LA TOMBE DE L’ARCHER D’AMESBURY

LES DRUIDES SAISON 1 ANNEXE 21

C’est la tombe d’un personnage important qui est présent à Stonehenge lors de deux bouleversements astronomiques majeurs. Est-il un des premiers représentants d’une nouvelle religion ?

LES VIVANTS ET LES MORTS

L’archer d’Amesbury est un homme ayant vécu à la fin du Néolithique (vers 2300 av. J.-C.), dont la tombe a été découverte en 2002 près d’Amesbury à cinq kilomètres de Stonehenge, dans le Wiltshire, en Angleterre. Il est surnommé « l’Archer » en raison des nombreuses pointes de flèches enterrées avec lui. Son squelette est exposé au Musée de Salisbury.

L’ARCHER D’AMESBURY. Squelette de l’archer d’Amesbury © The Salisbury Museum

Squelette de l’archer d’Amesbury © The Salisbury Museum

Mesurant 1,75 m, l’Archer est un homme âgé de 35 à 45 ans. Le corps est couché sur le côté, les jambes pliés, le visage tourné vers le nord reposant sur sa main gauche. L’individu est d’une stature robuste, mais il a un abcès à la mâchoire et a subi un accident quelques années avant sa mort qui lui avait arraché la rotule gauche. Pendant une grande partie de sa vie il a été handicapé à cause de cette blessure traumatique à son genou gauche. Des tests effectués sur son émail dentaire montrent que l’homme était originaire des régions alpines, probablement de Suisse, d’Autriche ou du sud de l’Allemagne.

LA TOMBE

L’archer d’Amesbury a été enterré dans un petit caisson en bois enfoui sous terre et surmonté d’un tumulus assez peu élevé. La tombe contient plus de 100 objets, ce qui constitue la plus riche collection d’objets jamais trouvée pour cette période.

L’ARCHER D’AMESBURY. Artefacts retrouvés dans la tombe de l’archer d’Amesbury

Artefacts retrouvés dans la tombe de l’archer d’Amesbury © The Salisbury Museum, D’après une illustration de S.E. James.

On peut citer notamment des ornements pour les cheveux en or. Ce sont les plus anciens objets en or trouvés en Angleterre.

L’ARCHER D’AMESBURY. Ornements pour les cheveux en or.

Ornements pour les cheveux en or. L’or date de 2 470 av. J.-C. et est le plus ancien trouvé en Grande-Bretagne. © The Salisbury Museum

Trois couteaux en cuivre dont l’origine, Espagne et France, suggère un commerce très actif à travers l’Europe.

L’ARCHER D’AMESBURY. Trois couteaux en cuivre de la tombe de l’archer d’Amesbury © The Salisbury Museum

Trois couteaux en cuivre de la tombe de l’archer d’Amesbury © The Salisbury Museum

Une épingle en os.

Épingle en os servant à maintenir un vêtement

Épingle en os servant à maintenir un vêtement. © The Salisbury Museum

Deux brassards d’archer en grès, éléments importants de l’équipement de l’archer. Utilisés comme protections pour l’avant-bras.

Les deux brassards d’archer en grès et leur mise en situation.

Les deux brassards d’archer en grès et leur mise en situation. © The Salisbury Museum

Des pointes de flèche en silex,

Pointes de flèches de la tombe d’Amesbury. © The Salisbury Museum

Pointes de flèches de la tombe d’Amesbury. © The Salisbury Museum

Des vases campaniformes.

Trois de cinq vases trouvés dans la tombe de l’archer d’Amesbury.

Trois de cinq vases trouvés dans la tombe de l’archer d’Amesbury. L’archer a été enterré avec de la poterie fabriquée localement, peut-être spécialement pour ses funérailles © The Salisbury Museum

Des défenses de sanglier.

Défenses de sanglier. On peut penser que ce sont des trophées de chasse. © The Salisbury Museum

Défenses de sanglier. On peut penser que ce sont des trophées de chasse. © The Salisbury Museum

LE ROI DE STONEHENGE

Certains des objets trouvés dans la tombe peuvent donner une indication de la façon dont l’homme était habillé ou paré lorsqu’il a été enterré. Sur son avant-bras, il y avait un protège-poignet en ardoise dont le rôle est de prévenir les frottements de la corde de l’arc sur la peau. À côté du protège-poignet se trouvait une épingle en os qui pouvait maintenir un vêtement tel un manteau. Ainsi qu’un couteau en cuivre recouvert en partie par son torse qui peut avoir été porté dans une gaine sur la poitrine.

