LES MYSTÈRES DU CHAUDRON DE GUNDESTRUP

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 2

Cet article tente de répondre à une question essentielle. À quoi pouvait bien servir le mystérieux chaudron de Gundestrup ?

UN CHAUDRON QUI N’EN EST PAS UN

Il semble que le chaudron de Gundestrup avec sa décoration extraordinaire n’est pas un simple ustensile de cuisine simplement suspendu ou posé à l’aide d’un trépied sur un feu pour faire cuire des aliments. Ni d’ailleurs un « chaudron » sacré servant à bouillir une quelconque potion magique. Pourtant avec son ornementation exceptionnelle tirée de la mythologie celtique ce bassin avait certainement une fonction religieuse, cultuelle diront les spécialistes. Un bassin qui raconte une histoire: le mythe par excellence de la religion des druides. Un bassin lié au culte des divinités présente dans sa décoration. En tout cas, c’est un récipient et ce fameux « chaudron de Gundestrup » devait bien contenir quelque chose. Quelle pouvait bien être sa fonction ?

LE SACRIFICE DU TAUREAU

L’ornementation des différentes appliques en métal contient des informations astronomiques et calendaires, nous y reviendrons. Mais c’est la plaque du fond qui est la clef de l’énigme puisqu’elle nous montre :

[…] un grand Taureau couché, dans une posture telle (notamment pour ce qui concerne le train avant) qu’il semble mort …Le train avant est quelque peu déformé — surtout le membre droit qui suit pratiquement la courbure de la circonférence[2].

À côté de lui, un homme qui brandit une épée, accompagné de son chien.

GUNDESTRUP: UN CHAUDRON MYSTÉRIEUX Le chaudron de Gundestrup

Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., plaque du fond, © Copenhague, Nationalmuseet 

L’image nous dépeint à ne pas en douter le sacrifice d’un énorme taureau, l’animal s’étant affaissé après le coup de grâce. D’ailleurs une scène similaire revient sur une des grandes plaques intérieures. Trois personnages armés d’une épée avancent vers trois grands taureaux debout et bien vivants qui leurs font face. Les trois individus pointent leurs armes vers le cou des animaux prêt à y enfoncer leurs lames.

GUNDESTRUP: UN CHAUDRON MYSTÉRIEUX Le triple sacrifice du taureau

Chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C., plaque intérieure, ©  Copenhague, Nationalmuseet 

Le sacrifice du taureau est le seul motif répété deux fois sur le chaudron de Gundestrup. De plus, vu de haut, la plaque circulaire du fond fait office de scène centrale autour de laquelle s’articulent les autres appliques en métal du bassin. Il existe donc un lien entre le chaudron et le sacrifice d’un bovin et on peut même avancer l’hypothèse que le chaudron de Gundestrup fait partie des objets utilisés lors d’une cérémonie religieuse durant laquelle des taureaux sont sacrifiés aux dieux.

L’EXEMPLE GAULOIS

Pline dans son Histoire naturelle, évoque le sacrifice de deux taureaux lors d’une cérémonie spécifique aux Gaulois, la cueillette du Gui:

Les Druides – c’est le nom qu’ils donnent à leurs mages – n’ont rien de plus sacré que le gui et l’arbre qui le porte, pourvu que ce soit un rouvre[3]. Le rouvre est déjà par lui-même l’arbre qu’ils choisissent pour les bois sacrés, et ils n’accomplissent aucune cérémonie sans son feuillage, au point que l’étymologie de leur nom de Druides pourrait passer pour grecque. C’est un fait qu’ils regardent tout ce qui pousse sur ces arbres comme envoyé du ciel, et y voient un signe de l’élection de l’arbre par le dieu lui-même. On trouve très rarement du gui – de rouvre – et, quand on en a découvert, on le cueille en grande pompe religieuse ; ce doit être avant tout au sixième jour de la lune, qui marque chez eux le début des mois, des années et des siècles qui durent trente ans, jour choisi parce que la lune est déjà dans toute sa force sans être à mi-cours. Ils l’appellent dans leur langue « celui qui guérit tout ». Ils préparent selon les rites au pied de l’arbre un sacrifice et un festin religieux et amènent deux taureaux blancs dont les cornes sont liées alors pour la première fois. Un prêtre, vêtu de blanc, monte dans l’arbre, coupe le gui avec une serpe d’or et le reçoit sur un sayon blanc. Ils immolent ensuite les victimes en priant le dieu de rendre son présent propice à ceux auxquels il l’a accordé. Ils croient que le gui, pris en boisson, donne la fécondité à tout animal stérile, qu’il est un remède contre tous les poisons[4].  

