LES ORIGINES DU CHAUDRON DE GUNDESTRUP (1/3)

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 9

Le chaudron de Gundestrup est la clef du déchiffrement du code secret des druides, mais d’abord il faut répondre à deux questions essentielles.

Qui a conçu l’iconographie du chaudron ? Qui sont les commanditaires d’une telle œuvre ?

 LES COMMANDITAIRES

La complexité des informations contenues dans l’iconographie du chaudron en argent implique un savoir astronomique inaccessible aux seuls artisans qui ont fabriqué le chaudron. Ces données sont théologiques, mythologiques et astronomiques et calendaires. Les druides sont indéniablement les seuls possesseurs d’un tel savoir. Ce sont eux qui ont planifié un tel projet ? car seul un ou plusieurs druides ont pu donner des indications précises aux artisans. Le chaudron est en quelque sorte un résumé en image de la religion des druides, de leur panthéon ainsi que du mythe fondateur des Celtes. C’est un témoin inestimable d’une époque révolue, car moment unique dans toute l’histoire celtique, le chaudron de Gundestrup révèle l’enseignement secret des druides. Disons-le tout de suite, contrairement à ce que pensent certains chercheurs, aucune liberté d’interprétation n’est laissée aux artisans. Ces derniers n’ont pas fait de remplissage entre ou autour des scènes mythologiques. Tous les éléments de l’iconographie ont un sens qu’il soit astronomique, calendaire, mythologique, rien n’est laissé au hasard. Prenons l’exemple des griffons et des éléphants qui représentent en fait symboliquement un axe nord-sud. Le griffon animal fabuleux avec un corps de lion et une tête et les ailes d’un aigle[1] est d’après Hérodote le gardien de l’or loin au nord au-delà du monde connu. Tandis que l’éléphant représente le sud[2]. Bien sûr il faudra expliquer dans un article à venir pourquoi sur le chaudron de Gundestrup, contrairement à une carte moderne, le nord est en bas et le sud en haut. D’ailleurs sur toutes les plaques du chaudron les points cardinaux nord sud sont inversés.

LES ARTISANS

Qui a fabriqué le chaudron ?

Nous avons vu précédemment que les informations contenues dans l’iconographie du chaudron impliquent un savoir dans différents domaines qui n’est pas à la portée des artisans qui ont fabriqué le chaudron. Ce qui ne signifie pas que ces artisans ne soient pas talentueux et qu’ils ne maîtrisent pas parfaitement leur art. Si les druides sont les initiateurs du contenu spirituel du chaudron, c’est au maître artisan de prendre en charge de la mise en image de ces thèmes complexes. L’étude des poinçons sur les différentes plaques du chaudron ont montré que plusieurs artisans ont travaillé sur le projet. Après des analyses stylistiques[3], la recherche en distingue surtout deux appelés Maître I et Maître II[4].

LE MAÎTRE I

Maitre I est un bon connaisseur du milieu celtique. C’est pourquoi les spécialistes pensent que c’est un Gaulois. Il représente à la perfection les armes, les épées, les lances, les boucliers et les casques, les torques, les ceintures, les selles, les carnyx[5] que l’on retrouve en Gaule. Il connaît les dieux celtes comme le dieu aux cornes de cerf Cernunnos et le dieu du tonnerre Taranis. Il connait également bien la faune européenne, les cerfs, les loups, les sangliers etc., mais il représente aussi des motifs plus exotiques, des lions, Pégase, des hippocampes et un dauphin. Ce sont les commanditaires du chaudron qui lui ont demandé de représenter ces images inhabituelles dans le monde celtique. Pour une raison très simple, les druides, grands astronomes, lui ont demandé de figurer des constellations. Or dans le ciel étoilé il y a des lions, un cheval ailé, que les grecs ont appelé Pégase. Si les druides ont demandé à un artisan gaulois de représenter ces constellations, c’est qu’ils les connaissent et qu’ils ont une bonne raison pour le faire.

LE MYTHE DE L’ARTISAN MALADROIT

Si l’on ne tient pas compte que les druides sont de brillants astronomes, on ne peut pas comprendre ces images peu ordinaires. Arrêtons-nous un instant sur le cas du fameux dauphin qui figure sur la plaque du dieu celtique Cernunnos.

LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP ORIGINE. Cernunnos plaque du chaudron de Gundestrup

Le dieu aux bois de cerf Cernunnos entouré d’animaux, en haut à droite l’homme qui chevauche un « dauphin ». © Copenhague, Nationalmuseet.

LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP ORIGINE. Détail du chaudron de Gundestrup homme chevauchant un poisson

Détail du chaudron de Gundestrup. Homme chevauchant un poisson. © Copenhague, Nationalmuseet.

Les spécialistes veulent absolument y voir Arion qui chevauche un dauphin. Ce qui signifie que l’artisan gaulois auteur da la plaque en argent, figure maladroitement un animal qu’il n’a jamais vu. La légende dit qu’Arion est né à Méthymne sur l’île de Lesbos. Il vit longtemps à la cour du tyran de Corinthe, avant de voyager en Sicile et en Italie et d’y amasser de grandes richesses. Lors de son voyage retour, il s’embarque à Tarente dans un bateau en partance pour Corinthe. Les matelots décident de le voler et de le tuer. Avant d’être jeté à la mer, Arion obtient la faveur de jouer une dernière fois de la cithare. Il attire par ses chants un dauphin et plonge dans les flots. L’animal le sauve et le porte sur son dos au cap Ténare, en Laconie.

UN ÉTRANGE DAUPHIN

Si l’on pense que c’est une représentation d’Arion chevauchant un dauphin, il faut immédiatement constater que l’artisan qui a figuré l’animal n’a jamais vu de dauphin et qu’il le représente de façon maladroite. Sauf que les spécialistes inversent toujours le raisonnement. Ils pensent que les Grecs ont inventé le mythe d’Arion et que l’homme et son dauphin ont été placés dans les cieux par une divinité. Les exemples sont aussi nombreux que les constellations. Façon de faire qui est d’ailleurs corroboré par les auteurs de l’Antiquité qui transmettent ces histoires. Ensuite les Celtes ont repris des images qu’ils ont observés sur des vases ou des monnaies grecques ou romaines. Ils en ont fait des reproductions approximatives, ne comprenant pas vraiment ce qu’ils copient. Mais, c’est exactement le processus inverse qui s’est produit. Les Grecs et les Celtes voient dans la nuit étoilée les mêmes figures. Celle dans ce cas précis d’un homme qui chevauche un poisson. Cette image inscrite dans le ciel étoilé s’est transformée chez les Grecs en un mythe dans lequel Arion chevauche un dauphin. Tandis que  chez les Celtes, c’est la figuration du personnage sans nom du chaudron de Gundestrup qui chevauche un poisson.  Un vrai poisson et non la copie ratée d’un dauphin grec[6]. Les deniers romains sur lesquels on peut voir un génie ailé qui chevauche un dauphin sont l’exemple type des « faux amis ». En linguistique les « faux amis » sont des mots issus d’une langue donnée et qui ressemblent à des mots d’une autre langue, mais dont le sens est différent. Ici nous sommes face à deux images qui se ressemblent, mais qui n’ont pas la même signification.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Denier en argent LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Denier romain

Denier en argent, L.LUCRETIUS TRIO Petit génie ailé (Palæmon) chevauchant un dauphin. en haut 74 av. J.-C.,  en bas 76 av. J.-C. (en haut : source www.dumez-numismatique.com) (en bas : source www.les dioscures.com).