Compte tenu du mobilier funéraire trouvé, l’homme était manifestement un personnage important. C’est pourquoi il a été surnommé le « roi de Stonehenge » par la presse britannique.  L’archer d’Amesbury a vécu durant la période correspondant à l’édification du cercle central du monument mégalithique de Stonehenge puisque c’est entre 2.400 et 2.200 ans avant Jésus-Christ que le fameux double fer à cheval de 80 Blue stones a été érigé. Voir ANNEXE 20 Stonehenge à travers les âges

Faisons son portrait-robot. C’est un étranger, un voyageur venu de loin, originaire de l’arc alpin. Les brassards et les pointes de flèches montrent que c’est un archer. Les défenses de sanglier indiquent qu’il est sans doute un chasseur. Il est présent à une époque où de grands travaux de construction sont en cours à Stonehenge. Il est un représentant de la culture campaniforme, sa sépulture l’atteste. C’est un homme de la fin de l’âge de pierre, pourtant il porte sur lui des couteaux en cuivre, mais surtout dans sa tombe on a retrouvé une pierre noire, dite pierre enclume, il s’agit d’un outil de métallurgiste.

Pierre enclume © The Salisbury Museum

Pierre enclume © The Salisbury Museum

On peut penser qu’il doit son statut social élevé au fait qu’il connait les secrets de la métallurgie du cuivre et de l’or qui est inconnue auparavant en Grande-Bretagne. Pour les autochtones, c’est un maître du feu qui sait transformer le minerai en métal. Mais d’abord c’est un prospecteur il connait le pouvoir des roches et sait comment en extraire les différents éléments. Ce savoir lui donne un avantage, il en garde le secret pour lui et sa descendance. Dans les mythes le métallurge[1] de l’âge du cuivre et du bronze et le forgeron de l’âge du fer est toujours un personnage inquiétant, un sorcier, un magicien. Au fond des ténèbres de sa forge il manipule le feu et la matière comme un alchimiste. Dans la mythologie, il forge les armes magiques des héros et des dieux. Les forgerons forment des confréries secrètes avec des rites d’initiation. Et puis détail qui n’est peut-être pas sans importance notre homme boîte comme Héphaïstos le dieu grec du feu, de la forge, de la métallurgie et des volcans.

LA CHASSE AU SANGLIER

Son grave traumatisme au genou gauche a-t-il été occasionné lors d’une chasse au sanglier ? Animal extrêmement dangereux lorsqu’il est blessé[2]. Le sanglier a chargé l’homme en donnant de grands coups de boutoir provoquant de graves blessures à la jambe gauche et arrachant violemment la rotule de l’archer. Celui-ci a peut-être gardé les défenses de cet animal bien précis comme trophée de chasse et souvenir douloureux jusque dans sa tombe.

Les défenses d’un sanglier (Sus scrofa) peuvent devenir des armes meurtrières

Les défenses d’un sanglier (Sus scrofa) peuvent devenir des armes meurtrières (Source Séjour chasse sur facebook).

Durant l’antiquité le sanglier est admiré pour sa force, sa sauvagerie, son courage, sa dangerosité. C’est pourquoi de nombreuses familles ou peuples ont choisi l’animal pour emblème. Sa chasse est un des sports favoris de la société aristocratique. La chasse au sanglier est très dangereuse et donne naissance à des récits fabuleux et des exploits légendaires mettant en scène des animaux gigantesques.

Détail d’une poterie, oinochoe à figures noires, attribuée au peintre Lysippide. Attique (Grèce)

Détail d’une poterie, oinochoe à figures noires, attribuée au peintre Lysippide. Attique (Grèce), 520 av. J.-C. -500 av. J.-C. amenant le sanglier d’Érymanthe à Athènes : Héraclès avance à droite avec la peau de lion sur un court chiton brodé, une épée, un arc et un carquois avec un couvercle ouvert en forme d’aile; il saisit le sanglier par sa patte arrière droite alors qu’il tente de s’échapper. Sur la droite se trouve la déesse Athèna. © The British Museum.