Même si le texte de Pline contient plusieurs informations essentielles sur les croyances des druides, comme l’importance accordée au gui et à l’arbre qui le porte ou encore l’indication d’un calendrier lunaire. C’est surtout la mention de deux taureaux immolés[5] en l’honneur d’un dieu qui va nous intéresser dans cette description d’un rituel gaulois. Sans vouloir être exhaustif, le sacrifice du taureau n’est pas rare dans l’Antiquité et si nous ne connaissons pas les détails du sacrifice gaulois les textes grecs peuvent nous apporter quelques précisions. Les Celtes et les Grecs étant issus du même creuset indo-européen[6], les rites entourant le sacrifice animal devait être à quelques détails près les mêmes.

LES SACRIFICES DANS LA GRÈCE ANTIQUE

Le sacrifice en l’honneur des dieux peut prendre diverses formes en Grèce et comporte de nombreuses ramifications. Pour simplifier au maximum, il y a deux catégories de sacrifices sanglants, d’un côté, les sacrifices funéraires qui s’adressent aux dieux chtoniens[7] et aux défunts. La mise à mort de l’animal se fait dans un autel creusé dans le sol et le sang de la victime doit couler directement dans la terre. Lors de ces cérémonies les victimes sont entièrement brulées, ce qui explique qu’il n’y a pas de banquet par la suite[8]. Le pelage des animaux sacrifiés est souvent noir. De l’autre côté, les sacrifices aux dieux ouraniens au cours desquels un animal est égorgé rituellement près de l’autel, dont le sang est recueilli dans un vase prévu à cet effet. Ensuite intervient le partage des parts entre les dieux et les hommes. Une partie est offerte aux dieux par crémation sur un autel, tandis que l’autre moitié est consommée directement sur place par les participants lors d’un banquet. Les victimes sont généralement de couleur blanche.

Dans l’Odyssée Homère nous décrit la cérémonie dans son ensemble :

Nestor, le vieux meneur de chars, prit la parole et dit :

« Hâtez-vous, mes enfants, de réaliser mon désir ;

Parmi les Immortels, il faut que j’invoque Athéna,

Qui a pris part au grand festin offert à notre dieu.

Que l’un aille chercher une génisse dans les champs ;

Qu’il la ramène vite et que le bouvier la talonne ;

Qu’un autre, au noir vaisseau, aille quérir les compagnons

Du vaillant Télémaque et n’en laisse que deux à bord ;

Qu’un autre nous amène ici le doreur Laerkès,

Afin qu’il couvre d’or les cornes de cette génisse.

Vous autres, restez tous ici, mais dites aux servantes

D’apprêter le festin dans ma demeure somptueuse

Et de nous apporter les sièges, le bois et l’eau pure. »

A ces mots chacun s’empressa. On vit venir des champs

Une génisse et, peu après, du vaisseau bien galbé,

Les compagnons de Télémaque, puis l’orfèvre

Avec les outils de son art, les instruments de bronze,

L’enclume, le marteau et les tenailles délicates

Servant à battre l’or. Athéna vint aussi jouir

Du sacrifice. C’est Nestor, le vieux meneur de chars,

Qui donna l’or. L’homme le travailla, puis en couvrit

Les cornes de la bête, afin de plaire à la déesse.

Stratios et le noble Echéphron la poussaient par les cornes.

Arétos sortit du cellier, portant de l’eau lustrale.

Dans un bassin à fleurs et un panier plein de grains d’orge.

Le vaillant Thrasymède, armé d’une hache tranchante,

Restait près de la bête et s’apprêtait à la frapper ;

Persée avait le vase pour le sang. Le vieux Nestor

Répandit l’eau et les grains d’orge en priant Athéna,

Puis jeta dans le feu des poils prélevés sur la tête.

La prière une fois finie et l’orge répandue,

Le vaillant Nestoride Thrasimène s’avança

Et d’un coup de sa hache lui trancha tous les tendons

Du cou. La bête s’écroula, sous les clameurs sacrées

Des filles et des brus et de la vénérable reine,

Eurydice, qui de Clymène était la fille aînée.

On maintint soulevé du sol le mufle de la bête,

Et Pisistrate, le grand meneur d’homme, l’égorgea.

Alors, dans un flot de sang noir, l’âme quitta les os.

