ORION LE GRAND CHASSEUR
LES DRUIDES SAISON 2 ÉPISODE 10
Déchiffrement, grâce à l’astronomie, d’une mystérieuse statue gauloise représentant un dieu tenant un lièvre dans ses mains.
LE DIEU AU LIÈVRE
Les dieux, dont on ne connaît pas l’identité, sont innombrables dans la statuaire celtique. Cependant, une statue retiendra particulièrement notre attention pour cet article. Il s’agit de la figure du dieu au lièvre.
Personnage portant un lièvre. À sa gauche, un chien assis regarde ce lapin. Statuette en pierre gallo-romaine, datée du Ier-II-e siècle apr. J.-C. retrouvée à Touget dans le Gers (Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye). Source : Jean-Jacques Hatt, Mythes et dieux de la Gaule, Tome II, p. 237. Disponible sur jeanjacqueshatt.free.fr
Le lièvre en gros plan. Détail de la statue de Touget. (Source : ejds forum arbre-celtique.com)
Voici la description que donne Émile Espérandieu dans son Recueil Général des Bas-Reliefs de la Gaule Romaine, Tome II :
Personnage debout, de face, imberbe, seulement vêtu d’un manteau, agrafé par devant, qui lui couvre le dos et les épaules ; il porte devant lui, des deux mains, un lapin dont il tient les pattes antérieures. À sa gauche, un chien assis regarde ce lapin. Le personnage, dieu ou chasseur, est armé d’un glaive court dont on n’aperçoit que la poignée, du côté gauche.
Lapin ou lièvre ? Comme pour le lièvre de Pâques qui est devenu au fil du temps lapin de Pâques. L’animal de l’ordre des lagomorphes représenté sur la statue ne peut pas être clairement identifié.
L’APPORT DE L’ASTRONOMIE
Encore une fois, l’astronomie permet d’apporter une réponse à aux énigmes posées par cette statue d’un dieu inconnu.
Parce que le ciel étoilé est formel, il s’agit d’un lièvre (Lepus).
Lièvre européen (Lepus europaeus). (Causse Méjean, Lozère – France). (Wikimedia Commons).
Et parce qu’il n’y a qu’un seul personnage dans le ciel étoilé qui est en compagnie d’un lièvre. C’est encore une fois Orion, le dieu oublié. La constellation du Lièvre (Lepus) est placé sur les cartes célestes au pieds d’Orion.
L’entourage proche d’Orion, En bas, à gauche, la constellation du Grand Chien (Canis Major). En haut, à droite, le Taureau (Taurus). Plus discrète, la constellation du Lièvre (Lepus) est directement sous la constellation d’Orion (Orion), D’après la carte céleste Sirius, Éditions Freemedia, Berne.
Sur les gravures anciennes, Orion est souvent représenté affrontant un taureau, plus rarement il est accompagné par son fidèle chien et encore plus rarement encore en compagnie d’un lièvre.
Orion et le lièvre (Lepus) à ses pieds dans l’Uranographia de Johannes Hevelius (1690). La vue est inversée pour correspondre à la vision à travers un télescope.
La légende dit qu’Orion, le Grand Chasseur poursuit le lièvre à travers le ciel étoilé à l’aide de ses deux chiens de chasse, le Grand Chien (Canis Major) et le Petit Chien (Canis Minor). D’après la statue gauloise, Orion a visiblement capturé l’animal et le tient dans ses mains.
LE GRAND CHASSEUR
Orion apparaît déjà sur le chaudron de Gundestrup en tant que chasseur.
Orion ayant capturé deux cerfs. Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., Argent doré, © Copenhague, Nationalmuseet.
