L’ORIGINE DES DRUIDES

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 16

De nombreux objets démontrent l’existence d’une puissante aristocratie religieuse détentrice d’un savoir astronomique durant l’âge du bronze puis l’âge du fer, mais dont on ignore tout. Plus tard, les auteurs Grecs et latins signalent la présence d’une classe sacerdotale dont les membres sont appelé druides et qui n’ont laissé aucun vestige. Et si les deux groupes ne formait qu’une seule entité ?

LES DRUIDES

Notre civilisation est basée sur l’écriture et tant qu’il n’y a pas de preuves écrites, les choses n’existent pas. Il en va ainsi des Celtes. La première mention de ce peuple date du Ve siècle av. J.-C. et se trouve dans les Histoires d’Hérodote (né vers -480, mort vers -425) : « L’Istros (le Danube) prend sa source au pays des Celtes près de la ville de Pyrèné et traverse l’Europe qu’il coupe en deux » (Histoires II, 33).  Les Celtes entre ainsi dans l’histoire grâce à la mention d’Hérodote.

Le père Armand David décrit en 1869 pour la première fois un étrange animal noir et blanc, le Panda géant (Ailuropoda melanoleuca).

L'origine des druides. Panda géant.

Panda géant et son petit dans les montagnes du Sichuan © UNESCO

Pourtant, on peut supposer qu’il devait bien exister quelques exemplaires de ce sympathique animal avant cette date et si les Celtes ne sont pas issus d’une génération spontanée, il devait bien y avoir quelques représentant de cette ethnie avant le Ve siècle av. J.-C. Précisons tout de même ce qu’il faut entendre par « Celtes : ce sont des locuteurs d’une langue celtique, porteurs d’une même culture matérielle et artistique. Il faut signaler que les archéologues sont très réticents à identifier les cultures dont on retrouve des traces archéologiques avec les peuples historiques qui sont mentionnés dans les textes de l’Antiquité. Cependant les sources littéraires et l’archéologie s’accordent pour identifier les Celtes comme porteur de la culture de La Tène. Cette dernière n’est que le prolongement de la culture de Hallstatt. Il semble donc logique de penser que les porteurs de cette culture sont également des Celtes qui parlent une langue celtique. Le problème semble plus ardu entre les porteurs des cultures des champs d’urnes et de Hallstatt puisque nous passons le l’âge du bronze à l’âge du fer. Pourtant le mode de vie est le même si ce n’est une innovation technique — la fabrication du fer — qui les distingue de leurs prédécesseurs. Or, en Europe, entre le XIXème et le XXème siècle, nous sommes passés en matière d’énergie du charbon au pétrole sans avoir changé de langue, de culture ou de religion. Il n’y a donc aucune raison de penser que ce ne sont pas des Celtes qui parlent une langue celtique. Une autre difficulté se dresse entre les porteurs de la culture des champs d’urnes et de leurs prédécesseurs de la culture des tumulus. Le mode vie reste toujours le même, mais les pratiques funéraires diffèrent. Les uns inhument les corps de leurs morts[1] tandis que les autres pratiquent la crémation des corps de leurs défunts. Or, en occident, de plus en plus de gens se font incinérer sans avoir changé de culture, de langue ou de religion par rapport à leurs parents ou grands-parents qui ont été inhumés. Ce qui signifie qu’il n’y a aucune raison de penser que la culture des tumulus n’est pas également celtique. Cette dernière est issue de la culture d’Unétice (vers 2300 av. J.-C. – vers 1600 av. J.-C.) dont les artefacts retrouvés ont assurément un air « préceltique ». Il faut également tenir compte qu’il n’y a aucune trace d’une population venue d’ailleurs au cours de la série culture des tumulus (v. 1600-1200 av. J.-C.), culture des champs d’urnes (v. 1200-800 av. J.-C.), culture de Hallstatt (v. 800-500 av. J.-C.), Culture de la Tène (v. 500 av. J.-C. – jusqu’à la conquête romaine) et qu’on peut donc s’accorder à voir les uns comme les ancêtres des autres et qu’ils forment ce que l’on peut appeler le complexe culturel nord-alpin. On peut même ajouter que si les porteurs des cultures de Hallstatt et de la Tène sont des Celtes de l’âge du fer, les porteurs des cultures des Tumulus et des champs d’urnes sont des Celtes de l’âge du bronze. Voir Saison 1 Épisode 13 L’origine des Celtes 1/4