On dépeça en hâte, on détacha tous les cuisseaux

Selon le rite ; ensuite on les couvrit sur chaque face

De graisse et l’on mit par-dessus les morceaux de chair crue ;

Le vieillard les brûla sur des sarments, qu’il arrosa

D’un vin sombre, et les jeunes l’entouraient, fourchette en main

Les cuisseaux une fois brulés, on mangea la fressure ;

Le reste fut coupé menu, enfilé sur les broches

Et rôti à la pointe de ces broches qu’ils tournaient.

La belle Polycaste, entre-temps, baignait Télémaque.

C’était la plus jeune des filles du fils de Nélée.

Après avoir lavé et frotté son corps d’huile fine,

Elle le vêtit d’une robe et d’une belle écharpe ;

Quand il sortit de la baignoire, on l’eût pris pour un dieu.

Il vint s’assoir près de Nestor, le pasteur de son peuple

Dès qu’on eut retiré du feu les viandes qui cuisaient,

L’on prit place au festin, tandis que de nobles servants

S’empressaient de remplir de vin toutes les coupes d’or[9].

L’importance du genre de la victime n’est que secondaire puisque tout dépend de la divinité à laquelle est adressée le sacrifice. Une génisse dans le cas d’Athéna, un taureau pour Poséidon et Dionysos ou encore un bœuf en l’honneur de Zeus. Le bovidé représenté sur le chaudron de Gundestrup est sans conteste un taureau pourvu de toute ses fonctions reproductrices. Le nombre des victimes semble lui aussi varier, une jeune vache pour Athéna, deux taureaux dans le contexte de la cueillette du gui, de un à trois sur le chaudron de Gundestrup, mais il n’y a aucune limite sinon l’étendue du festin et le nombre de convives.

LA CÉRÉMONIE DU SACRIFICE

Arrêtons nous un instant sur le déroulement concret d’un de ces sacrifices sanglants que les Grecs nomment la thusia[10]. Dans un premier temps il s’agit de choisir une victime, celle-ci doit remplir des critères de pureté et être exempt de défauts (taches, maladie, mutilations). On n’offre aux dieux que le meilleur. C’est l’animal le plus noble et le plus proche du dieu qui est sacrifié. C’est pourquoi Pline dans sa description du rituel de la cueillette du gui mentionne deux taureaux blancs. S’ensuit une procession qui conduit les participants et la ou les bêtes vers l’autel. Plusieurs intervenant sont nécessaires au bon déroulement de la cérémonie du sacrifice. Homère nous en donne la liste. Le prêtre et le sacrificateur et ses assistants, dont le porteur du récipient (kernips) contenant l’eau lustrale[11], le porteur du panier (kanoun) contenant de l’orge et le couteau de l’égorgement (makhaira), le porteur du vase pour le sang (sphageion) ainsi que le porteur de la hache (pelekus) qui servira à la mise à mort de l’animal. Une partie du rituel est esquissé sur un cratère attique à figures rouges.

GUNDESTRUP: UN CHAUDRON MYSTÉRIEUX Le sacrifice d'un mouton chez les Grecs

Sacrifice d’un mouton, avec le rituel de l’eau et des graines, Athènes 5ème siècle avant J.-C. Cratère de Boston, La cité des images, Religion et société en Grèce antique, Lausanne, 1984.

L’autel cubique est au centre de l’image, de part et d’autre se tiennent deux officiants[12]. Le premier, à droite, porte dans sa main gauche le panier sacrificiel contenant les grains d’orge et le couteau de l’égorgement de la victime, tandis que de la main droite il présente au-dessus de l’autel un récipient contenant l’eau lustrale dans lequel le second officiant s’apprête à tremper les mains. Un troisième participant maintient la victime, un mouton. Il est suivi d’un homme qui joue avec un instrument de musique. À droite de l’image se tient un prêtre qui supervise l’ensemble de la cérémonie[13].

C’est également la fonction du druide lorsque Diodore de Sicile évoque les différents sacrifices en Gaule.

L’usage chez eux est de ne procéder à aucun sacrifice sans la présence d’un druide. Ils disent, en effet, qu’il faut offrir des sacrifices d’action de grâce aux dieux par l’intermédiaire de ces hommes qui connaissent la nature divine et parlent, pour ainsi dire, la même langue que les dieux[14].

Ce qui signifie que le sacrifice est pratiqué sous l’autorité d’un druide, que celui-ci est le garant de l’opération, mais qu’en aucun cas il ne participe activement à la mise à mort de la victime[15].

LES ÉLÉMENTS DU SACRIFICE

Mais suivons à nouveau Homère dans sa description.