UN POISSON-CHAT

En fait le « Dauphin » du chaudron de Gundestrup dans son attitude ressemble au vrai dauphin d’une pièce de monnaie romaine. Sauf que l’artisan qui a travaillé sur le chaudron voulait vraiment représenter un poisson et non un dauphin. Il n’y a aucun doute à avoir, puisque le personnage du chaudron n’a pas d’ailes et n’est pas un génie ailé. Tandis que le poisson à des écailles, les nageoires typiques d’un poisson et les « moustaches » d’un poisson-chat. Le « dauphin » raté du chaudron de Gundestrup est en fait un silure réussi. Les silures sont des poissons de grande taille, de 2 à 3 m de long et peuvent peser jusqu’à 150 kg[7]. Une des caractéristiques majeures de ces animaux est la tête large et plate qui porte six barbillons : deux longs, et mobiles, sur la mâchoire supérieure, et quatre courts sur la partie inférieure de la tête.  La courbe à angle droit formée par le corps de l’animal semble plutôt due à une contrainte de mise place de la scène, car il ne possède pas cette ondulation élégante du dauphin de la monnaie romaine. L’artisan n’a pas trouvé de place ailleurs dans la composition pour la queue du poisson Il l’a donc courbée tout simplement vers le haut.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 homme chevauchant un poisson  Silure (Silurus Glanus)

Le « dauphin » du chaudron de Gundestrup ressemble à un silure (silurus glanis) Le poisson a une nageoire dorsale, une nageoire anale et ce qui est peu visible sur l’image le personnage qui se tient à une nageoire pectorale. (Source : Wikimedia Commons & Copenhague, Nationalmuseet).

UNE BANQUE D’IMAGES EN COMMUN

Dans un autre article, nous avons déjà rencontré le même problème avec le sacrifice du taureau céleste représenté sur la plaque du fond du chaudron de Gundestrup. Voir SAISON 1 ÉPISODE 5 Le chaudron de Gundestrup Une carte du ciel ?

Dans ce cas également, le point de départ est une image inscrite dans le ciel. Les Iraniens comme les Celtes ont observé dans le ciel étoilé le sacrifice d’un taureau. Les Iraniens ont fait de cette scène le motif central du culte entourant le dieu Mithra. Les celtes de leur côté ont repris le même motif pour en faire la scène centrale de leur chaudron sacré. Le personnage représenté à côté du taureau n’a pas de nom, mais grâce aux données astronomiques, on peut dire que c’est Orion. Sans texte explicatif disponible, il impossible de deviner le nom celtique de ce personnage, mais il semble évident que comme dans le cas d’Arion, qu’une histoire se cache derrière cette image. Il n’y a aucune influence des uns sur les autres, mais tout simplement un répertoire d’images en commun. Ce qui explique les ressemblances, mais aussi les différences. Ces dernières sont déterminantes puisqu’elles nous permettent de déduire que ce ne sont pas de simples copies d’œuvres grecques, romaines ou même iraniennes. C’est même une erreur de toujours chercher dans le cas des Celtes un modèle chez les Romains, les Grecs ou les Iraniens et de constater ensuite que l’auteur copie maladroitement les originaux. Les druides commanditaires du chaudron de Gundestrup n’avaient qu’à lever les yeux vers le ciel étoilé pour trouver leurs modèles. Que ce soit celui du sacrifice d’un taureau ou l’image d’un homme qui chevauche un poisson, et bien d’autres motifs encore. Et de donner ensuite les instructions aux artisans chargés de transcrire ces données en images.

Ce qui soulève plusieurs questions.

LES INDO-EUROPÉENS

Rappelons tout de même que les Celtes, les Romains, les Grecs, les Iraniens et nombre d’autres peuples sont des Indo-Européens. Qu’ils partagent non seulement des origines communes, mais également des langues apparentées, des structures sociales, des institutions, des rituels, des thèmes religieux et mythologiques qui se ressemblent. La science en a fait une discipline : le comparatisme indo-européen. Il n’est donc pas étonnant qu’ils puissent avoir des images en commun. Un vrai répertoire d’images partagé par les peuples indo-européens sur lequel s’appuient les différents artistes lorsqu’ils représentent leurs mythes respectifs. La particularité de ce répertoire est qu’il est non seulement inscrit en grandes lettres dans le ciel étoilé, mais qu’il nous est toujours encore accessible. Il suffit de sortir devant chez soi la nuit venue et d’observer le magnifique ciel étoilé qui nous est offert en spectacle. Si l’on ne tient pas compte de cet aspect astronomique, le chaudron de Gundestrup n’est qu’un amas confus d’images sans signification, inspiré par les peuples alentours, dont les motifs sont de surcroit mal compris et mal recopié. Pauvres Celtes, pauvres druides condamnés à la médiocrité.

LE CIEL ÉTOILÉ

Au contraire les druides savent très bien ce qu’ils font et ont à leur disposition les constellations qui leur servent d’aide-mémoire. Il suffit au druide (ou au barde) de regarder une partie du ciel étoilé et immédiatement lui revient en mémoire le récit mythologique correspondant à cette portion de la voûte céleste. Cela permet au conteur de raconter une histoire dont le corpus semble fixé pour l’éternité dans le ciel étoilé. Une grande partie de ces images restent identiques non seulement à travers les millénaires, mais également sur des milliers de kilomètres d’un bout à l’autre de l’aire de répartition des Indo-Européens[8]. Ce sont ces mêmes constellations que nous pouvons encore observer de nos jours lors de belles nuits étoilées. Les constellations se déplacent dans le ciel tout au long de la nuit, mais ce n’est pas tout, elles ne sont pas au même endroit ni en été ni en hiver. La machinerie céleste est continuellement en mouvement. Ce qui explique pourquoi le druide ou le barde peut raconter une histoire différente suivant les saisons, les nuits et même les heures de la nuit. Si les fouilles archéologiques permettent surtout de retrouver les traces matérielles de la civilisation celtique — et le chaudron de Gundestrup en est un bon exemple — le ciel étoilé en revanche nous permet de percevoir l’univers spirituel des druides et de décoder un tel artefact. Ces images en commun peuvent même dépasser le cadre indo-européen puisqu’une partie en tout cas des constellations semblent être un héritage des civilisations de Mésopotamie[9] et du Proche-Orient. Certaines remontent même à la préhistoire comme par exemple la Grande Ourse. Comme souvent les savants Grecs ont les premiers mis par écrit ces informations issus d’une longue tradition et passent ainsi pour leurs inventeurs. Dans le druidisme le savoir est réservé aux seuls initiés et ne se transmet dans le secret que de maître à élève. Les Indo-Européens n’ont jamais représenté leurs dieux par des images. Ils n’ont jamais utilisé l’écriture. Ce sont les Grecs influencés par le Proche-Orient, les Crétois ou l’Égypte qui ont brisés ces deux interdits en premier. Avec le chaudron de Gundestrup les druides ont eux aussi enfreint ces interdits millénaire en donnant l’ordre de mettre leur doctrine religieuse en image. Pourquoi ?

