LE DIEU MERCURE DES GAULOIS

LES DRUIDES SAISON 3 ÉPISODE 7

César évoque dans ses écrits un mystérieux dieu Mercure que vénèrent particulièrement les Gaulois.

LE MERCURE GAULOIS

S’il y a une quelconque ressemblance du dieu gaulois avec Mercure. Ce n’est pas du côté du dieu du commerce romain qu’il faut le chercher, ni du côté du dieu Hermès de la Grèce classique, mais de celui d’une très ancienne divinité issue de la préhistoire qui orne les carrefours sous la forme d’une colonne dressée qui guide et protège les voyageurs contre les mauvaises rencontres, non seulement des brigands, mais aussi des revenants et des mauvais esprits. Cette fonction protectrice des voyageurs correspond en partie à la description du Mercure gaulois.

Voir à ce propos SAISON 2 ANNEXE 21 La tripartion des indo-européens et l’interpretatio romana de César

UN CULTE DE LA FÉCONDITÉ

Il s’agit d’un dieu très ancien qui remonte au mégalithisme, une divinité protectrice et fécondatrice. Si César dit que ses statues sont les plus nombreuses, il en va de même à Athènes.

Chaque coin de rue à Athènes avait son cippe dédié à Hermès, un pilastre carré surmonté de la tête du dieu sur lequel était sculpté des organes génitaux en érection que le passant touchait pour conjurer le sort, car toute chance est un don d’Hermès[1].

LE DIEU MERCURE DES GAULOIS. Hermès ithyphallique de Sifnos. v. 520 av. J.-C., Musée national archéologique d'Athènes.

Hermès ithyphallique de Sifnos. v. 520 av. J.-C., Musée national archéologique d’Athènes. Un hermès est un buste surmontant un bloc quadrangulaire, parfois sculpté de manière grossière, représentant souvent le dieu Hermès coupé droit aux épaules, et généralement orné d’un phallus. (Wikimedia Commons).

Ce dieu devient la pierre dressée, le pilier phallique, symbole de l’arbre de vie, de l’axe du monde. Ce pilier est le symbole du dieu créateur.

Le rôle phallique des menhirs a maintes fois été évoqué. Il est universel tant en Afrique, notamment au Sénégal où l’on trouve les formes les plus suggestives, qu’en Europe ou en Extrême Orient. Les très grands menhirs du Nord de la Bretagne ont perpétué, aux périodes historiques, ce culte de la fécondité. Le grand monolithe de Kerloas à Plouarzel, Finistère, porte à sa base et diamétralement opposées deux énormes boules en relief renforçant l’idée phallique. La légende veut que par un beau clair de lune les jeunes mariés venaient s’y frotter dévêtus, le mari pour avoir de beaux enfants et la femme pour « porter la culotte dans le ménage ». La tradition s’en serait perdue… Nombre de mégalithes avaient le pouvoir de guérir la stérilité des femmes[2]. Le menhir de Simandre près de Saint-Symphorien-d’Ozon au sud de Lyon à les mêmes vertus que celui de Plouarzel. A Bagnères-de-Luchon les femmes en mal d’enfant venaient embrasser le menhir de la Montagne du Bourg-d’Oueil. Le même rôle était autrefois attribué au menhir de la Pierre Longue à Dax. En Saône-et-Loire à Saint-Laurent-les-Mâcon les femmes venaient la nuit se frotter le ventre et les seins contre la Pierre Levée pour avoir des enfants et du lait pour les nourrir.

Un autre culte lié au mariage est celui relatif aux « érussoirs ». Ce sont des menhirs inclinés sur lesquels les jeunes filles en mal de mari devaient de nuit bien sûr, se laisser glisser. Si leur séant résistait à cette opération elles héritaient d’un beau mari dans l’année. Le menhir de La Tremblais à Saint-Samson-sur-Rance, Côtes-D’armor, est l’un de ces plus célèbres érussoirs[3].

LE DIEU MERCURE DES GAULOIS. Menhir de Kerloas 1839. Illustration d'Auguste Hervieu in Un été en Bretagne, d'Adolphus Trollope.

Menhir de Kerloas 1839. Illustration d’Auguste Hervieu in Un été en Bretagne, d’Adolphus Trollope.