Enseigne-sanglier, époque gauloise, Trésor de Neuvy-en-Sullias

Enseigne-sanglier, époque gauloise, Trésor de Neuvy-en-Sullias (France), Musée d’histoire et d’archéologie, Orléans (cliché A. Maillier, Bibracte).

UN PÈLERINAGE À STONEHENGE

Selon les archéologues Timothy Darvill et Geoffrey Wainwright, les deux cercles de pierres bleues transportées depuis le Pembrokeshire, au Pays de Galles sont à cette époque l’élément central du site et auraient pu avoir des vertus curatives. Les malades et les blessés ont ainsi pu se rendre sur le site et emporter avec eux quelques morceaux de ces pierres bleues dans l’espoir de guérir. Les squelettes découverts autour du monument portent des traces de blessures ou des signes de maladies graves. Ce qui peut indiquer que les gens sont venus de toute l’Europe à Stonehenge dans l’espoir d’obtenir une guérison. La découverte de nombreux ossements dans les environs du site présentant des anomalies et des traumatismes semble aller dans le sens de cette hypothèse. L’archer a-t-il traversé l’Europe dans l’espoir de guérir sa blessure au genou (l’homme souffrait également d’une infection dentaire). Un sanctuaire sacré requiert un personnel spécialisé des prêtres pour célébrer le culte des dieux et dans notre cas des guérisseurs pour soigner les malades et les blessés et connaissant le secret des plantes médicinales et des pierres aux vertus curatives.

UNE NOUVELLE RELIGION

Il y a cependant un aspect qu’il ne faut pas négliger. Cet homme est présent à Stonehenge à un moment doublement important de l’histoire religieuse des temps anciens car à cette époque la constellation du Dragon perd sa primauté dans le ciel préhistorique. L’étoile polaire le quitte peu à peu et le Dragon céleste qui tournait pendant mille ans au-dessus du temple circulaire de Stonehenge n’est plus le centre du ciel étoilé. Voir Annexe 9 L’étoile polaire

Peut-on y voir un changement de religion ?

L’archer d’Amesbury vénère-t-il un dieu archer qui comme le dieu Apollon[3] des Grecs s’empare du sanctuaire du dragon de Delphes pour y établir son propre culte ?

Apollon et le Python à Delphes. Stater d’argent de Crotone

Apollon et le Python à Delphes. Stater d’argent de Crotone, vers 420 av. J.-C.

Les porteurs de la culture campaniforme sont les premiers indo-européens en Europe de l’Ouest. L’Inde védique vénère elle aussi un tueur de dragon. C’est Indra qui tue le dragon Vritra grâce à son arme Vajra (la foudre). Mais Indra est aussi un archer puisqu’il possède un arc magique Shakradhanus, l’arc-en-ciel. Mais surtout Indra tient une place centrale dans le sacrifice du Soma. Le Soma est un breuvage rituel qui donner l’immortalité aux dieux du panthéon hindou. Une des interprétations les plus intéressantes veut que les vases campaniformes constituent un service à boire pour le mort. Contenant une boisson enivrante, comme l’hydromel, la boisson des dieux.

Le second événement dans le ciel est le changement d’ère astrologique puisque à cette époque lors de l’équinoxe du printemps le soleil ne se lève plus dans la constellation du Taureau comme durant les 2160 ans qui viennent de s’écouler, mais dans la constellation du Bélier. Sur le chaudron de Gundestrup ce changement est symbolisé par le sacrifice du taureau céleste en 2260 av. J.-C.

Sacrifice du taureau céleste. Chaudron de Gundestrup

Sacrifice du taureau céleste. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., plaque du fond, Copenhague, Nationalmuseet

Cette scène de sacrifice représente le début du calendrier druidique. Voir Saison 1 Épisode 5 le chaudron de Gundestrup une carte du ciel ?