Ce qui signifie que si les Celtes sont attestés comme les habitants du nord des alpes depuis au moins 1600 av. J.-C., les artefacts trouvés au cours de cette période sont également celtiques.

LES TRACES DU DRUIDISME

Il y a un problème de taille pour démontrer l’existence des druides. Car durant l’âge du bronze, il y a une aristocratie religieuse dont l’histoire ne dit rien, mais dont l’influence est attestée par des artefacts comprenant un savoir astronomique comme par exemple le disque de Nebra ou les cônes rituels en or. À une époque postérieure, l’histoire parle d’une puissante aristocratie religieuse, dénommée druides par les auteurs de l’Antiquité, mais dont il n’est pas resté le moindre vestige, hormis le chaudron de Gundestrup. Lequel comporte lui-aussi des connaissances astronomiques.

Nous avons vu dans un article précédent que les druides sont des astronomes. Voir Saison 1 Épisode 5  Chaudron de Gundestrup et astronomie

Ce qui est d’ailleurs confirmé par les dires de César :

En outre, ils se livrent à de nombreuses spéculations sur les astres et leurs mouvements, sur les dimensions du monde et celles de la terre, sur la nature des choses, sur la puissance des dieux immortels et leurs attributions, et ils transmettent ces doctrines à la jeunesse[2].

Or le disque de Nebra est daté d’environ 1600 av. J.-C., ce qui correspond à la période charnière de la fin de la culture d’Unétice et du début de la culture des tumulus. Deux cultures importantes dans l’ethnogenèse des Celtes. Or, à cette époque, il y a visiblement, comme nous allons le voir, des gens qui connaissent le mouvement des astres. Des spécialistes capables d’élaborer une carte du ciel. Autour de l’an 1000 av. J.-C., ce qui correspond à la culture des champs d’urnes, apparaissent en Europe des cônes rituels en or. Ces cônes en or sont couverts sur toute leur hauteur de lignes décoratives ou de séparation tracées au poinçon qui indiquent que les utilisateurs de ces objets connaissaient avec précision le cycle annuel du Soleil et les phases mensuelles de la Lune. Voyons en détail ces quelques artefacts.

UNE CARTE CÉLESTE

C’est en Allemagne que l’on a fait l’une des découvertes les plus sensationnelles en matière d’astronomie préhistorique : le disque de Nebra[3].

L'origine des druides. le disque de Nebra.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Disque_c%C3%A9leste_de_Nebra

Disque de Nebra (Musée régional de la Préhistoire de Halle-sur-Saale, Allemagne). (Wikimedia Commons).

Il s’agit d’un disque de bronze pesant 2.3 kg et d’environ 32 cm de diamètre. Cette plaque circulaire daterait d’environ 1600 av. J.-C. Sur ce disque vert-de-gris se détachent clairement pour l’observateur certains corps célestes en feuilles d’or. Le Soleil, le croissant de lune, les Pléiades et le ciel étoilé, ainsi que d’autres motifs rajoutés plus tard. Une barque solaire, ainsi que deux arcs, dont un a été enlevé dès l’Antiquité et qui représentent l’écart entre les points d’horizon où le Soleil se lève et se couche aux solstices d’été et d’hiver. Passons en revue ces différents éléments.