LE SHIVA LINGA

En Inde, la pierre dressée est appelée Linga et symbolise le sexe en érection du dieu Shiva et représente le principe de vie.

Shiva dit : Je ne suis pas distinct du phallus. Le phallus est identique à moi. Il rapproche de moi mes fidèles, il faut donc le vénérer. Mes bien-aimés ! Partout où se trouve un sexe dressé, je suis moi-même présent, même s’il n’y a pas d’autre représentation de moi[4].

Quelle que soit la légende expliquant l’adoration du lingam, cette forme peut être considérée comme une des formes les plus anciennes de vénération de Shiva. On trouve d’ailleurs dans tous les temples de Shiva, un « saint des saints », souvent uniquement accessible aux véritables dévots et au prêtre, où est conservé et vénéré le lingam de Shiva. Parfois sous la forme d’une simple colonne de pierre, parfois sous celle d’un phallus arrondi, reposant sur un yoni et symbolisant ensemble l’union des forces ou énergies mâle et femelle, création et nourriture, source de toute vie[5].

Linga du Wat Pho à Bangkok.

Linga du Wat Pho à Bangkok. (Wikimedia Commons).

Nous retrouvons la vénération du Phallus dans l’Occident méditerranéen et nordique depuis la préhistoire et dans les cultes dionysiaques jusqu’au VIème siècle après J.-C. Le phallus était vénéré dans les temples égyptiens. En Grèce, il jouait un grand rôle dans les cérémonies en l’honneur de Dionysos[6].

La pierre phallique est également vénérée dans le monde celtique à l’image du Serpent Stone de Maryport (Cumberland, Royaume-Uni) qui représente un phallus à tête humaine[7] associé au serpent. En Inde un serpent entoure le Linga de Shiva et de sa langue pointue en touche l’ouverture[8], ce qui est le cas également de l’ophidien sur le pilier de Maryport.

LE DIEU MERCURE DES GAULOIS. Phallus avec visage et serpent de Maryport, Cumberland, Angleterre.

Phallus avec visage et serpent de Maryport, Cumberland, Angleterre. Source : Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, Éditions Fayard, 1979.

LE VRAI VISAGE DU MERCURE GAULOIS

Hermès (Mercure chez les Romains) est souvent représenté portant un bélier sur ses épaules, il est alors appelé Hermès Criophore[9]. L’animal indique que le dieu est une divinité de l’ère du Bélier (2300 à 100 av. J.-C.).

Copie romaine tardive en marbre du Kriophoros de Calamis (Musée Barracco, Rome).

Copie romaine tardive en marbre du Kriophoros de Calamis (Musée Barracco, Rome). (Wikimedia Commons).

Hermès est également associé aux serpents à travers le caducée qui est son attribut par excellence et qui représente l’axe terrestre ainsi que les deux serpents cosmiques à l’origine du monde. De leur union est issu l’œuf de serpent des druides.

Statue du dieu Mercure avec son caducée.

Statue du dieu Mercure avec son caducée.

Or ce caducée indique clairement la nature du Mercure gaulois. Il est le maître de l’Axe du Monde, il est lui-même cet axe qui est symbolisé par un pilier. En Inde cet axe est l’apanage du dieu Shiva.

Vishnou et Brahmâ s’étaient pris de querelle pour savoir qui était en fin de compte le plus grand dieu. Pour mettre un terme à cette dispute interminable, Shiva apparut sous la forme d’une colonne de lumière en flammes pour leur prouver sa suprématie. […] Brahmâ et Vishnou se mettent alors en quête de l’origine et de la fin de la colonne qui a adopté la forme du pénis de Shiva. Incapables d’en trouver le début ou la fin et emplis de respect devant tant de grandeur, ils s’inclinent devant lui et lui témoignent les honneurs qui lui reviennent en tant que dieu suprême, le « dieu sans commencement ni fin[10].

Shiva est la colonne de lumière, or le pré-Shiva de la civilisation de l’Indus est l’équivalent indien du dieu Cernunnos : le maître des animaux. C’est en tant que tel qu’il est représenté sur le chaudron de Gundestrup. Ce qui revient à dire que le Mercure gaulois n’est qu’une des formes multiples du dieu Cernunnos. Sur le chaudron en argent, Cernunnos est en compagnie, il ne faut pas l’oublier, du serpent à tête de bélier.