voir ANNEXE 25 La non représentation des dieux

voir ANNEXE 26 Le refus de l’écriture

LA DESTRUCTION DU DRUIDISME

Ce sont des circonstances exceptionnelles qui sont à l’origine du chaudron de Gundestrup. Parce que la situation est extrêmement grave, la flotte vénète a été détruite par les Romains en 56 av. J.-C. Certains se sont réfugiés en Grande-Bretagne. Cependant le répit est de courte durée, car César lance une offensive contre la Bretagne insulaire dès les années suivantes, en 55 puis en 54 av. J.-C. C’est un échec, puisque ces deux expéditions resteront sans lendemain[10], mais les druides savent que ce n’est qu’une question de temps et que les Romains vont revenir[11]. L’avenir leur donnera raison. En 43 apr. J.-C. sous l’empereur Claude débute la guerre de conquête de l’île de Bretagne. Culminant sous Néron avec la destruction totale du centre druidique de l’île de Mona (Anglesey) en 61 apr. J. -C. La conquête sera achevée 83 apr. J.-C. sous l’Empereur Domitien. C’est lorsque César décide d’attaquer la Bretagne insulaire en 55 av. J.-C. que les druides décident de rechercher un refuge au Nord du Monde, loin des Romains. Mais ceux-ci semblent les poursuivre, puisque dès 5 ap. J.-C., les Cimbres doivent offrir à Auguste leur chaudron le plus sacré pour demander son pardon et obtenir son amitié[12]. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas le chaudron de Gundestrup.

Mais il y a encore un autre problème.

Comment expliquer que le ciel étoilé semble être d’un côté un vaste océan céleste, peuplé d’animaux marins ou de personnages liés aux eaux marines ?

Ce qui fait quand même beaucoup pour des peuples de cavaliers sensés venir des steppes ukrainiennes au nord de la mer Noire.

UN PEUPLE DE LA MER

Il y a une solution à cette présence persistante de l’élément aquatique et des ces habitants[13].

Que c’est un peuple de marins qui a participé, pour une partie non négligeable, dans la mise en forme des constellations. C’est pourquoi il faut encore une fois revenir aux Vénètes ou Énètes[14] et à leurs origines. Ont-ils participé en tant que marins à l’élaboration des constellations, surtout celles d’inspiration marine ? En tout cas, on les dit venir de Paphlagonie, royaume situé au bord de la mer Noire au nord de la Turquie actuelle. Homère les mentionne pour la première fois en tant qu’alliés des Troyens dans la guerre contre les Grecs commandés par roi Agamemnon[15]. Après la chute de Troie, au cours du XIIe siècle av. J.-C., les Énètes fuient la Méditerranée orientale. Hérodote les signale en Illyrie[16]. Strabon confirme cette migration des Vénètes-Énètes du Nord de la Turquie vers la Thrace puis l’Adriatique[17]. Pourtant dans un autre texte, Strabon nous apprend le contraire, que les Vénètes de l’Adriatique sont une colonie des Vénètes de l’océan et non une colonie des Énètes de Paphlagonie[18]. Cependant un autre point commun réunit ces Vénètes-Énètes : le cheval. Voir ANNEXE 15 L’origine de constellations

DES ÉLEVEURS DE CHEVAUX

Les Vénètes sont célèbres pour leurs élevages de chevaux. Xénophon, dans un de ses textes, mentionne la supériorité des chevaux de Paphlagonie sur ceux de l’empire Perse[19]. Les chevaux des Vénètes de l’Adriatique ont une telle renommée, qu’au début du IVe siècle av. J.-C., le tyran de Syracuse, Denys l’Ancien, fait venir de Vénétie les pur-sang de son haras. Toujours selon Strabon, les Vénètes sacrifient des chevaux blancs à Diomède dont le culte est particulièrement développé en Vénétie. Les Vénètes de l’océan ne sont pas connus pour leurs chevaux. Cependant dans leur iconographie, le cheval prend une place importante pour un peuple de marins puisque sur une même pièce de monnaie figure un cheval à tête humaine et de l’autre côté, le portrait d’un homme avec au-dessus de la tête, un petit cheval avec une queue de poisson.

LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP ORIGINE. Statère Vénète

Statère vénète, Armorique, Type au cheval marin en cimier. Face avant tête d’un personnage avec au-dessus un cheval à queue de poisson. Revers : Cheval androcéphale conduit par un aurige tenant les rênes et une branche dont les rameaux sont terminés par trois points, à laquelle est attaché un étendard carré et frangé. Sous le cheval, un personnage allongé muni d’une aile déployée. (Source : www.numisbids.com).

LES DIOSCURES

Il est évident que ces images recèlent un mythe auquel nous n’avons plus accès. Si comme nous le pensons, le chaudron de Gundestrup a été conçu dans la sphère d’influence des Vénètes. Il faut suivre une autre piste, celle des Dioscures, beaucoup plus prometteuse, puisque Diodore de Sicile affirme que :

 Les Celtes riverains de l’Océan ont une vénération toute particulière pour les Dioscures[20].

Les Dioscures sont nommés Castor et Pollux chez les Romains et Kástôr et Poludeúkês chez les Grecs. Ces Dioscures sont les fils jumeaux de Léda nés de deux pères différents. La légende raconte que Zeus métamorphosé en cygne séduit Léda. De cette union, Léda pond un œuf contenant les demi-dieux Pollux et Hélène[21]. Elle pond également un autre œuf conçu avec son mari Tyndare, le roi de Sparte, contenant Castor et Clytemnestre[22], tous deux mortels. Les jumeaux, devenus plus âgés, enlèvent les filles de Leukippos[23], Hilaire et Phébé pour les épouser. La bataille qui suit cet enlèvement provoque la mort de Castor. Pollux, inconsolable, invoque Zeus, son père, et lui demande de lui accorder la mort, ou d’offrir l’immortalité à son frère. Zeus exauce ce désir de ne pas être séparés par la mort et permet à Pollux de passer avec son frère une moitié d’année dans les Enfers et l’autre sur le mont Olympe parmi les dieux. Les jumeaux sont par la suite métamorphosés par Zeus en étoiles et forment ensemble la constellation des Gémeaux. Les Dioscures, symboles grecs de la figure indo-européenne des dieux jumeaux, sont également les protecteurs des marins et des navires dans la tempête. Ils sauvent ainsi les vaisseaux des argonautes [24]. Cependant ce sont aussi des cavaliers, souvent représenté sur un cheval, accompagné d’un cheval ou encore conduisant un char.

