Orion, Héraklès, tue un félin, le lion de Némée.
Combat entre Héraklès et le lion de Némée, Amphore à figures noires, Vers 540 av J.-C., Musée du Louvre.
GILGAMESH ET LE LION
Dans ce cas le héros sumérien, Gilgamesh doit lui aussi affronter et vaincre un lion, même si le mythe ne le dit pas. Cependant des images de cet exploit existent.
Le héros sumérien Gilgamesh terrassant un lion. Crédit : © Werner Forman, Art Resource
On a retrouvé en Mésopotamie les représentations d’un personnage qui serre un lion dans un de ses bras. Beaucoup de spécialistes y ont vu Gilgamesh et ils ont sans doute raison.
Gilgamesh, serrant sur son cœur un lion vivant. Bas-relief du palais de Sargon II à Khorsabad, musée du Louvre. (Wikimedia Commons).
UNE HISTOIRE MILLÉNAIRE
En Mésopotamie, le duo Gilgamesh-Enkidu a déjà des millénaires d’une histoire mouvementée derrière lui lorsque leur épopée a été fixée par écrit. Façonnant ainsi les récits aux besoins des populations. Le passage d’une vie de nomade à celle de sédentaire, puis le passage d’une vie dans un village à celle d’une grande cité. Sans compter les catastrophes naturelles, sécheresse, inondations, les guerres et les migrations de nouveaux peuples apportant avec eux leur propre idéologie. Des nouveaux dieux supplantant les anciens.
DES IDÉOLOGIES DIFFÉRENTES
Chez les chasseurs-cueilleurs, c’est l’aspect chasseur et chassé qui est mis en avant dans le binôme Orion-Maître des animaux. L’opposition entre humain et animal. L’un est le Grand Chasseur tandis que le second est la divinité protectrice des animaux sauvages qui servent de gibier aux chasseurs. Les dieux s’adaptent aux besoins des humains. Ensuite, la Mésopotamie, à partir de 3200 av. J.-C., s’organise peu à peu politiquement et socialement en puissantes cités-états. C’est dans ce cas, l’opposition civilisé contre sauvage qui est mise en avant. Les peuples deviennent sédentaires et habitent les villes. C’est qui signifie que le chasseur Orion devient Gilgamesh, le roi de la cité, tandis que Enkidu, le maître des animaux symbolise la nature sauvage, milieu hostile pour les citadins. Ce duo de divinités — Gilgamesh-Enkidu — n’est pas inconnu en Europe. Il ne faut pas oublier que les peuples partis du croissant fertile ont colonisé l’Europe et ont emmenés avec eux leurs dieux. Voir SAISON 1 ANNEXE 16 Préhistoire : La colonisation de l’Europe
Comme ces premiers agriculteurs sont partis du croissant fertile entre le IXe et le VIIe millénaire av. J.-C. leurs dieux n’ont pas subi toutes ces transformations et sont restés plus fidèles aux divinités des origines.
LE MYTHE DES JUMEAUX
Il faut le répéter, le mythe de base est simple : deux adversaires, des frères jumeaux en général se dispute les faveurs d’une déesse qui leur donne la souveraineté à tour de rôle. Cependant ce scénario de base n’est pas toujours respecté et subit des changements pour s’adapter aux besoins des populations. En Anatolie les choses sont encore claires les deux frères sont côte à côte. Avec d’un côté Orion qui affronte un taureau et de l’autre côté le Maître des animaux qui « dompte » deux félins. En Mésopotamie, ce duo est bien présent avec d’un côté Gilgamesh qui affronte le Taureau céleste et de l’autre côté Enkidu, l’homme sauvage qui vit parmi les animaux. Au départ tout va bien, Gilgamesh et Enkidu sont des adversaires et se battent entre eux, mais à un moment donné ils brisent les conventions et deviennent amis. Au point que les deux héros s’unissent pour vaincre le Taureau Céleste. Dans le Mithraïsme, le dieu est seul, il n’y a plus d’alter ego. En Grèce, Héraklès est lui aussi seul, même si les textes lui attribuent un frère jumeau. Iphiclès, fils d’Amphitryon et d’Alcmène, est décrit comme le frère jumeau d’Héraclès. Iphiclès accompagne un temps son frère lors de ses exploits. Cependant, il ne joue aucun rôle important dans l’épopée du héros.
LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP
Dans le druidisme les deux personnages existent encore. Le chaudron de Gundestrup montre d’un côté Orion qui affronte le taureau céleste sur la plaque centrale.
Plaque du fond du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet
Le héros est démultiplié sur une plaque intérieure, mais s’explique dans un contexte astronomique. C’est Orion (la constellation d’Orion) qui est entouré par deux jumeaux (la constellation des Gémeaux).
Image de la plaque intérieure du Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet. Au centre Orion combattant le Taureau Céleste. La scène est dupliquée deux fois pour montrer les Gémeaux entourant et imitant Orion dans sa scène de sacrifice. Orion porte un justaucorps tandis que les Gémeaux ne portent qu’une culotte.
Ces jumeaux que l’on retrouve entourant Orion sur une autre plaque du chaudron d’argent.
Plaque d’un dieu barbu (Orion) avec deux jumeaux à ses cotés. Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet.
Une autre plaque du chaudron d’argent révèle la présence du Maître des animaux dans un posture typique : assis entouré par ses animaux familiers.
Plaque du chaudron de Gundestrup montrant Cernunnos au milieu des animaux. Ier siècle av. J.-C. © Copenhague, Nationalmuseet.
Ainsi le chaudron de Gundestrup est l’objet le plus récent, mais il reste le plus fidèle au canevas d’origine avec deux personnages bien distincts et reconnaissables.