Les officiants se purifient en se lavant les mains[16] dans le vase contenant l’eau lustrale. Le prêtre prononce les prières d’usage et verse de l’eau lustrale sur la tête de la victime, mais aussi sur l’assistance et l’autel. Il jette ensuite les grains d’orge[17] et des poils prélevés sur la tête de l’animal dans le feu sacré qui brûle sur l’autel (bômos). La mise à mort rituelle se déroule en deux temps. D’abord le boutupos (assommeur de bœuf) abat le taureau par un coup de hache sur la nuque ou sur le front[18].

GUNDESTRUP: UN CHAUDRON MYSTÉRIEUX. Le sacrifice d'un taureau chez les Romains

Mise à mort du taureau. Coupe du triomphe de Tibère (détail).
Trésor de Boscoreale, argent, musée du Louvre. © cliché RMN no 90CN2453.

Ensuite l’animal est égorgé avec le couteau sacrificiel par le mageiros[19]. La tête de la victime doit être tournée vers le haut, et le sang jaillir vers le ciel en direction des divinités ouraniennes avant d’être recueilli dans un récipient prévu à cet effet. Ensuite le sang est versé sur l’autel. Au moment de la mise à mort retentit le cri rituel (ololugé) des femmes. Après l’impressionnante mise à mort du taureau intervient la troisième phase du sacrifice, le dépeçage et le partage de la victime. Le mageiros découpe les os des cuisses (méria) qui sont ensuite recouvert de graisse, arrosés de libations (vin, huile) puis brulés. C’est la part des dieux. La fumée qui s’élève vers le ciel est leur nourriture. Ensuite le sacrificateur retire les viscères (splanchna) ; poumons, cœur, rate, foie et reins qui sont alors embrochés et rôtis sur l’autel et consommés sur place par un nombre restreint de participants ; c’est un honneur de figurer parmi les élus. Puis le reste de la viande est découpé en parties égales, elle est bouillie dans des chaudrons et mangée par les convives lors d’un banquet collectif qui achève la cérémonie. C’est la part des hommes[20].

LE VASE POUR LE SANG

Mais quel rôle peut jouer dans ce genre de cérémonie sacrificielle un récipient comme le chaudron de Gundestrup ?

En fait, il semble que le chaudron correspond à ce que les Grecs appellent sphageion « le vase pour le sang » qui sert à recueillir le sang du taureau égorgé.  C’est pourquoi le sacrifice du taureau est mis en exergue et devient ainsi le thème central du chaudron de Gundestrup.

Les gros animaux étaient d’abord assommés, puis égorgés et le sang recueilli dans un bassin. Si ce récipient, le sphageion, est mentionné à plusieurs reprises par les sources antiques, il est également représenté sur un certain nombre de vases grecs.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 2 Le sacrifice d'un taureau chez les Grecs

Au centre, le mageiros qui tient le taureau par les cornes, il est accompagné par un musicien (à gauche) et par un prêtre qui supervise la cérémonie (à droite). À noter le taureau qui est maintenu au-dessus du « vase pour le sang », le sphageion. Notez la taille imposante du sphageion. Stamnos attique à figures rouges du Louvre. (dessin de François Lissarague).

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 2 Vase à figure rouge (Athènes)

Le Mageiros préparant la viande pour la consommation. Le sphageion est placé sous la table au-dessus de laquelle l’animal est découpé. À noter le sang qui s’est répandu sur les côtés du sphageion. Lekythos à figures rouge (Athènes) vers 475–450 avant J.-C., Munich, © Staatliche Antikensammlungen und Glyptotek.

LES DRUIDES 1 ÉPISODE 2 Découpe d'un bélier sur une table

Mageiroi découpant un bélier sur une table, sous laquelle est posé le sphageion. Pélikè à figures noires (Athènes), v. 500 avant J.-C., Paris, © Collection Frits Lugt, Institut Néerlandais.

On peut donc avancer avec prudence l’hypothèse que le chaudron de Gundestrup est un de ces sphageion servant à recueillir le sang d’un victime lors d’un sacrifice. L’iconographie du chaudron indique que cette dernière est un taureau puisque le sacrifice d’un ou plusieurs bovins est représenté à deux reprises sur le chaudron.

LE SERMENT PAR LE SANG

Mais que fait-on du sang contenu dans le sphageion ?

C’est ici que nous abordons un type de sacrifice sanglant particulier: le serment par le sang. Ce dernier est adopté lorsqu’il s’agit de conclure une alliance entre deux peuples. L’accord entre deux cités grecques est toujours scellé par un serment  et celui-ci contient toujours trois composantes.