Le dieu Cernunnos avec des bois de cerf. (Nationalmuseet de Copenhague) (Wikimedia Commons)

Le dieu Cernunnos avec des bois de cerf. (Nationalmuseet de Copenhague) (Wikimedia Commons)

LE DIEU PRIMORDIAL

Cet animal est la clef de l’énigme, car il est l’image originelle du dieu. Le Mercure gaulois est le serpent criocéphale, il est Phanès, l’Éros primordial, celui qui est né de l’œuf cosmique. C’est pourquoi il est représenté avec un phallus en érection sur les piliers. Il devient phallus lui-même. Image qui existe aussi en Gaule avec le dieu tricéphale de Bais[11]. Voir également SAISON 2 ANNEXE 20 Le dieu Tricéphale des Gaulois

LE DIEU MERCURE DES GAULOIS. Statuette tricéphale et ithyphallique de Bais (Ille-et-Vilaine).

Statuette tricéphale et ithyphallique de Bais (Ille-et-Vilaine). Source : Meuret Jean-Claude. L’antique statuette tricéphale et ithyphallique de Bais (Ille-et-Vilaine). In: Revue archéologique de l’ouest, tome 7, 1990. pp. 87-91.

Voilà donc le fameux Mercure gaulois. C’est un Mercure très primitif qui n’a que peu de chose à voir avec le dieu classique tel qu’il est habituellement présenté. C’est pourquoi il faut se méfier de cette interprétation romaine des dieux gaulois qui ne peut que mener dans une impasse[12]. Il ne faut pas oublier que les dieux des druides sont des divinités abstraites qui sont vénérées dans le secret des sanctuaires et font partie d’une religion fondée sur des observations astronomiques, héritée des peuples mégalithiques.

©JPS2024

ACCUEIL

Image mise en avant :

LE DIEU MERCURE DES GAULOIS. Statuette tricéphale et ithyphallique de Bais (Ille-et-Vilaine).

Statuette de Bais, vue de face.  (Cl. J.C. Meuret). Source : Meuret Jean-Claude. L’antique statuette tricéphale et ithyphallique de Bais (Ille-et-Vilaine). In: Revue archéologique de l’ouest, tome 7, 1990. pp. 87-91.

SOURCES :

Pour en savoir plus sur la statuette de Bais :

L’antique statuette tricéphale et ithyphallique de Bais (Ille-et-Vilaine) – Persée (persee.fr)

 NOTES :

[1] Alain Daniélou, Le Phallus, Éditions Pardès, Puiseaux, 1993, p.75.

[2] N’oublions pas dans cette énumération le Géant de Cerne Abbas avec son sexe dressé. Une des croyances de la région prétend que d’avoir des rapports sexuels dans le creux du vaste phallus porte bonheur.

[3] Jacques Briard, Les mégalithes, ésotérisme et réalité, Éditions Gisserot, 1997, p.105.

[4]Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, Fayard, Paris, 2007, p.72, Extrait du Shiva Pûrana, Vidyeshvara Samhitâ, I, Chap.9, 43-44.

[5] Eva Rudy Jansen, Iconographie de l’hindouisme, Binkey Kok Publications BV, Havelde (Pays-Bas), 1995, p.119.

[6] Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, Fayard, Paris, 2007, p.73.

[7] Dans l’iconographie hindoue existe également des phallus à visage humain qui sont appelés Mukha Linga.

[8] Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, Fayard, Paris, 2007, p.152.

[9] Il représente le bon pasteur, image reprise par le christianisme.

[10] Eva Rudy Jansen, Iconographie de l’hindouisme, Binkey Kok Publications BV, Havelde (Pays-Bas), 1995, p.119.

[11] En tant que Tricéphale, le dieu est le souverain de l’univers qui règne sur les directions de l’espace, 3 têtes chez les druides, 5 en Inde.

[12] Ce qui est quand même le comble pour un dieu censé indiquer la route à suivre.

LE DIEU MERCURE DES GAULOIS LE DIEU MERCURE DES GAULOIS