UNE DEUXIÈME TOMBE

Une deuxième sépulture, datant de la même période que celle de l’archer, a été localisée près de sa tombe. Les archéologues ont retrouvé le squelette d’un homme âgé d’environ 20-25 ans, dont l’analyse osseuse a permis d’établir que l’Archer et cet autre homme avaient des liens de parenté et qu’ils étaient probablement père et fils.

Tombe du deuxième homme © The Salisbury Museum.

Tombe du deuxième homme © The Salisbury Museum.

Les deux hommes partageaient une anomalie héréditaire rare du pied, la coalition calcanéo-naviculaire (fusion anormale entre deux os tarsiens) cause fréquente de douleur ou raideur du pied ou de la cheville[4]. Ce dernier a été enterré avec une paire d’ornements en or pour les cheveux du même style que ceux de l’archer, mais pour une raison inconnue, ils avaient été laissés à l’intérieur de la mâchoire de l’homme[5]. L’analyse des isotopes de l’oxygène a révélé que cet homme avait grandi dans la région de la plaine de Salisbury, mais qu’il avait peut-être passé la fin de son adolescence dans les Midlands ou dans le nord-est de l’Écosse. Ce qui laisse penser que ce sont de grands voyageurs.

L’archer d’Amesbury est un personnage important pour son époque, la richesse de sa tombe en témoigne. Est-il le chef d’une communauté enterré avec les honneurs ? Ou un adepte, proximité de Stonehenge oblige, d’une religion nouvelle ? Un pèlerin handicapé en quête de guérison ? un forgeron itinérant détenteur d’une nouvelle technologie ? Est-il tout cela à la fois ?

©JPS2022

ACCUEIL

Image mise en avant :

Enseigne-sanglier, époque gauloise, Trésor de Neuvy-en-Sullias (France), Musée d’histoire et d’archéologie, Orléans (cliché A. Maillier, Bibracte).

[1] Métallurge (forgeron, fondeur). Le terme forgeron est inapproprié dans notre cas puisque la métallurgie du fer n’existe pas encore à la fin du Néolithique.

[2] Le sanglier est d’une force et d’une résistance phénoménale et très dangereux lorsqu’il est blessé. Une nuit lorsque j’avais huit ans mon père à percuter un gros sanglier avec la voiture. La collision a provoqué d’énormes dégâts. Toute la partie avant du véhicule a dû être changé y compris le moteur. Je me suis précipité hors de la voiture pour observer l’animal qui gisait blessé dans le fossé. Il avait une longue déchirure sur l’abdomen et ses intestins pendaient du ventre. Ma mère m’a attrapé au col au bon moment pour me mettre en sécurité dans la voiture parce que l’animal s’est relevé en chargeant puis il a disparu dans la nuit. Le corps de l’animal a été retrouvé le lendemain à deux kilomètres du lieu de l’accident.

[3] Héphaïstos et Apollon sont des dieux grecs, mais le dieu archer et le dieu forgeron remontent à un tronc commun indo-européen et portaient d’autres noms au temps de l’archer d’Amesbury. L’équivalent irlandais d’Héphaïstos est Goibniu, il est responsable de la fabrication des armes magiques pour les dieux, les héros et les druides. Lors de la « Deuxième bataille de Mag Tured » il est blessé par la lance d’un ennemi, mais un bain dans la Fontaine de Santé le guérit. L’archer d’Amesbury est-il venu chercher la guérison à Stonehenge. Les archéologues pensent que l’on attribuait des vertus thérapeutiques aux pierres bleues de Stonehenge. Ce qui faisait de Stonehenge une sorte de Lourdes préhistorique.

[4] Même sans son genou endommagé, l’archer d’Amesbury devait claudiquer et il semble qu’il a transmis cette infirmité à son fils. On peut même se demander si cette infirmité au pied ne l’a pas destiné au métier de la métallurgie. Ses pairs y voyant une prédestination. Les archers d’Amesbury, forgerons de père en fils à cause d’une malformation du pied ?

[5] Un rite funéraire ? Dans la Grèce antique, la tradition voulait qu’on déposât dans la bouche du défunt une pièce pour pouvoir payer Charon, nocher des Enfers.  Sur sa barque, ce dernier permettait ensuite aux âmes des morts de traverser le Styx, fleuve qui sépare le monde des vivants du monde des morts.