  • Une formule d’engagement qui reprend ou résume les clauses du traité.

  • Une invocation à des divinités que l’on prend à témoins.

  • Une imprécation qui appelle la malédiction sur le parjure.

Les termes de l’alliance contractée entre Athènes et Corcyre en 375 av. J.-C. en sont une illustration parfaite

Je porterai assistance au peuple de Corcyre de toute ma force, dans la mesure du possible, en cas d’attaque, soit sur terre, soit sur mer, contre le territoire de Corcyre, à la demande des gens de Corcyre; et pour la guerre et la paix j’agirai comme le décidera la majorité des alliés, et je me conformerai en tout aux décisions des alliés. Je le déclare en vérité, par Zeus, par Apollon et par Déméter; si je respecte mon serment, qu’il m’advienne beaucoup de bonheur, sinon que ce soit le contraire[21].

L’engagement est contracté à la fois devant les hommes et devant les dieux. Ces derniers sont les témoins et les garants de l’accord passé entre les deux peuples. Si le serment est rompu, la malédiction s’abat sur le ou les contrevenants. Mais il n’y a pas de serment sans sacrifice. La victime est le lien entre les dieux et celui qui prononce le serment. Soit par les entrailles de l’animal, soit par des morceaux  découpés au préalable, soit par le sang. C’est le dernier cas qui nous intéresse en particulier.

LES DIFFÉRENTES PRATIQUES DU SACRIFICE

Pour utiliser le sang du sacrifice les protagonistes du serment se retrouvent devant plusieurs alternatives.

  • Soit le «boire»

Un exemple nous est fourni par les Argonautiques. Dans lesquels Orphée, au moment du départ des Argonautes pour leur long périple, leur fait prêter un serment d’entraide devant les dieux de la mer. Cet engagement solennel est accompagné par le sacrifice d’un énorme taureau. Voici le texte :

Mais lorsque le soleil, brisant la ligne immense de l’horizon, pressa ses rapides coursiers pour faire place à la nuit ténébreuse, le fils d’Eson médita dans son cœur de lier les héros par une foi commune et des serments d’alliance, afin qu’ils gardassent une sévère discipline. Et alors, ô Musée ! fils chéri d’Antiophêmes, il m’ordonna de préparer promptement un brillant sacrifice. Aussitôt j’apportai sur l’aride plage des morceaux de bois, dépouille du chêne dont le gland nourrit les hommes ; au-dessus, je plaçai dans un voile les offrandes abondantes destinées aux dieux, et alors j’égorgeai un grand taureau, puissant chef d’un troupeau de bœufs : tournant sa tête vers le ciel, je le frappai à mort et je répandis son sang de part et d’autre à l’entour du bûcher. Puis, retirant son cœur de ses flancs entrouverts, je le plaçai sur un gâteau, en l’arrosant avec du miel et du lait de brebis. J’ordonnai ensuite aux héros debout autour de moi, de saisir leurs lances et leurs épées, et de les plonger dans la peau et dans les entrailles du taureau. Je plaçai en outre au milieu un vase d’argile renfermant, selon les rites, un breuvage dont les éléments étaient de la farine, du sang de la victime et de l’eau de mer, et après y avoir fait ajouter de l’huile jusqu’au bord, je pris une fiole d’or[22], et, l’emplissant de ce mélange, je la présentai tour à tour à chacun des puissants rois, pour qu’ils y trempassent les lèvres[23].

Dans ce cas précis le récipient contient le sang du taureau mélangé avec d’autres ingrédients, de la farine, de l’eau de mer et de l’huile et les protagonistes de l’expédition y trempent leurs lèvres en signe de leur nouvelle alliance. L’auteur précise bien qu’ils y trempent seulement leurs lèvres, car le sang de taureau est considéré dans l’Antiquité gréco-romaine comme toxique.  Écoutons Diodore de Sicile.

Suivant quelques historiens, Xerxès, désireux d’entreprendre une nouvelle expédition contre la Grèce, proposa à Thémistocle le commandement de toute l’armée ; Thémistocle se rendit aux désirs du roi, qui s’engagea par un serment à ne point marcher contre les Grecs, sans Thémistocle ; un taureau fut égorgé pour la confirmation de ce serment ; Thémistocle but une coupe pleine de sang et expira sur-le-champ. Cet événement, ajoutent ces historiens, fit renoncer Xerxès à son entreprise ; et Thémistocle laissa dans sa mort la plus belle défense et la preuve du dévouement avec lequel il avait servi sa patrie[24].

