LES DRUIDES ET LEUR MESSAGE
LES DRUIDES SAISON 2 ÉPISODE 1
INTRODUCTION DE LA SAISON 2
Les druides et les étoiles, les druides et les constellations… Les druides et l’astronomie. Étrange association au premier abord, car de nombreuses images nous viennent immédiatement à l’esprit ; du sympathique bouilleur de potion magique d’Astérix aux horribles sacrifices humains en passant par la célèbre scène de la cueillette du gui des anciens manuels d’histoires. Mais des druides observateurs attentifs de la voûte céleste ?
UN CONQUÉRANT BIEN INFORMÉ
C’est pourtant Jules César lui-même qui donne cette information. Il faut relire ses propos :
En outre, ils se livrent à de nombreuses spéculations sur les astres et leurs mouvements, sur les dimensions du monde[1] et celles de la terre, sur la nature des choses, sur la puissance des dieux et leurs attributions, et ils transmettent ces doctrines à la jeunesse[2].
Il faut retenir plus particulièrement les premiers termes : les druides s’intéressaient aux astres et à leurs mouvements ainsi qu’aux dimensions de la terre et de l’univers. C’est à peu de chose près la définition du mot astronomie dans le dictionnaire : science des astres, des corps célestes (y compris la terre) et de la structure de l’univers[3]. Alors les druides, des astronomes ?
C’est en tout cas ce qu’affirme le grand conquérant romain, au demeurant toujours très bien informé sur ses ennemis.
DES INTERDITS RELIGIEUX
Pourtant, le chercheur se retrouve devant un énorme problème, car le savoir des druides a disparu à tout jamais puisqu’ils rejetaient catégoriquement l’écriture et la représentation des dieux. Voir à ce propos SAISON 1 ANNEXE 25 Le refus de l’écriture et SAISON 1 ANNEXE 26 Les druides et la non-représentation des dieux
Pas de textes, pas d’images datant d’avant la conquête romaine, c’est pourquoi nous ne connaitrons jamais les mythes et les dieux des druides de l’Antiquité. Pourtant, le philosophe Lucius Annaeus Cornutus dans son traité Sur la nature des dieux place la mythologie des Celtes au même niveau que celles des Grecs ou des Égyptiens[4]. Un véritable trésor littéraire riche et varié qui n’a pu être sauvé de l’oubli. Tel est le cruel constat que l’on peut faire en étudiant le domaine celtique continental et regretter amèrement la perte définitive de ces documents irremplaçables.
LES SOURCES
Certes, l’étude des sources littéraires antiques, l’archéologie, le comparatisme indo-européen, l’histoire des religions, la recherche des origines celtiques des textes du Moyen âge ont fait d’immense progrès. Il reste aussi, fort heureusement, les récits traditionnels du Pays de Galles et d’Irlande datant du Moyen Âge, mais dont les racines remontent beaucoup plus loin dans le temps. Leur étude est précieuse puisqu’ils donnent une indication sur le teneur des récits disparus. Il faut dire que toutes ces disciplines nous font connaître les Celtes comme jamais auparavant dans notre histoire. Toutefois, les druides eux-mêmes restent des fantômes indistincts, enveloppés dans les brumes du passé.
L’APPORT DE L’ASTRONOMIE
Pourtant, il existe une lueur d’espoir. Cette lueur, certes faible, vient des étoiles, plus précisément d’une discipline qui étudie les astres : l’astronomie[5]. C’est justement l’intérêt des druides pour cette discipline qui permet de découvrir certains de leurs secrets, car ils ont laissé un message. Tel un livre gigantesque, ce message s’étale devant nos yeux sur la voûte céleste. Et si toute la mythologie celtique était inscrite dans le ciel étoilé ?
Cela signifierait que la mythologie, la cosmogonie et l’eschatologie des Celtes est inscrite dans les astres et les constellations. En somme, que les druides pratiquaient une Religion des Étoiles.
OBSERVER LE CIEL ÉTOILÉ
L’avantage de la méthode employée ici est qu’elle ne nécessite d’aucun appareillage sophistiqué, pas de télescope ni même de logiciel informatique qui calcule la position des étoiles dans les temps anciens, mais d’une simple carte du ciel ou comme le faisait les druides, simplement observer le merveilleux ciel étoilé que nous avons nuit après nuit à notre disposition.
