L’ORIGINE DU DRUIDISME

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 15

D’après les druides, le druidisme est originaire des Îles du Nord du Monde. Qu’en est-il au juste de cette mystérieuse localisation ? La présence du chaudron de Gundestrup au Danemark apporte un début de réponse.

LES DRUIDES ET LES CIMBRES

Si la théorie Campaniforme = Celtes est exacte, elle peut également expliquer l’ethnogenèse des Cimbres. Car si l’on regarde attentivement la carte de l’expansion de la culture campaniforme, on peut remarquer une concentration exceptionnelle du phénomène au nord du Danemark.

LE DRUIDISME ORIGINE.

Distribution du phénomène campaniforme en Europe avec une forte concentration au nord du Danemark. © Marc Vander Linden

Plus précisément au Himmerland danois dans le nord de la péninsule du Jutland. L’étymologie du terme Himmerland vient probablement du nom de la tribu des Cimbres puisque, dans la géographie de Ptolémée (2ème siècle après J.-C.), les Kimbroi (en grec Κίμβροι) sont situés dans la partie la plus septentrionale de la péninsule du Jutland, appelé Kimbrikē chersonēsos en grec (Κιμβρική Χερσόνησος)[1].

LE DRUIDISME ORIGINE

La répartition des colonies avec des céramiques campaniformes au Danemark et sa forte concentration dans le nord de la péninsule du Jutland (de Sarauw 2007b, fig. 18).

Or, le Himmerland danois est considéré comme la patrie des Cimbres. C’est également dans une tourbière du Himmerland que le chaudron de Gundestrup a été découvert. Nous avons proposé dans un article précédent que la celtisation des Cimbres remonte aux premiers contacts des habitants du Jutland avec les marchands celtes du nord de la Gaule et des îles britanniques venus chercher l’ambre de la Baltique à partir du Ve siècle av. J.-C. Voir Saison 1 Épisode 7 La route de l’ambre

Cependant l’équation Campaniforme = Celtes peut tout remettre en question et indiquer que la celticité des Cimbres est beaucoup plus ancienne. Que ces fameux Cimbres formaient un peuple autochtone du Jutland, celtisé par le phénomène campaniforme dès le début du IIe millénaire avant notre ère. Cette origine commune très lointaine a certainement favorisé les échanges avec les Celtes venu de Gaule et des Iles Britanniques.

LA LANGUE DES DIEUX

Diodore de Sicile dit clairement que les druides parlent la même langue que les dieux, ce qui peut être un indice en faveur d’une langue éteinte uniquement utilisée pour le culte.

Ces hommes connaissent la nature divine et parlent pour ainsi dire, la même langue que les dieux, ils pensent aussi que c’est seulement par eux que les bienfaits doivent être demandés aux dieux[2].

On peut avancer l’idée que les druides parlaient le langage des dieux en utilisant une langue celtique antique pour le culte qui n’était plus comprise par leurs contemporains, à l’instar des brahmanes de l’Inde qui pratiquent encore aujourd’hui le sanskrit[3] ou les prêtres chrétiens qui utilisaient le latin pour la messe avant Vatican II.

Les Celtes se sont retrouvés face à des individus parlant une langue celtique archaïque. La même que pratiquaient leurs propres ancêtres et qui était encore utilisée par les druides. Ce devait être extraordinaire pour un druide de retrouver si loin au nord du monde des locuteurs de cette langue ancestrale. Un isolat linguistique d’une langue celtique archaïsante au milieu de peuples qui allaient devenir des Germains[4].

Ce qui peut expliquer la fascination des Celtes en général et des druides en particulier pour les Cimbres et la présence du chaudron de Gundestrup au Jutland, loin du monde celtique. Ce qui fait des Cimbres, encore auréolés de leurs victoires face au Romains, les derniers gardiens du chaudron sacré des druides.

LA MYTHOLOGIE CELTIQUE

Il est quand même étrange que le chaudron de Gundestrup a été découvert sur la presqu’île du Jutland, au nord du monde connu. D’autant plus que les mythes celtes parlent d’une tribu qui a colonisé l’Irlande à partir des Îles du Nord du Monde. On peut penser que les druides à travers les Cimbres ont retrouvé au nord de la péninsule du Jutland la terre mythique de leurs ancêtres les Tuatha de Danann.

Les Tuatha Dé Danann venus des Îles du Nord du Monde sont considérés comme les inventeurs du druidisme puisque les textes mythologiques irlandais nous disent que :

Les Tuatha Dé Danann étaient dans les Îles du Nord du Monde, apprenant la science et la magie, le druidisme, la sagesse et l’art. Ils surpassèrent tous les sages des arts du paganisme.

Il y avait quatre villes dans lesquelles ils apprenaient la science, la connaissance et les arts diaboliques[5], à savoir Falias et Gorias, Murias et Findias.

C’est de Falias que fut apportée la pierre de Fal qui était à Tara. Elle criait sous chaque roi qui prenait l’Irlande.

C’est de Gorias que fut apportée la lance qu’avait Lug. Aucune bataille n’était gagnée contre elle ou contre celui qui l’avait en main.

C’est de Findias que fut apportée l’épée de Nuada. Personne ne lui échappait quand elle était tirée du fourreau de la Bodb et on ne lui résistait pas.