UN SOLEIL QUI N’EN EST PAS UN

L’élément principal du disque est l’amas stellaire des Pléiades avec pour compagnons la pleine lune d’un coté — et non le Soleil comme on pourrait le croire au premier abord — ainsi que le croissant de lune de l’autre côté. Ce smiley boutonneux issus de la Préhistoire semble en effet indiquer deux dates primordiales pour les paysans de l’âge de bronze. Le premier événement retenu est le coucher des Pléiades, autour du 10 mars de notre calendrier, et indique le temps des semailles, avec souvent, mais pas toujours, le croissant lunaire qui les accompagne dans leur disparition. La deuxième date importante qui associe les Pléiades et la pleine lune cette fois, se situe autour du 17 octobre et défini le temps des moissons. Une loi saisonnière que l’on peut résumer par cette sentence d’Hésiode concernant les travaux des champs :

Au lever des Pléiades, filles d’Atlas, commencez la moisson, les semailles à leur coucher. Elles restent, on le sait, quarante nuits et quarante jours invisibles ; mais, l’année poursuivant sa course, elles se mettent à reparaître, quand on aiguise le fer. Voici la loi des champs, aussi bien pour ceux qui habitent près de la mer que pour ceux qui, dans le pli des vallons, loin des flots houleux, vivent sur de grasses terres[4].

Avant la connaissance de l’année solaire, les peuples de la plus haute antiquité réglaient leur calendrier agricole sur la position de cet amas stellaire. Ainsi, la première phase avec les Pléiades et les deux lunes semblent faire partie d’un calendrier très ancien auquel les hommes de l’âge du bronze ont rajouté des motifs solaires : la barque du Soleil et les arcs des solstices. Cela peut signifier un changement de calendrier et peut-être même de religion.

DES CHAPEAUX DE MAGICIENS

Une autre découverte importante a été faite en Allemagne, ce sont les cônes rituels en or. De quoi s’agit-il ? En fait ce sont des couvre-chefs[5], pas n’importe lesquels, mais des chapeaux de magiciens[6]. Seulement quatre de ces cônes ont été découvert en Europe.

L'origine des druides. Les cônes rituels en or

Les cônes rituels en or. De gauche à droite : le Cône de Schifferstadt, le cône d’Avanton, le cône de Berlin et le cône d’Ezelsdorf-Buch.

Trois de ces chapeaux ont été mis au jour en Allemagne et un en France. Il s’agit, pour la France, du cône d’Avanton (daté autour de 1000 av. J.- C.) et des trois chapeaux trouvés sur le territoire allemand, les chapeaux d’Ezelsdorf (vers 1000-800 av. J.- C.), de Schifferstadt (vers 1500-1250 av. J.- C.) et pour finir, celui, dit de Berlin (vers 1000-800 av. J.- C.), mais dont l’origine vraisemblable doit être située dans le sud de l’Allemagne. Ce dernier est le mieux conservé et également le plus étudié. Ce sont les scientifiques allemands qui sont en pointe pour l’étude de ces artefacts mystérieux[7]. La fonction de ces cônes semble être celle d’un attribut religieux pour la pratique du culte solaire répandu en Europe centrale lors de l’âge du bronze tardif.

LES MAITRES DU TEMPS

Le déchiffrement des ornements du chapeau de Berlin semble indiquer que ces cônes ne sont pas simplement des objets d’apparat, mais servent également de répertoire pour les données d’un calendrier luni-solaire. Ainsi, dans les ornements des cônes sont cryptés des informations recueillies sur de longues périodes d’observation. Les utilisateurs de ces objets connaissaient avec précision le cycle annuel du Soleil et les phases mensuelles de la Lune. La durée de l’orbite terrestre autour du Soleil en 365.25 jours, une année divisée en quatre saisons avec comme points de repères les équinoxes et les solstices, ainsi que 12 mois de 30 et 31 jours n’avaient pas de secret pour eux. Par conséquent, ils connaissaient également l’année lunaire de 354 jours, ainsi que le cycle de 19 ans (6940 jours) au bout duquel les pleines lunes et les nouvelles lunes retombent aux mêmes dates de l’année solaire. Il faut également ajouter qu’il était parfaitement inutile pour celui qui connaissait la clef du déchiffrement des ornements de ces tiares en or de recourir à une quelconque écriture. Cet initié était le maître du calendrier et définissait les dates des fêtes et autres événement importants de la communauté.