Constellation Ursa Major du Johannis Hevelii prodromus astronomiae (également connu sous le nom d’Uranographia) par Johannes Hevelius. 1690. Source : www.ciel-de-nuit.com
Pourtant, il ne s’agit pas d’écrire une mythologie celtique continentale qui a disparue de façon définitive. Notre propos est beaucoup plus modeste, il s’agit simplement d’explorer quelques thèmes de l’iconographie celtique et de nous rendre compte que l’on peut les rattacher à certains motifs mythologiques qui sont communs aux peuples d’Europe. Prenons un exemple, si des récits irlandais et grecs se ressemblent, sans aucune influence des uns sur les autres, ce qui est parfaitement prouvé par le comparatisme indo-européen, alors il est fort probable qu’entre les deux devait exister le chaînon manquant — la tradition orale des Celtes continentaux. Or, ce sont les constellations qui forment le lien entre toutes ces mythologies. Elles contiennent en leur cœur des mythes universels.
LA MÉMOIRE DU MONDE
Le conteur, qu’il soit grec, gaulois ou irlandais, ne peut que raconter la même histoire. Les constellations sont des aide-mémoires dans lesquels les étoiles sont comme les perles d’un collier c’est-à-dire une suite d’éléments disposés le long d’un fil conducteur thématique facile à mémoriser. Il suffisait au druide de regarder une partie du ciel et immédiatement revenait dans sa mémoire le récit mythologique correspondant à cette portion de la voûte céleste. L’association de certaines constellations entre-elles permet au conteur de raconter une histoire dont le corpus semble fixé pour l’éternité dans le ciel étoilé. Nous y retrouvons toujours les mêmes structures narratives, les mêmes personnages. Ceux-ci gardent pour toujours les mêmes fonctions. C’est pourquoi la même histoire existe encore ailleurs, elle peut traverser le temps et l’espace sans altération significative. Grâce à ces données stellaires immuables, nous verrons que des récits peuvent rester identiques non seulement à travers les millénaires, mais également quand ils sont séparés par des milliers de kilomètres l’un de l’autre.
LES DRUIDES ET LEUR MESSAGE
On ne peut être qu’émerveillé devant l’immensité des informations qui sommeillent au fond de la voûte étoilée. Cela donne le vertige, car une vie entière ne suffirait pas pour décrypter toutes ces données. L’astronomie reste peut-être le meilleur moyen de se projeter dans l’univers mental des druides de l’Antiquité. Chaque pan de la voûte céleste raconte une autre histoire, comme un nouveau chapitre dans un livre gigantesque. C’est pourquoi le ciel étoilé servait d’aide-mémoire aux bardes et aux druides pour conter les mythes et les épopées des temps anciens. La création du monde, la genèse des dieux, la naissance de l’humanité, les généalogies des hommes et des divinités, la provenance des peuples et des familles royales, l’étymologie des noms propres et des lieux, les exploits et les amours des dieux et des héros. Être un conteur dans une civilisation de l’oral ne signifie pas simplement avoir une mémoire phénoménale, mais également savoir utiliser des techniques de mémorisation perfectionnées.
UNE MÉTHODE ANCESTRALE
Utilisation de mots clefs, de certaines intonations, du chant, des rimes qui entrainent automatiquement la suite etc. Dans un texte écrit en prose on peut facilement rajouter ou éliminer des phrases ou des éléments qui ne sont pas dans la composition originale. Dans un texte versifié, il ne peut que difficilement y avoir des rajouts ou des retraits sans nuire à l’équilibre de l’ensemble ; on peut dire que le texte — qu’il soit écrit ou oral — est en quelque sorte verrouillé. Si en plus le texte est psalmodié ou chanté, la rythmique procure au récit une sorte de double verrouillage encore plus compliqué à contourner. La fiabilité des données transmises n’en est que plus grande encore. De plus se sont des textes sacrés qu’on ne modifie pas.
UNE RONDE CÉLESTE
Les étoiles tournent dans une ronde sans fin autour du pôle Nord céleste. Infatigables, les constellations se déplacent dans le ciel tout au long de la nuit, mais ce n’est pas tout, elles ne sont pas au même endroit ni en été ni en hiver. La machinerie céleste est continuellement en mouvement. Ce qui explique pourquoi le barde ou le druide raconte une histoire différente suivant les saisons, les nuits et même les heures de la nuit. Ainsi, le mythe conté lors de la fête de Beltaine à minuit n’était pas le même que celui narré lors des nuits de Samonios à la même heure. Ceux racontés en début et en fin de nuit sont également différents. Le répertoire des druides devait être immense et il fallait une mémoire non moins gigantesque pour pouvoir y puiser les mythes et les légendes. Si les fouilles archéologiques permettent surtout de retrouver les traces matérielles de la civilisation celtique, le ciel étoilé en revanche nous permet de percevoir l’univers spirituel des druides.