  • Soit plonger les mains dans le sang

Dans une de ses pièces de théâtre Eschyle nous donne cet autre exemple :

Étéocle, roi puissant des Cadméens, je viens t’apporter de sûres nouvelles : moi-même j’ai vu l’armée des ennemis, j’ai été témoin de leurs dispositions. Sept chefs, guerriers fougueux, immolent un taureau ; le sang de la victime est reçu dans un noir bouclier ; tous y plongent la main, tous ils jurent par le dieu Mars, par Bellone, par la Terreur, amie du carnage, ou de renverser Thèbes, de saccager la ville des Cadméens, ou de périr, d’arroser cette terre de leur sang[25].

Dans cet extrait, le sphageion n’est plus un vase, mais un bouclier. Ce dernier sert de récipient dans lequel les participants du sacrifice recueillent le sang du taureau. Ensuite les sept chefs argiens plongent leurs mains dans le sang et jurent de détruire Thèbes ou de mourir. L’exemple cité est, encore une fois, comme dans le texte précédent un serment. Comme ce sont des guerriers et que l’attaque est imminente, leur alliance est scellée un dessus d’une arme de guerre, ce qui peut expliquer l’utilisation d’un bouclier comme contenant.

  • Soit plonger les armes dans le sang

C’est ce que font les guerriers mentionnés par Xénophon dans son Expédition de Cyrus et retraite des dix mille lorsqu’il décrit un rite d’alliance entre des mercenaires grecs et leurs alliés barbares.

Alors les Grecs, Ariée et les principaux de son armée, jurent de ne point se trahir et de rester alliés fidèles. Les Barbares jurent, en outre, de guider loyalement.  En jurant, on égorge un sanglier, un taureau, un loup et un bélier ; et l’on en reçoit le sang dans un bouclier, où les Grecs plongent leurs épées et les Barbares leurs lances[26].

Le récipient destiné à recueillir le sang de la victime peut devenir lui-même le symbole de l’alliance entre deux peuples comme c’est le cas dans une tragédie d’Euripide:

Écoute, Thésée, les paroles de Minerve, et obéis à ses ordres, dans l’intérêt de ce pays. Ne livre pas si aisément ces os à emporter sur la terre d’Argos ; mais, pour prix de tes travaux et de ceux d’Athènes, exige d’abord un serment solennel : c’est Adraste qui doit le prononcer ; en qualité de roi, il a l’autorité nécessaire pour jurer au nom de tout le pays de Danaüs. Ce serment doit être que jamais les Argiens ne porteront la guerre dans cette contrée, et que, si d’autres ennemis l’envahissent, ils les repousseront les armes à la main ; et si, au mépris de leur serment, ils marchaient contre cette ville, appelle la malédiction et la ruine sur le pays des Argiens. Apprends de moi en quel lieu tu dois immoler les victimes. Tu possèdes dans ton palais un trépied d’airain, que jadis, après avoir renversé les murs de Troie, Hercule, pressé de courir à quelque autre entreprise, te chargea de placer sur l’autel d’Apollon Pythien. Sur ce trépied immole trois brebis, et grave le serment dans sa cavité, et ensuite laisse-le sous la garde du dieu qu’on adore à Delphes, comme un monument de l’alliance, et comme un témoignage aux yeux de la Grèce[27].

Rappelons qu’un trépied d’airain est un chaudron en bronze posé sur trois pieds comme dans l’exemple suivant:

Monnaie grecque

                                                             Monnaie grecque. 330-300 av. J.-C.

On peut donc avancer l’hypothèse que le «chaudron de Gundestrup » est non seulement un sphageion, un bassin destiné à recueillir le sang d’un taureau. Mais qu’il est également le symbole du pacte établi entre les peuples. Le chaudron devient sacré et est entreposé dans un temple sous la garde du dieu lui-même. 

LE MONDE DE LA BIBLE

Le serment à base de sang dépasse les frontières culturelles et se retrouve dans d’autres sociétés qui ne sont pas indo-européennes, c’est le cas des hébreux. Le texte de la Bible nous apporte quelques précisions.

Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles de Yahvé et toutes les lois, et tout le peuple répondit d’une seule voix ; il dirent : « Toutes les paroles que Yahvé a prononcées nous les mettrons en pratique » Moïse mit par écrit toutes les paroles de Yahvé puis, se levant de bon matin, il bâtit un autel au bas de la montagne, et douze stèles pour les douze tribus d’Israël Puis il envoya de jeunes Israélites offrir des holocaustes et immoler à Yahvé de jeunes taureau en sacrifice de communion Moïse prit la moitié du sang et la mit dans des bassins et l’autre moitié du sang, il la répandit sur l’autel. Il prit le livre de l’Alliance et il en fit la lecture au peuple qui déclara : « tout ce que Yahvé dit, nous le ferons et nous y obéirons. » Moïse, ayant pris le sang, le répandit sur le peuple et dit : « Ceci est le sang de l’Alliance que Yahvé a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses[28]. »

Ainsi Moïse récupère la moitié du sang des taureaux dans des bassins et l’autre moitié est répandue sur l’autel. Ce qui semble être la procédure habituelle dans ce genre de situation. Ensuite, après que le peuple ait prêté le serment de suivre les lois édictées par Yahvé, Moïse répand le sang, auparavant récupéré dans des bassins, sur la foule.

Quelle méthode a été employée par les Celtes ?

Nous ne le savons pas et nous ne le saurons jamais. Néanmoins grâce à la comparaison avec d’autres peuples nous pouvons distinguer au sein du sacrifice des sections identiques puisque dans tous les exemples cités une alliance est scellée par un sacrifice sanglant au cours duquel le sang versé est récupéré dans un récipient. L’aspersion de l’autel parait avérée dans tous les cas, ensuite les modalités d’utilisation du sang peuvent varier en fonction de la situation. Serment qui assure la cohésion d’un groupe d’hommes lors d’une expédition aventureuse ou lors d’une guerre imminente. Serment qui scelle l’alliance entre deux clans sous l’autorité des dieux ou encore entre un peuple et son dieu.  Les causes du sacrifice peuvent être multiples. En tous cas pour entériner leur serment, les protagonistes du sacrifice devaient entrer en contact avec la victime et pouvaient ainsi, soit «boire» le sang du taureau en l’assaisonnant avec divers ingrédients[29], soit tremper leurs mains ou leurs armes dans le bassin contenant le sang, soit en asperger le peuple.

UN TAUREAU EN BRONZE

Revenons au chaudron en tant que symbole matériel d’un serment. Il semble que les Cimbres prêtent une attention particulière au taureau puisque ce peuple est le possesseur d’un chaudron dont le thème central est le sacrifice d’un taureau.  Ce n’est pas tout, Plutarque dans une de ses descriptions de ce peuple mystérieux indique l’existence d’un taureau d’airain[30]. Vraisemblablement une statue de bronze sur laquelle les Cimbres prêtaient serment et qu’ils emportaient à la guerre. Cet objet mystérieux apparaît lors d’une bataille entre les Cimbres et les Romains.

Alors les Barbares s’avancèrent contre le fort construit au-delà de l’Atison, et s’en rendirent maîtres, malgré la défense vigoureuse des Romains qui s’y trouvaient. La bravoure extraordinaire qu’ils avaient montrée en combattant dignement pour leur patrie remplit d’une telle admiration les Barbares, qu’ils les laissèrent aller à des conditions honorables, en jurant la capitulation par leur taureau d’airain. Ce taureau fut ensuite pris après la bataille, et porté, dit-on, dans la maison de Catulus, comme la meilleure part du butin acquis par la victoire. Le pays était resté ouvert, sans défense ; les Barbares s’y répandirent et le dévastèrent[31].

Le texte ne dit pas si la reddition des Romains est scellée par un sacrifice, mais il faut dire que Plutarque malheureusement n’entre pas dans les détails de l’évènement[32]. Pourtant ce taureau d’airain des Cimbres fait indubitablement penser au fameux veau d’or des Hébreux :

Quand le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne, le peuple s’assembla auprès d’Aaron et lui dit : « Allons, fais-nous un dieu qui aille devant nous, car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Égypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. » Aaron leur répondit : « Ôtez les anneaux d’or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles et apportez-les-moi. » Tout le peuple ôta les anneaux d’or qui étaient à leurs oreilles et ils les apportèrent à Aaron. Il reçut l’or de leurs mains, le fit fondre dans un moule et en fit une statue de veau ; alors ils dirent : « Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Égypte. » Voyant cela, Aaron bâtit un autel devant la statue et fit cette proclamation : « Demain, fête pour Yahvé. »

Le lendemain, ils se levèrent de bon matin, ils offrirent des holocaustes[33] et apportèrent des sacrifices de communion. Le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour se divertir[34].

L'adoration du Veau d'Or

L’adoration du veau d’or (1633) de Nicolas Poussin.© National Gallery Londres

On peut ainsi avancer l’hypothèse que les Cimbres pratiquaient un rituel du sacrifice  très ancien. Les principaux éléments de ce rituel sont un bassin servant à recueillir le sang de la victime et l’effigie d’un taureau  laquelle est aspergé de sang, garantissant ainsi le serment entre les hommes avec pour témoins les dieux éternels.