L'origine des druides. Détail du cône rituel de Berlin.

Détail du cône rituel de Berlin (Berliner Goldhut). Museum für Vor- und Frühgeschichte Berlin. © Andreas Praefcke

L’AGE D’OR DES DRUIDES

En fait, ces tiares en or ne sont qu’une partie de la tenue de cérémonie de ces prêtres de l’âge du bronze, il faut y ajouter des bracelets, des ceinturons, et des ornements pectoraux, ainsi que différents accessoires : une épée, des vases et des coupelles, tous ces objets sont en or.

Les utilisateurs du disque de Nebra et les porteurs des cônes en or ne sont-ils pas une puissante aristocratie religieuse dont l’histoire ne dit rien. Des personnages influents dont les artefacts dévoilent de grandes connaissances astronomiques. De plus, ces grands prêtres ne sont-ils pas issus d’une culture que l’on qualifier de celtique. Alors, qui sont-ils sinon les fameux druides ?

Le troisième artefact contenant des information astronomiques est évidemment le chaudron de Gundestrup que nous allons déchiffrer dans les articles à venir.

©JPS(texte écrit en 2015, remanié en 2022)

FIN DE LA SAISON 1

ACCUEIL

Image mise en avant :

L'origne des druides. Casque en or de l'âge du bronze de Leiro.

Casque en or de l’âge du bronze de Leiro qui porte des ornements qui ressemblent à ceux des cônes en or. Museum Arqueolóxico e Histórico, Castelo San Antón, A Coruña. (Wikimedia Commons)

[1] Le corps du défunt est inhumé dans une fosse creusée dans le sol et recouverte d’un tumulus.

[2] César, Guerre des Gaules, Livre VI, 14, Traduction L.-A. Constans, Les Belles Lettres, Paris, 1989.

Ce passage de la Guerre de Gaules est d’une importance capitale. Nous étudierons dans le chapitre suivant quelques exemples concrets sur l’excellence des druides en astronomie.

[3] Harald Meller, Der geschmiedete Himmel, Konrad Theiss Verlag, Stuttgart, 2004. Ou Disque de Nebra sur Wikipedia.

[4] Hésiode, Les travaux et les jours, Traduction P. Mazon, Les Belles Lettres, Paris, 2014.

[5] En Allemagne, ces objets portent le nom de Hut (chapeau) en France le terme de cône est privilégié.

[6] Ces chapeaux en forme de cônes semblent être les ancêtres des chapeaux pointus des magiciens comme Merlin ou Gandalf. Sans oublier les chapeaux des sorcières d’Halloween, pointus eux-aussi. Cette tradition remonte très loin dans le temps puisque à Subeshi dans le bassin du Tarim en Chine, des momies de femmes de type européen ont été découvertes coiffées de chapeaux pointus en feutre haut de 60 cm. Ces momies sont datées du 4ème ou 3ème siècle av. J.-C., Pour plus d’informations voir The Tarim Mummies de JP Mallory et Victor H. Mair, Thames & Hudson, London, 2000, p. 220. Il est d’ailleurs intéressant de noter que certaines momies encore plus anciennes portent des textiles avec des motifs à carreaux qui ressemblent beaucoup aux tartans écossais. Des fragments de textiles portant les mêmes motifs et datant du IIe millénaire av. J.-C. ont été trouvés dans les mines de sel en Autriche.

[7] Wilfried Menghin, Der Berliner Goldhut, Schnell und Steiner Verlag, Regensburg, 2010.