Vase de Midias

L’enlèvement des filles de Leucippus par les Dioscures. Fac-similé du vase de Midias. Hydrie attique à figures rouges, vers 420-400 av. J.-C., conservée au British Museum.

LE CHEVAL DE LA MER

C’est pourquoi l’on peut proposer l’explication suivante concernant le revers de la monnaie des Vénètes. C’est un char conduit par un des Dioscures. Le conducteur tient une branche de gui reconnaissable à ses trois boules. Cette dernière étant le Rameau d’or que cite Virgile dans l’Énéide. Ce rameau de gui permet de traverser les portes des Enfers et d’en ressortir vivant. Sous le char, la Victoire, avec de grandes ailes, le guide. Le conducteur du char avec son cheval piétine un adversaire à terre. L’équidé est lui-même en rapport avec la mort. C’est un animal psychopompe, c’est à dire « conducteur des âmes »[25].  Le modèle de ce cheval androcéphale « à tête humaine » est à chercher dans la mythologie celtique. Un bon exemple est le roi Marc’h de Cornouaille aux oreilles de cheval. Il est à la fois un personnage de la mythologie celtique et de la légende arthurienne. Il est présent dans les traditions, bretonne et cornique. Son nom (Marc’h signifie « cheval » en breton) et ses attributs (des oreilles du même animal) lui confèrent un rôle conducteur des âmes vers l’Autre Monde. Dans une autre légende Marc’h est roi de Poulmarc’h et possède un cheval fantastique, qui peut traverser la mer et galope aussi vite que le vent. L’animal est surnommé « Morvac’h », ce qui signifie « cheval de la mer »[26] en breton[27]. Ainsi cette scène nous présente Castor, le dioscure mortel, qui traverse les Enfers, vainc la mort et revient à la vie[28].

DES FRÈRES JUMEAUX

Bien sûr, les Dioscures vénérés par les Celtes ne portent pas les noms de Castor et Pollux. Ils sont encore moins des divinités grecques ou romaines. Ces Dioscures gaulois remontent à une image commune, celle du couple de jumeaux qui forme la constellation des Gémeaux connues depuis les temps les plus anciens par les peuples indo-européens et même au-delà.

Homère mentionne les Dioscures dans l’Iliade :

 Kastôr dompteur de chevaux et Polydeukès invincible au pugilat[29].

Castor le dompteur de chevaux et Pollux le boxeur. C’est exactement cette image des Dioscures que l’on retrouve sur le chaudron de Gundestrup. À gauche, Pollux dans une attitude de boxeur et Castor qui est représenté en tant que danseur, mais également symboliquement comme cavalier qui dompte un cheval cabré.

LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP ORIGINE Dioscures sur le chaudron de Gundestrup

Chaudron de Gundestrup, les Dioscures entourant la tête d’une divinité, à gauche Pollux le boxeur et à droite Castor en danseur et dompteur de chevaux. © Copenhague, Nationalmuseet.

LES DIOSCURES, LE CHEVAL ET LE CHIEN

Les Dioscures passent en Grèce pour être les inventeurs de différents danses guerrières ou marches militaires notamment chez les Spartiates. Castor effectue sans doute ce que l’on peut interpréter comme une danse guerrière sans armes. Ces danses spéciales sont pratiquées lors d’une fête appelée par les Grecs Gumnopaidía (gymnopédies) [30].

Une amphore du Vatican nous présente la famille des Dioscures. Castor qui tient son cheval par les brides et qui se tourne vers Léda (leur mère) qui lui offre une fleur. Tandis que Pollux joue avec un chien d’un côté du vase et Tyndare (un des pères) qui caresse le museau du cheval de l’autre côté de la composition.

Amphore attique

Amphore attique à figures noires signée Exékias vers 540-530 av. J.-C., Face B (Musée du Vatican) Les Dioscures avec leurs parents, au centre de la composition, Castor tient une lance de la main gauche, et de la droite la bride de son cheval Kyllaros. Le héros se retourne vers sa mère Léda, qui lui présente une fleur de la main droite et, de l’autre, tient un double rameau. Derrière elle Pollux, entièrement nu, se penche pour caresser un chien. Dans la partie droite de la scène, son pèreTyndare flatte le cheval de la main, tandis qu’un petit personnage, le seul qui ne soit pas désigné par une inscription, apporte un aryballe et une étoffe posée sur un siège. Les Dioscures et leurs parents portent une couronne de feuillage. (Source : Antoine Hermary, Images de l’apothéose des Dioscures, disponible sur www.persée.fr)

Sur ce vase, Castor est représenté avec son cheval et Pollux avec son chien. Ce cas de figure se retrouve également sur le chaudron de Gundestrup. Autour de la tête d’une divinité, nous pouvons voir les Dioscures tenant chacun un sanglier dans la main. Du côté gauche Pollux accompagné de son chien et du côté droit Castor et son cheval ailé.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Dioscures et chaudron de Gundestrup

Chaudron de Gundestrup. Côté gauche, Pollux et son chien. Côté droit Castor et son cheval ailé. © Copenhague, Nationalmuseet.

DES CHEVAUX QUI VOLENT

Il faut noter une particularité des chevaux des Dioscures : ce sont des équidés capables de voler dans les airs, mais ils n’ont pas d’ailes.

Stèle de Larissa

Stèle de Larissa: apparition des Dioscures à un banquet, on peut voir dans la partie inférieure, une table chargées de mets près d’un lit de festin, devant la table un homme offre une libation sur un autel tandis qu’une femme lève le bras droit vers le ciel où apparaissent les Dioscures à cheval. Au-dessous des deux cavaliers plane une Victoire portant une couronne. Sur le fronton le quadrige d’Hélios. (Paris, musée du Louvre).

Pourtant le cheval sur le chaudron de Gundestrup a des ailes. C’est tout simplement parce que les druides plus pragmatiques y ont vu la constellation de Pégase (Pegasus) qui est habituellement représentée sous la forme d’un cheval ailé. Nous y reviendrons dans un prochain article.

LE MAÎTRE II

De l’avis unanime des spécialistes, le Maître II vient de Thrace et l’on considère qu’il a travaillé pour des commanditaires celtes. Ce qui peut paraître évident avec tous ces motifs celtiques qui ornent le chaudron de Gundestrup. Le Maître I est donc un Gaulois et le Maître II, un Thrace. L’idée d’un origine double du chaudron est ancienne. Déjà Sophus Müller, directeur du Musée National de Copenhague, pense en 1892 que c’est un chaudron celtique. Fabriqué au début de notre ère sous l’influence de la Gaule romaine.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Masques de Compiègne

Masques de Compiègne (Oise, France) du Musée de Saint Germain et de Brissac (Maine et Loire). D’après Müller, 1892. (Source : Francis Lornet, Historiographie du chaudron de Gundestrup).