LE RELIGION DES ÉTOILES
La recherche actuelle cantonne les druides dans un comparatisme indo-européen. Selon Georges Dumézil, les peuples indo-européens partagent un schéma mental similaire, qu’ils soient Grecs, Arméniens, Celtes, Indo-Iraniens, Baltes, Germains, Slaves ou Latins : l’organisation de la société selon trois fonctions primordiales, correspondant aux domaines religieux, guerrier et économique. Cette structure se retrouverait dans les mythes, mais également dans les structures narratives, et dans l’organisation sociale. Bien sûr cette tripartition a existé et continue d’exister, mais dans le domaine religieux, elle n’est que superficielle, elle donne un cadre, une forme, mais n’influence pas le fond. Les druides ont transmis à travers le chaudron de Gundestrup une très ancienne Religion des Étoiles plongeant ses racines dans la Préhistoire. Cette religion a influencé toutes les religions de l’Ancien Monde et même au-delà. Cependant les druides sont les seuls qui l’ont transmise intacte aux générations futures. Alors que les autres religions n’en ont conservé que des bribes. Pourquoi ?
LE REFUS DE L’ÉCRITURE
Ce corpus intact est dû au refus de l’écriture qui conserve le message dans un état originel. Le message est transmis par des chants ou des poésies aux accords et aux rythmes très précis dont il est impossible de changer le moindre mot. Ce qui permet une transmission sans altérations, d’où l’interdiction d’utiliser l’écriture pour tout ce qui touche à la religion.
Dans d’autres civilisation, l’utilisation de l’écriture n’a pas permis de conserver le message originel dans son intégralité.
L’écriture est une invention formidable, mais elle entraîne, au fil des réécritures et au gré des scribes, des dérives qui font perdre une partie de l’information transmise. Il faut également ajouter à cela une histoire plus mouvementée en Orient avec des guerres et des conquêtes qui entraîne une superposition de peuples et de civilisations. Rien que pour la Mésopotamie : Sumériens, Akkadiens, Babyloniens, Assyriens, Perses et Parthes. De grands empires centralisés.
En Occident, la seule grande rupture intervient très tard avec la conquête romaine de quasi tout le domaine celtique.
UN CHAUDRON EN ARGENT
Cette tradition orale sans interruption de la Préhistoire jusqu’au début de notre ère a également montré ses limites avec la disparition des porteurs de la Tradition suite aux persécutions des Romains puis les changements culturels et religieux qu’a entraîné la conquête des territoires celtiques.
Les derniers druides ont été conscient de ce risque. C’est pourquoi ils ont retranscrit leur Religion des Étoiles sur le chaudron de Gundestrup, non pas à travers un texte, mais par des images.
ORION LE DIEU OUBLIÉ
Sauf qu’il faut avoir la clef pour déchiffrer ces images et seule l’astronomie permet d’apporter des éléments de réponses. Car les druides ont utilisé pour transmettre leur message un répertoire d’image que l’on peut consulter chaque soir devant sa porte. Le ciel étoilé et ses constellations. Un répertoire d’images qu’ils avaient en commun avec les autres civilisations, ce qui explique les nombreux motifs qui se ressemblent à travers les civilisations. Des images qui sont restées immuables sur des millénaires et sur les milliers de kilomètres à travers l’Ancien Monde, Anatolie, Mésopotamie, Inde, Grèce et Europe occidentale. Orion et son combat contre un taureau en est un exemple éloquent que l’on retrouve en Anatolie dès le IXe millénaire avant notre ère et qui se retrouve presque à l’identique sur le chaudron de Gundestrup près de 10000 ans plus tard. Voir à ce propos : SAISON 2 ANNEXE 5 Orion, les images
LES DRUIDES ET LEUR MESSAGE ©JPS2023(écrit en 2016 et remanié en 2023)
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Image mise en avant :
Carte du ciel de l’hémisphère nord et les constellations du zodiaque d’après Albrecht Dürer, 1515, Imagines coeli septentrionales et meridionales. Source : www.atlascoelestis.com/durer
NOTES :
[1] César utilise le terme mundi, monde. Voici la définition du dictionnaire : monde. La Terre et les astres (système organisé). cosmos. L’ensemble de tout ce qui existe. univers. Le Robert de poche, Langue française et noms propres, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1995.
[2] César, Guerre des Gaules, Livres V-VIII, VI, 14, Traduction L.-A. Constans, Les Belles Lettres, Paris, 1989.
[3] Le Robert de poche, Langue française et noms propres, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1995.
[4] Lucius Annaeus Cornutus, De natura deorum, chap.17, Edition F. Orsannus, Göttingen, 1845.
[5] Une sous-discipline de cette dernière, la paléoastronomie, ne nous sera pas tout à fait inutile non plus puisqu’elle étudie particulièrement la position des étoiles dans le passé, or le ciel étoilé recèle d’importantes informations sur les temps les plus anciens.
LES DRUIDES ET LEUR MESSAGE/2016
LES DRUIDES ET LEUR MESSAGE/2023
LES DRUIDES ET LEUR MESSAGE/INTRODUCTION
La carte céleste d’Albrecht Dürer