GILGAMESH ET LE TAUREAU
Il existe une caractéristique majeure qui distingue le héros mésopotamien de Mithra et du personnage qui est représenté sur le chaudron de Gundestrup. Gilgamesh, par ses origines, ses surnoms et son attitude est souvent comparé à un taureau. En effet, Gilgamesh est appelé dans l’épopée « Taureau à la corne terrible », « L’enfant de la Vache sublime ; Ninsuna », il est décrit comme un bovidé « Tête haute, pareil à un taureau » ou encore « Gilgamesh, ce taureau arrogant »[2].
Pourtant dans l’iconographie mésopotamienne Gilgamesh ne présente aucun trait taurin. C’est plutôt Enkidu qui est représenté sous la forme d’un être hybride homme-taureau. Sur un sceau akkadien, Gilgamesh (à gauche) est représenté, comme son modèle Orion, affrontant le Taureau céleste. De son côté, Enkidu (à droite) maîtrise un lion, le haut de son corps est celui d’un homme, mais il porte sur sa tête les cornes d’un taureau. Le bas de son corps est celui d’un taureau. Pour ne pas confondre les deux héros et bien identifier Enkidu, l’artiste a représenté une gazelle à côté de lui. Animaux avec lesquels il vivait en harde lorsqu’il était encore qu’un homme sauvage.
Sceau cylindrique akkadien (vers 2200 av. J.-C.) montrant Gilgamesh affrontant le taureau du ciel et Enkidu se battant avec un lion. De Dury, Art de l’Ancien Proche et Moyen-Orient, Abrams, NY.
LE TAUREAU ET LA GAZELLE
Cette distinction entre d’un côté, Gilgamesh qui est assimilé à un taureau et de l’autre, Enkidu, l’homme sauvage vivant parmi les gazelles, va nous être utile pour déchiffrer l’un des plus mystérieux monuments mégalithiques de la Bretagne armoricaine : le dolmen de la Table des Marchand et la dalle de Gavrinis. Les traits taurins de Gilgamesh semblent anciens, même si ces caractéristiques n’apparaissent pas dans l’iconographie mésopotamienne, ni dans les images les plus anciennes du héros affrontant un taureau qui ont été retrouvées en Anatolie et datant du IXe millénaire av. J.-C. Ces traits qui n’ont pas non plus été retenu dans Mithraïsme, ni par les initiateurs du chaudron de Gundestrup.
Le portrait-robot du dieu Orion s’allonge au gré des articles.
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Le combat contre un taureau
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La présence d’un chien
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Orion est armé d’une épée
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Orion affronte un adversaire triple
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Le héros est lui aussi triple
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Une massue
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Une peau de lion ce qui fait d’Orion un tueur de lion
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Orion est le « père des Celtes »
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Orion est un archer et ses attributs sont l’arc et le carquois
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Orion conduit les âmes des morts
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Orion est un chasseur
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Orion porte un vase
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Un maillet
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Trois pommes
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Une serpe
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La présence de deux corbeaux
Il faut y ajouter quelques traits typiquement mésopotamiens
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Orion/Gilgamesh est roi
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Orion/Gilgamesh est comparé à un taureau
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Orion/Gilgamesh et Enkidu sont adversaires, mais deviennent par la suite amis
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Orion/Gilgamesh affronte le Taureau Céleste, mais il n’est pas seul, il est assisté par Enkidu
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Dans certains cas ce n’est pas Orion/Gilgamesh qui tue le lion, mais Enkidu
CONCLUSION
Il faut le répéter, bien qu’étant chronologiquement le plus ancien, Gilgamesh n’est pas le prototype du personnage que l’on peut voir affronter un taureau sur le chaudron de Gundestrup, ni celui de Mithra. Le véritable modèle de tous ces personnages trône dans le ciel étoilé et est appelé Orion. D’ailleurs Gilgamesh lui-même est l’aboutissement de plusieurs millénaires de transmission orale avant que son mythe n’ait été retranscrit sur des tablettes en argile en écriture cunéiforme. D’ailleurs, il existe plusieurs versions différentes du mythe. Le personnage ayant été adapté aux besoins des civilisations successives de la Mésopotamie : sumérienne, akkadienne, babylonienne, assyrienne. Aussi étrange que cela puisse paraître, la tradition mésopotamienne mise par écrit vers 1500 av. J.-C. est plus éloignée de la tradition des origines que le chaudron de Gundestrup qui date du Ier siècle avant notre ère. Il semble que les druides ont été plus conservateurs que leurs homologues mésopotamiens en restant plus fidèles au modèle qui est inscrit dans le ciel étoilé.
©JPS2023
(À suivre…)
[ACCUEIL]
Image mise en avant :
Gilgamesh terrassant le Taureau céleste (empreinte de sceau-cylindre syrien du XVIIe s. av. J.-C.)
[1] La déesse est appelée Inanna par les Sumériens et Ishtar par les Akkadiens.
[2] Jean Bottéro dans sa traduction de l’Épopée de Gilgamesh utilise le terme « buffle ». Dans leurs traductions de l’épopée les traducteurs de langue anglaise utilisent le mot « bull » communément traduit en français par taureau. C’est ce terme que nous retenons ici.
Bibliographie :
Jean Chevalier et Alain Gheerbrandt, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont/Jupiter, Paris, 1982.
Félix Guirand et, Joël Schmidt, Mythes et mythologie, Larousse-Bordas, Paris, 1996.
Mircea Eliade, Traité d’histoire des religions, Éditions Payot, Paris, 1996.
Cornelius G. et Devereux P., Le langage des étoiles, Éditions Gründ, Paris, 2004.
L’Épopée de Gilgamesh, Traduction Jean Bottéro, Éditions Gallimard, Paris, 1992.
Pour en savoir plus sur Gilgamesh : Gilgamesh — Wikipédia (wikipedia.org)