Tandis que le conservateur adjoint du Musée de Copenhague, Egil Petersen propose d’y voir dès 1893 un travail du 1er siècle av. J.-C., avec une influence de style venue du bassin danubien. Son argument principal est notamment la plaque de Csora du Musée de Vienne. Petersen relève plusieurs points communs entre le chaudron et la plaque de Csora. La taille, la matière et la technique. L’iconographie montre également, selon Petersen, certains parallèles : le feuillage stylisé, les vêtements et les chaussures.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Plaque de Csora

Plaque de Csora d’après Petersen 1893 (Source : Francis Lornet, Historiographie du chaudron de Gundestrup).

Dès le départ, se côtoient les deux théories d’une origine occidentale et orientale du chaudron. Ce qui est jusqu’à aujourd’hui âprement discutée. Le Maître II exécute avec maestria les motifs typiquement celtiques que lui imposent les commanditaires. Les portraits des divinités avec des torques autour du cou, le dieu du tonnerre Taranis et le serpent à tête de bélier. Il semble même plus habile que le Maître I, qui maîtrise mal la perspective, notamment les trains avant des animaux. Il est l’auteur de la pièce magistrale qui orne le fond du chaudron qui montre le sacrifice d’un taureau. Ce dernier est montré couché, vu de côté, avec en contrepartie l’avant du corps qui est en relief, vue de face, qui semble sortir de la pièce en argent. Les représentations de ses deux cerfs est qualitativement supérieure au cerf du Maître I. Il est également à l’aise avec des animaux exotiques ou fabuleux, lions, griffons que lui demandent les commanditaires. Même s’il n’a jamais vu d’éléphant lui-même, animal qui fait partie de ses compositions les plus faibles. Pas de monnaie romaine qui vient au secours de l’artiste, pourtant elles existent. Les druides n’avaient pas de deniers en poche.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Denier de César avec un éléphant LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Eléphant sur le chaudron de Gundestrup

Denier de César vers 49 av. J.-C.[31] (Source : www.cgb.fr) et éléphant du chaudron de Gundestrup, avec un corps de taureau et les caractéristiques typiques de l’animal, une trompe et des défenses, mais sans les grandes oreilles.

Ce qui démontre, que ces artisans ou leurs commanditaires n’étaient peut-être pas aussi prompt à utiliser des images existantes que peuvent le penser les spécialistes.

UN ÉTRANGE ANIMAL AVEC DES SABOTS

Un autre point faible dans sa représentation des images mythologiques se trouve être le combat d’Héraclès contre le lion de Némée. Voici une très belle monnaie montrant la lutte du héros grec avec l’animal légendaire.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Statère d'Héraclée

Statère d’Héraclée, Lucanie, Héraclès luttant contre le lion de Némée, vers 350-340 av. J.-C. (Source : multicollec.net)

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Combat contre un lion sur le chaudron de Gundestrup

Chaudron de Gundestrup. Déesse entourée de deux personnages. L’un qui danse et l’autre qui se bat contre un animal. Un lion ? © Copenhague, Nationalmuseet.

Sa contrepartie celtique sur le chaudron de Gundestrup

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Détail du chaudron de Gundestrup. Combat contre un sanglier        Zoom sur les sabots du sanglier du chaudron de Gundestrup

Détail du chaudron de Gundestrup. Le « lion » avec des sabots. © Copenhague, Nationalmuseet.

Cette scène semble, encore une fois, être une mauvaise copie d’un modèle grec ou romain. Ce sont vraiment des artisans médiocres qui ont travaillé sur ce chaudron. Pourtant, si l’on regarde attentivement les pattes arrière de l’animal, on peut distinguer des sabots. Un lion avec des sabots ? Ou alors un autre animal ? Pourtant les artisans savent très bien faire la différence entre sabots et pattes sur les autres animaux du chaudron[32].

Sabots du taureau. Chaudron de Gundestrup

Sabots du taureau de la plaque du fond. Copenhague, Nationalmuseet.

Sabots du cerf. Chaudron de Gundestrup

Sabot du cerf de la plaque du dieu aux cornes de cerf. Copenhague, Nationalmuseet.

Pattes du loup. Chaudron de Gundestrup

Pattes du loup de la plaque du dieu aux cornes de cerf. Copenhague, Nationalmuseet.

Pattes du lion. Chaudron de Gundestrup

Pattes griffues d’un lion de la plaque du dieu aux cornes de cerf. Copenhague, Nationalmuseet.

Encore un mystère à éclaircir. Comme sur les autres plaques citées plus haut, le héros qui se bat avec un animal est l’un des Dioscures. Et les Dioscures ne sont pas vraiment connus pour leur lutte contre un lion. Ce qui semble éliminer la théorie des mauvaises copies. Pourtant ce combat contre un animal est un des éléments les plus importants du chaudron de Gundestrup.  C’est en dehors de la plaque manquante, le point culminant du mythe qui est raconté par le récipient d’argent. Si l’on se tient à la théorie des druides astronomes — et le chaudron ne manquera pas d’en apporter la preuve — qui utilisent des images communes au monde indo-européen inscrites dans le ciel étoilé. La théorie d’une origine thrace du chaudron n’est plus aussi pertinente avec son apport d’animaux exotiques. Le Maître II est-il vraiment un Thrace ?

LES MASQUES EN TÔLE DE BRONZE

Faut-il vraiment chercher en Thrace ce qui existe en Gaule du nord ?

C’est-à-dire des artisans, spécialiste en toreutique[33] qui savent travailler le métal avec dextérité. Comme par exemple le masque en tôle de bronze[34] trouvé en 1938-1939 dans un champ situé au nord de l’oppidum de L’Étoile (Somme, France) sur l’ancien territoire de la cité des Ambiens en Gaule Belgique.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Masque de L'ETOILE

Masque en tôle de bronze de l’Étoile. Musée d’Archéologie Nationale de Saint Germain-en-Laye.

L’objet, haut de 30 cm et de 26.5 cm de large, représente la face d’un homme barbu. La tôle de bronze, épaisse de 0,4 à 0,5 mm, a été mise en forme par martelage. Le travail de repoussé a été réalisé de l’intérieur vers l’extérieur, notamment à l’aide d’un outil à extrémité arrondie de 1,5 mm de diamètre environ. Le masque de L’Étoile se rattache à un groupe de 19 sculptures en métal battu et repoussé[35]. Il semble que le choix de cette technique, dans le domaine de la statuaire, soit plus propre à la Gaule, et surtout à certaines régions de la Gaule, situées au nord la Loire. Ce courant culturel rassemble des représentations humaines, têtes ou bustes, en général grandeur nature, traitées le plus souvent dans un alliage cuivreux, bronze ou laiton, mais comportant une unité de style d’inspiration celtique, étrangère à l’art classique. 17 de ces sculptures proviennent du nord de la France dont 9 viennent de la cité des Bellovaques[36] et 3 de la cité des Véliocasses[37]. La datation de ces masques reste difficile faute de contextes fouillés méthodiquement. Les estimations vont du Ier au IIIe siècle de notre ère, mais ils peuvent être plus anciens. Il faut également signaler le très beau masque féminin en tôle de bronze de la Croix Saint-Ouen (Oise), d’une hauteur de 33 cm, dont les yeux en amande sont argentés ou étamés et comportent un trou rond à l’emplacement de la pupille-iris. Détail important pour la suite.