C’est de Murias que fut apporté le chaudron de Dagda. Aucune troupe ne le quittait insatisfaite.

Il y avait quatre druides dans ces quatre villes. Morfesae était à Falias. Esras était à Gorias. Uiscias était à Findias. Semias était à Murias. Ce sont les quatre poètes de qui les Tuatha Dé apprirent la science et la connaissance[6].

Les Tuatha Dé Danann (« tribus de la déesse Dana ») sont les dieux de le mythologie celtique irlandaise qui viennent des quatre îles du Nord du Monde : Falias, Gorias, Findias et Murias. De ces îles mythiques ils apportent quatre talismans magiques : la lance de Lug, l’épée de Nuada, la Pierre de Fal et le chaudron de Dagda. Des quatre druides primordiaux Morfesae, Esras. Uiscias et Semias, ils apprennent le druidisme. C’est d’une de ces îles fabuleuses (Murias[7]) que vient le chaudron de Dagda (*dago-devo-s, « dieu bon »), le dieu suprême, le père universel. Le chaudron celtique est un chaudron d’abondance, de connaissance et de résurrection, archétype du Graal. Voir ANNEXE 13 Les chaudrons celtiques.

Dana est une Déesse mère primordiale chez les Celtes, la mère des dieux. Nom que l’on retrouve sous différentes formes dans le monde celtique: Dana, Danu, Ana, Anu (Irlande) ou encore Dôn (Pays de Galles). En Bretagne  le lieu où s’élève aujourd’hui la basilique de Sainte-Anne d’Auray portait le nom de Ker-Anna.

Un autre indice en faveur d’une identification des Iles du Nord du Monde avec le Danemark et de ses nombreuses îles vient du nom même du pays et de ses habitants. Car il est certainement intéressant d’ajouter que selon le condensé en latin de la Skjöldungasaga d’ Arngrimur Jónsson de 1597 qui raconte l’histoire des rois légendaires du Danemark, nous retrouvons le nom de Dana :

Ríg (Rigus) était l’un des hommes les plus remarquables de son temps. Rig épousa Dana la fille d’un certain Danp (en vieux norrois Danpr), seigneur de Danpsted. Après avoir gagné le titre royal dans sa province, il laissa comme héritier Dan ou Danum, son fils né de Dana, ses sujets étaient appelés Danois.

Dan, fils de Dana, est le fondateur de la dynastie des rois légendaires dans la mythologie nordique qui donne son nom au peuple Danois et au Danemark.

LE COMMENCEMENT ET LA FIN

La découverte dans Îles du Nord du Monde, par les chercheurs d’ambre celtes, d’un peuple qui parle encore la langue des dieux représente pour les druides en quelque sorte un retour aux sources vers les origines du druidisme et en même temps un dernier sanctuaire pour leur savoir inscrit sur le chaudron d’argent. Le retour de leur chaudron sacré vers Murias, la patrie du fameux chaudron de Dagda. La boucle est bouclée. L’alpha et l’oméga. Avec le chaudron de Gundestrup délibérément enfoui dans une tourbière, les Iles du Nord du Monde sont à la fois le berceau et le tombeau du savoir des druides.

©JPS2022/2023

[SAISON 1 ÉPISODE 16]

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Image mise en avant:

Les casques de Veksø, Nationalmuseet, Danemark. (Wikimedia Commons). Datés de la fin de l’âge du bronze nordique (entre 800 et 500 av. J.-C.).

[1] Le c latin et le k grec attestent d’un stade antérieur du germanique dans lequel le décalage sonore germanique n’était pas encore achevé (*k > *χ > h). On a également supposé que la forme latine cimbr- vient du celtique *chimbr-, qui a substitué le ch au h germanique *himbr-.

[2] Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 31 in Jean-Louis Brunaux, Les Druides, Éditions du Seuil, Paris, 2006, p.250.

[3] Le sanskrit appartient à la famille des langues indo-européennes au même titre que le grec, le latin, l’allemand ou le français. C’est pourquoi certains mots sont formés sur des racines communes. Le sanskrit a profondément influencé les langues du nord de l’Inde (hindi, bengali etc.). Le sanskrit est notamment la langue des textes religieux hindous et bouddhistes ainsi que des textes littéraires ou scientifiques. La désignation métaphorique gīrvāṇabhāṣā « langue des dieux », marquent bien le caractère éminemment religieux du sanskrit.

[4] Les dialectes parlés sur la périphérie d’une aire linguistique sont souvent plus conservateurs que dans le centre de la zone d’influence qui innove beaucoup plus. Par exemple les mots en vieux-français qui sont restés en anglais comme des fossiles dans leur gangue de pierre alors qu’en France ces mots ont évolué, changeant parfois de sens quand ils n’ont pas été tout simplement remplacés par d’autres mots.

[5] N’oublions pas que ce sont des moines chrétiens qui ont recopiés ces textes et qu’ils y apportent un jugement de valeur. Tous ce qui n’est pas chrétien est l’œuvre du diable.

[6] Textes mythologiques irlandais, Traduction Christian-J. Guyonvarc’h, Volume I, Ogam-Celticum, Rennes, 1980, p.47.

[7] Le nom est apparenté au vieil-irlandais muir « mer », gaulois mori et latin mare.

Pour en savoir plus: Druide — Wikipédia (wikipedia.org)