L’image sur le chaudron de Gundestrup offre un parallèle remarquable avec l’avatar d’Orion, Héraklès qui lui aussi capture des cerfs. Lors du troisième des Travaux d’Héraklès, le héros doit capturer une des biches de Cérynie. Cet animal tacheté, rapide à la course, possédait des sabots d’airain et des cornes d’or comme un cerf. Cette biche était consacrée à Artémis, qui lorsqu’elle était enfant, avait aperçu cinq biches, plus grandes que des taureaux. Le soleil étincelait sur leurs cornes. La déesse se mit à courir, les poursuivit et en captura quatre et les attela à son char. Héraklès, ne voulant ni tuer ni blesser la cinquième biche, accomplit le Troisième de ses Travaux sans faire usage de la force. Il la poursuivit sans relâche pendant une année. Finalement, il banda son arc et, d’une flèche qui passa entre l’os et le tendon, sans que soit répandue une seule goutte de sang. C’est ainsi qu’il captura la fameuse biche de Cérynie.
Cet animal a une particularité exceptionnelle pour une biche, elle a des cornes d’or. Or, les biches n’ont pas de bois. Seuls les mâles des cervidés (cerfs, élans, rennes, etc.) sont dotés de bois. Les bois sont une caractéristique sexuelle secondaire qui leur permet de se battre pour les femelles pendant la saison de reproduction.
Contrairement au cerf, la biche, ne porte pas de bois.
D’après le mythe d’Héraklès, on peut avancer l’hypothèse que les « cerfs » représentés sur le chaudron de Gundestrup sont peut-être ces biches si spéciales.
Héraclès ayant capturé la biche de Cérynie, lui arrache un de ses bois en or en présence d’Athéna (à gauche) et l’Artémis (à droite). Amphore à figures noires, vers 540-530 av. J-C., provenant de Vulci (Italie). (Wikimedia Commons).
Un autre avatar d’Orion, le héros irlandais Cúchulainn capture également des animaux pour les atteler à son char. À l’âge de 7 ans, Cúchulainn tue et décapite trois ennemis et retourne à Emain Macha, résidence du roi d’Ulster. En cours de route, le héros capture deux cerfs et vingt-quatre cygnes qu’il attache à son char. C’est dans cet attelage fantastique qu’il se présente aux gens d’Emain Macha pour son triomphe.
LA RELIGION DES ÉTOILES
Se pose l’équation suivante :
D’un côté nous avons Orion qui est la constellation la plus importante de l’hémisphère nord mais dont la mythologie est quasi inexistante et de l’autre côté un personnage à la mythologie extrêmement riche mais dont la constellation est à peine visible.
L’explication vient encore une fois du ciel étoilé, dans lequel Orion est la pièce maîtresse d’un immense jeu d’échec[1]. Il ne se déplace pas lui-même, si ce n’est sous l’apparence d’Héraklès, pièce secondaire à travers laquelle Orion accomplit certaines épreuves qui lui sont imposées. Les Celtes ont semble-t-il gardé l’ensemble du corpus de la Religion des Étoiles, tandis que les Grecs n’en ont gardé que certains éléments isolés de leur contexte stellaire.
Le vieux sage égyptien qu’évoque Platon dans le Timée avait raison :
O Solon, Solon, vous autres Grecs vous serez toujours enfants ; il n’y a pas de vieillards parmi vous. — Et pourquoi cela ? répondit Solon. — Vous êtes tous, dit le prêtre, jeunes d’intelligence ; vous ne possédez aucune vieille tradition ni aucune science vénérable par son antiquité[2].
Il semble que contrairement aux Grecs, les druides possédaient une vieille tradition et une science vénérable par son antiquité. Ce savoir très ancien illustre à merveille le chaudron de Gundestrup.
CONCLUSION
Les druides ont retranscrit la Religion des Étoiles — que les grecs ont oubliée — sur le chaudron de Gundestrup. Ce qui rend son témoignage d’autant plus précieux.
©JPS2023
[ACCUEIL]
[1] Orion est une des constellations les plus reconnaissables du ciel étoilé, tandis qu’Héraklès est une constellation peu visible.
[2] Platon, Timée, 22b, Traduction Victor Cousin, Tome XII, Paris, 1839.