Masque féminin

Masque féminin avec cou, haut. : 0,33 m (tête seule avec la chevelure : 0,27 m). (Musée des Antiquités nationales, Saint-Germain-en-Laye).

Les masques en tôle qui sont considéré comme l’expression d’une tradition celtique sont relativement rares. Pourtant le site gallo-romain des Vaux de la Celle à Genainville sur l’ancien territoire des Véliocasses en a livré trois de taille différents. Une tête humaine de grandeur nature, une deuxième un peu plus petite dont il ne reste que la partie supérieure du visage et une troisième de plus petite taille encore. Cette dernière, nous mène sur une piste intéressante. Il s’agit d’un petit masque de 5 cm de largeur découvert en 1978 près d’un temple de l’époque gallo-romaine.

Masque de Genainville

Petit masque en tôle de bronze découvert à Genainville (Val-d’Oise). Daté du Ier siècle av. J.-C. jusqu’aux environs du Ier siècle de notre ère, musée de Guiry-en-Vexin.

L’objet est incomplet puisqu’il manque la partie supérieure du visage, à partir du front, détruite par l’oxydation. Les recherches menées à l’occasion de l’étude de ce petit masque ont montré que cet objet peut être rapproché, par sa taille, sa technique et son style, avec d’autres masques en métal battu et repoussé, appartenant à la décoration des parois de plusieurs grands récipients de caractère rituel ou de celle de la caisse de char. Ces objets sont datables du Ier siècle av. J.-C. jusqu’aux environs du Ier siècle de notre ère.

LES YEUX EN AMANDE

La caractéristique principale de ces objets est le mode de figuration des yeux. Un ovale allongé en pointe, percé d’un trou rond à l’emplacement de la prunelle.

Détail du grand masque de Blicquy

Détail du grand masque de Blicquy. (Cliché G. Naessens, HALMA-IPEL).

Sur le chaudron de Gundestrup, les trous ronds de certains yeux portent encore des pastilles de verre de couleur rouge ou bleue, fixées semble-t-il avec de la résine.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Chaudron de Gundestrup. Visage d’un dieu.

Chaudron de Gundestrup. Visage d’un dieu. Hauteur 10 cm, largeur du visage 8 cm. © Copenhague, Nationalmuseet.

Chaudron de Gundestrup. Visage d’une déesse.

Chaudron de Gundestrup. Visage d’une déesse. © Copenhague, Nationalmuseet.

Une autre pièce comparable est un petit masque féminin, en plusieurs fragments, dont la largeur du visage est de 9 cm, découvert à Sophienborg, près de Hillerod, à 30 km au nord-est de Copenhague, Danemark. Le masque a été trouvé avec des fragments d’un chaudron et des têtes de taureau en fonte de bronze.

Masque féminin de Sophienborg,

Masque féminin de Sophienborg, Nationalmuseet, Copenhague, Danemark.

Les yeux du masque sont obliques, figurés par un tracé ovale allongé en pointe avec un trou rond à l’emplacement des prunelles. Un autre fragment de chaudron retrouvé au Danemark à Rynkeby est orné de têtes de taureau et d’une tête humaine avec les yeux caractéristiques des objets déjà présentés. Les pièces de Sophienborg et de Rynkeby sont considérées comme d’origine gauloises et datées du Ier siècle av. J.-C.

Chaudron de Rynkeby

Chaudron de Rynkeby, d’un diamètre initial de 70 cm. Tête humaine avec un énorme torque autour du cou. (Source pinterest)

Changement de pays, des fragments de décoration appartenant à un seau en bois, avec cerclage en fer, ont été découvert à Marlborough dans le Wiltshire (Angleterre). La largeur de la tête est de 9 cm et les yeux au contour ovale, allongé en pointe, présentent eux aussi un trou rond à l’emplacement de la pupille-iris.

Masque sur seau de Marlborough.

Masque sur seau de Marlborough. Fragments d’éléments de décoration en tôle de bronze appartenant à un seau à douves en bois avec cerclages de fer. Largeur du visage env. 9 cm. Origine gauloise. Marlborough, Wiltshire (Angleterre), 1807. Devizes Museum.

Il semble probable que les yeux de ces différentes têtes découvertes en France, au Danemark ou en Angleterre portaient des pastilles de verre colorées pour figurer les pupilles comme sur le chaudron de Gundestrup.

Et si le Maître II n’était pas un Thrace, mais artisan taulier de la cité des Bellovaques ou des Véliocasses (Gaule belgique). Réfugié en Grande-Bretagne après la chute de la Gaule et qui a tout simplement suivi les indications des druides pour représenter certaines constellations. Ces constellations, n’entrant pas dans la grille de lecture que l’on se fait habituellement des connaissances druidiques, ont fait de lui un homme venu des confins de l’Europe orientale.

LE VASE AUX DIEUX

Une autre piste qui nous mène dans le nord de la Gaule sont les récipients dit à bustes[38], produit entre le premier et le troisième siècle de notre ère. Ces vases forment un petit groupe de récipients en céramique, dont certains n’ont survécu que de manière fragmentaire. Le plus célèbre d’entre eux est sans conteste le vase à sept bustes de Bavay, trouvé sur le territoire des Nerviens, peuple de la Gaule belgique. Comme sur le chaudron de Gundestrup, des bustes de différentes divinités sont représentés sur le pourtour de l’objet. Notamment l’énigmatique dieu tricéphale avec trois têtes barbues. Cette divinité se retrouve sur le chaudron de Gundestrup sous une forme un peu différente. Nous y reviendrons.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 9 Vase de Bavay,

Vase de Bavay, Hauteur 24.5 cm, époque gallo-romaine (entre le 1er et le 3e siècle), Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

Des anneaux sont visibles entre les bustes des divinités. Certains spécialistes pensent que ce sont des représentations rudimentaires de rivets servant à assembler des plaques métalliques entre elles. D’après cette théorie, ces bustes de divinités disposées autour du récipient et ces rangées de faux rivets semblent indiquer que ces vases en céramique peuvent être considérés comme des reproductions en terre cuite des chaudrons métalliques plus anciens en tout point semblables à celui de Gundestrup.

ORIGINE DU CHAUDRON

Le chaudron de Gundestrup semble d’inspiration et de fabrication celtique. De nombreux motifs viennent corroborer cette hypothèse. Par exemple l’armement (casque, boucliers, épées), les torques, les instruments de musique (carnyx). Les dieux (Taranis le dieu à la roue et Cernunnos le dieu aux bois de cerf) ou le serpent à tête de bélier que l’on retrouve surtout en Gaule. Les masques en tôle de bronze, qui ressemblent aux portraits des dieux sur les plaques extérieures du chaudron, sont une spécialité des artisans du nord de la Gaule. La technique de fabrication du chaudron de Gundestrup semble inspirée des chaudrons bimétalliques du nord de la Gaule (Gaule Belgique). Ces chaudrons sont exportés vers les pays germaniques : Allemagne du nord, la Scandinavie du sud et le nord de la Pologne. Leur répartition semble indiquer une diffusion par voie maritime et sont considérés comme des biens précieux. Tandis que ces chaudrons bimétalliques manquent totalement dans le sud-est de l’Europe (Carpathes, bassin danubien, Balkans), pourtant lieu de fabrication supposé du chaudron de Gundestrup.

CONCLUSION :

Le chaudron de Gundestrup a été construit dans l’aire d’influence des Vénètes par des artisans du nord de la Gaule réfugiés comme eux en Grande-Bretagne[39]. Il a été transporté par les mêmes Vénètes au Danemark en tant que cadeau diplomatique pour un prince cimbre. Ce chaudron a ensuite été utilisé par les élites cimbres celtisées comme objet du culte lors de cérémonies religieuses pendant un certain temps. Avant d’être déposé dans une tourbière en offrande aux dieux.

©JPS2021

[SAISON 1 ÉPISODE 10]

[ACCUEIL]

Bibliographie :

En ce qui concerne le chaudron de Gundestrup :

Frank Falkenstein Anmerkungen zur Herkunftsfrage des Gundestrupkessels. In Praehistorische Zeitschrift 79. Band, Heft 1, Herausgegeben von François Bertemes . Bernhard Hänsel Karl Peschel. Karl-Heinz Willroth, Walter de Gruyter. Berlin. New York, 2004. Excellente étude sur le chaudron de Gundestrup même si je ne partage pas l’avis de l’auteur sur l’origine orientale du maître II. Disponible sur www.academia.edu

Francis Lornet, Historiographie du chaudron de Gundestrup, Mémoire de maîtrise en archéologie, Université de Bourgogne 1998-2000. Disponible sur www.lornet-design.net

En ce qui concerne les masques de tôle en bronze :

François Braemer, Sculptures en métal battu et repoussé de la Gaule romaine et des régions limitrophes (Deuxième partie). In : Revue Archéologique Nouvelle Série, Fasc. 1 (1969), pp. 81-102 (22 pages), disponible sur www.jstor.org

Hélène Chew, Le masque de L’Etoile (Somme), une nouvelle sculpture gallo-romaine en métal battu au Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.  In: Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1995, 1997. pp. 361-377. Disponible sur www.persee.fr

Raymond Lantier, Masques celtiques en métal. In: Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 37, 1940. pp. 104-119, disponible sur www.persee.fr

Germaine Leman-Delerive, Découvertes récentes de masques gallo-romains en bronze dans le Nord de la Gaule, IN/ Revue du Nord 2007/5 (N° 373), pages 117 à 129, disponible sur www.cairn.info

Pierre-Henri Mitard, La tête en tôle de bronze de Genainville (Val d’Oise). In: Gallia, tome 40, fascicule 1, 1982. pp. 1-33, disponible sur www.persee.fr

Pierre-Henri Mitard. Un petit masque en tôle de bronze découvert à Genainville (Val-d’Oise). Gallia – Fouilles et monuments archéologiques en France métropolitaine, Éditions du CNRS, 1982, 40 (2), pp.287-291, disponible sur www.persee.fr

Image mise en avant :

Statère Vénète

Statère vénète, Armorique. (Source : www.numisbids.com).

[1] Le lion et l’aigle sont tous deux des symboles solaires. L’or dont le griffon est le gardien également.

[2] Il ne faut pas croire que les Celtes ignorait l’existence des éléphants, les éléphants de guerre d’Hannibal ont traversé le sud de la Gaule en 218 av. J.-C. avant d’entamer la traversée des Alpes. Des mercenaires celtes ont été largement recrutés par Hannibal, pour servir d’armée auxiliaire. Donc tous ces hommes ont vu des éléphants. D’ailleurs les celtes sont présents sur tous les champs de bataille autour de la Méditerranée. En 273 av. J.-C. Antiochios Ier inflige une écrasante défaite aux Galates grâce à ces seize éléphants qui sème la panique parmi les Celtes.  Une monnaie, appelée denier à l’éléphant, de César datée de 49 av. J.-C. comporte comme motif central l’image d’un éléphant. Dion Cassius (Histoire. LX.21.2) signale des éléphants parmi les troupes romaines qui partent à la conquête de la grande -Bretagne en 43 ap. J.-C. sous l’empereur Claude.  

[3] Je m’appuie sur l’article publié par Frank Falkenstein Anmerkungen zur Herkunftsfrage des Gundestrupkessels. In Praehistorische Zeitschrift 79. Band, Heft 1, Herausgegeben von François Bertemes . Bernhard Hänsel Karl Peschel. Karl-Heinz Willroth, Walter de Gruyter. Berlin. New York, 2004.

[4] Ces deux maîtres symboliques peuvent aussi représenter deux écoles stylistiques différentes et impliquer un ou plusieurs artisans s’inspirant de cette école. Le plus probable reste que ce soit deux personnes voire trois tout au plus qui ont conçu le chaudron. La plaque C 6569 (voir le graphique) étant un peu différente des autres peut impliquer l’intervention d’un troisième artisan. Les bras par exemple sont plus épais que sur les deux autres attribuées au Maître I.

[5] Les carnyx sont des instruments de musiques constitués d’une trompe verticale pouvant mesurer jusqu’à 3 m, en tôle, en bronze, ou en laiton, et d’un pavillon perpendiculaire sous forme de hure de sanglier stylisé à gueule ouverte, il existe des variantes en forme de tête de dragon, de cheval ou de serpent.

[6] Durant l’Antiquité et le Moyen Age, le dauphin, habitant le milieu aquatique est d’ailleurs considéré comme un poisson et non comme un mammifère.

[7] Le plus connu des delphinidés est le grand dauphin (Tursiops truncatus) qui mesure généralement de 2 à 4 mètres de longueur, pour un poids : de 150 à 400 kilogrammes pour les plus grands exemplaires.

[8] Les images issues des constellations qui forment ce répertoire commun sont relativement fixes avec quelques exceptions notables comme par exemple le Scorpion qui n’existe pas dans le nord de l’Europe. Les druides l’on remplacé par un cerf qui est un des quatre points cardinaux et qui symbolise à la fois l’Ouest, le soleil couchant et l’Automne. Ou encore le Verseau qui est un porc aquatique.

[9] Le Lion, le Taureau et le Scorpion existaient déjà en Mésopotamie vers 4 000 av. J.-C.

[10] C’est un échec d’un point de vue militaire, mais ces deux expéditions permettent d’inclure le sud de l’île dans la sphère d’influence économique de Rome, jetant ainsi les bases de la future conquête.

[11] Ce sont des raisons internes qui vont empêcher les Romains de poursuivre leur effort en Grande-Bretagne. Ces raisons internes sont le passage de la République romaine à l’Empire romain ponctué par de nombreuses guerres civiles et extérieures qui ont des incidences considérables sur l’économie et la société romaine. Lorsque les empereurs auront enfin le pouvoir bien en main ils pourront reprendre la conquête de territoires extérieurs.

[12] (Strabon, VII, 2. 1).

[13] Aquarius un porteur d’eau, Cancer un crabe, Capricornus une chèvre avec une queue de poisson, Cetus un dragon aquatique, Delphinus un dauphin, Pisces deux poissons.

[14] Appelés Vénètes Veneti par les Romains et Énètes Enetoi par les Grecs.

[15] Iliade 2, 851. Agamemnon est un héros grec et roi de Mycènes. Il assure le commandement de l’armée achéenne durant la guerre de Troie.

[16] Hérodote I, 196 et V, 9. L’Illyrie est située sur les côtes de la rive orientale de l’Adriatique et correspond à peu près à ce qui est actuellement la Slovénie, le sud de la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie et le Kosovo.

[17] Strabon XII, 3,8.

[18] Strabon, V, 4, 1. Plutôt que d’être des colonies des uns ou des autres, une autre hypothèse semble plus plausible : une origine commune. Les Vénètes partis de leur patrie orientale dans différentes directions ont essaimé vers l’ouest, longeant les rivages de la Méditerranée ou remontant les cours d’eau (le Danube par exemple), passant de l’un à l’autre, ils se sont retrouvés sur les côtes de l’Atlantique et de la Baltique en suivant les voies maritimes et fluviales millénaires de l’ambre et de l’étain. En tout cas le commerce de l’ambre reste le dénominateur commun aux différentes populations vénètes disséminées en Europe.

[19] Xénophon, Anabase, v. 6, 8.

[20] Diodore de Sicile IV, 56, 4.

[21] Mariée à Ménélas, roi de Sparte, avant d’être enlevée par Pâris, prince troyen, cet enlèvement déclencha la guerre de Troie qui opposa Grecs et Troyens.

[22] Épouse d’Agamemnon et la sœur d’Hélène.

[23] Les Dioscures grecs sont souvent représentés à cheval et ils ont épousé les filles de Leukippos « cheval blanc », or les Vénètes de l’Adriatique sacrifient un cheval blanc à Diomède qui ne semble être qu’un avatar de l’un des Dioscures.

[24] C’est aux Dioscures que l’on attribuait le phénomène connu sous le nom de feu Saint-Elme. Le feu de Saint-Elme est un phénomène physique, se produisant dans certaines conditions météorologiques, qui se manifeste par des lueurs apparaissant aux extrémités des mâts des navires et sur les ailes des avions.

[25] Certains ont le don de parole comme Xanthos le cheval d’Achille qui annonce la mort prochaine du héros. Xanthos et Balios les deux chevaux qui tirent le char d’Achille sont souvent représentés en compagnie des Dioscures. Les hommes-animaux, maîtres d’initiation, sont donc très nombreux dans la mythologie grecque plus particulièrement des hommes-chevaux. Le plus célèbre des éducateurs de la Grèce est un homme-cheval, le Centaure Chiron qui, dans sa grotte du Mont Pélion, en Magnésie éleva les plus illustres héros et même des divinités : Achille, Actéon, Apollon, Aristée, Asclépios, Dionysos, Héraclès, Patrocle, Tirésias, les Dioscures Castor et Pollux, Méléagre, Nestor, Télamon, Thésée, Ajax, Diomède, Ulysse.

[26] Ce cheval de la mer est-il représenté sur la monnaie sous la forme d’un hippocampe, un cheval avec une queue de poisson ?

[27] Ou encore Manannan Mac Lir, Manannan « fils d’océan » dieu irlandais, souverain de l’Autre Monde. Ce n’est pas un dieu marin, mais l’Autre Monde est localisé au-delà de l’océan. C’est pourquoi Manannan effectue la plupart de ses déplacements par la mer en conduisant son char sur les flots.

[28] On pourrait également dire que le conducteur de char, un chef de guerre, vole de victoire en victoire en piétinant ses ennemis. Cependant les éléménts fantastiques, le rameau de gui, le cheval à tête humaine e tle personnage ailé parlent en faveur d’un sens plus mythologique.

[29] Homère, Iliade (III, 237) et Odyssée XI, 300.

[30] Le nom « gymnopédies » est composé à partir de γυμνός / gumnós, « nu, sans vêtement, sans armes », et de παίζω / paízô, « danser » ce signifie « danse sans armes ».

[31] Certaines monnaies gauloises notamment des Trévires et des Bellovaques reproduisent de façon très abstraite l’éléphant des monnaies de César.

[32] Hormis les éléphants affublés de sabots comme un taureau.  Faute pardonnable puisque lorsque le roi Pyrrhus venu au secours de Tarente a débarqué en Italie en 280 av. J.-C. avec ses phalanges de Macédoniens et ses éléphants de guerre. Ces animaux impressionnants ont été un choc pour les soldats romains qui, faute de mieux les ont assimilés à de gros « bœufs » et les ont ainsi appelés « bœufs de Lucanie », du nom de la région d’Italie où s’est déroulée la première rencontre.

[33] La toreutique est l’art de travailler le métal par le martelage de métaux (or, argent, tôle de bronze) ou par la gravure, allant de la simple courbure du métal à l’inscription de motifs détaillés gravés ou en relief dans le métal choisi.

[34] Le métal est un bronze, composé de 90 % de cuivre, 9,2 % d’étain, 0,7 % de plomb et 0,1 % de soufre.

[35] Techniquement le groupe n’est pas homogène puisque certaines pièces sont obtenues à la fonte, d’autres sont mixtes martelage fonte.

[36] Les Bellovaques (en latin : Bellovaci) sont un des peuples gaulois de la Gaule belgique.

[37] Les Véliocasses ( en latin Velliocassi ) sont un peuple gaulois ou belge dont le territoire s’étendait sur les deux rives du cours inférieur de la Seine, fleuve que Pline l’Ancien considère comme étant la limite entre la Belgique, au nord, et la Celtique, au sud1. De ce fait, les sources les décrivent soit comme des Belges, soit comme des Armoricains

[38] Appelés également vases planétaires ou des sept jours de la semaine. Pourtant certains de ces vases ne comportent que trois, quatre ou six effigies.

[39] Une partie des peuples belges entament une migration vers les îles Britanniques dès les années 200 av. J.-C. et s’y installent durablement. Lorsque le chef Commios, doit fuir les Romains, il se réfugie en Bretagne chez les Belges de l’île de Bretagne. Les Atrébates (en latin Atrebates) sont un peuple celte de Gaule belgique, dont une partie s’est installée dans l’île de Bretagne. Commios est tout d’abord roi des Atrébates en Gaule belgique, puis roi des Atrébates en Bretagne au Ier siècle av. J.-C.