LE TAUREAU DIVIN

Il existe en Gaule des statues de taureaux en bronze, de quelques centimètres de haut (taureau d’Auxy, Autun) jusqu’à la représentation de l’animal grandeur nature (taureau de Martigny, Suisse) qui peuvent faire penser à l’étrange taureau d’airain des Cimbres. Pourtant ils ont tous une étrange particularité : ces taureaux ont trois cornes. Le plus intéressant pour notre propos semble être le taureau tricornu dit d’Avrigney qui semble correspondre  de façon parfaite au bovidé utilisé par les Cimbres. Une statue en bronze de 48 cm de haut que l’on peut transporter sur un champ de bataille.

 LES DRUIDE 1 ÉPISODE 2 Taureau d'Avrigney

Taureau à trois cornes, dit d’Avrigney (bronze) hauteur 48 cm daté du 1er siècle après J.-C. © Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon (Photo Chipault & Soligny)

Ce n’est pas un bovidé quelconque, mais avec ses trois cornes, un taureau d’essence divine. Il n’y pas de bovidé tricornu sur le chaudron de Gundestrup pourtant le chiffre trois est bien présent puisque sur une des plaques intérieures il y a la représentation d’un triple sacrifice de taureaux. Taureau à trois cornes, trois taureaux sacrifiés, il manque le lien entre les deux. Nous reviendrons bientôt sur cette nouvelle énigme.

Pourtant s’il faut chercher un lien immédiat entre le chaudron de Gundestrup et le taureau à trois cornes d’Avrigney, le voici : les deux ont une sorte de rosace tournoyante sur le front, c’est un détail presque invisible, mais elles sont bien là. Regardez bien !

Détail du chaudron de Gundestrup

Le taureau à trois cornes

©JPS2020

Voir également :

ANNEXE 3  [La toxicité du sang de taureau]

ANNEXE 4  [La cruche de Brno]

[SAISON 1 ÉPISODE 3]

[ACCUEIL]


[1] Venceslas Kruta, L’art des Celtes, Éditions Phaidon, Paris, 2015, p.168. On ne peut toutefois pas totalement exclure l’emploi d’un autre matériau comme du métal, mais l’exemple d’un autre artefact, la cruche de Brno, dont on a retrouvé que les garnitures en bronze semblent bien indiquer que nous avons affaire à l’origine à un bassin en bois. D’ailleurs il intéressant de noter que la décoration de cette cruche cérémonielle contient elle aussi un savoir lié à l’astronomie. Voir à ce sujet Venceslas Kruta, La cruche celte de Brno, Éditions Faton, Dijon, 2007. Voir également Annexe 4.

[2] L’Archéologue n°36, juin.-juil. 1998, Artistes et artisans celtiques, Paul Verdier, Astronomie celtique, L’énigme du chaudron de Gundestrup, p.23.

[3] Le chêne rouvre (Quercus petraea). Or, le mot rouvre du latin robur est aussi le nom d’un autre arbre (Quercus robur) le chêne pédonculé.

[4] Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XVI, 249, Traduction J. André, Les Belles Lettres, Paris, 1962.

[5] Immoler : tuer rituellement un animal, un être humain en offrande à un dieu. (Dictionnaire de Français Larousse).

[6] Indo-Européens est le nom donné aux locuteurs de langues indo-européennes. Ce groupe comprend, entre autres, les Celtes, les Germains, les Grecs, les Hittites, les peuples iraniens, les Indiens, les Italiques, les Slaves et les Thraces. Il y a non seulement des points communs linguistiques, mais aussi culturels, religieux, mythologiques etc.

[7] sont dits « chthoniens » parce qu’ils se réfèrent à la terre, au monde souterrain ou aux Enfers, par opposition aux dieux célestes, dits « ouraniens ».

[8] Homère nous décrit un tel sacrifice pour invoquer les morts. Homère, L’Odyssée, XI, v. 23 et suivants, Traduction F. Mugler, Éditions Actes Sud, Arles, 1995. En Gaule, ce type de sacrifice chtonien existait également puisqu’une fosse sacrificielle a été retrouvée sur le site archéologique de Gournay-sur-Aronde. C’est un autel en creux de forme ovale de 3m par 4 m pour une profondeur de 2 m. La fosse centrale est entourée d’autres fosses plus petites. Seule différence l’animal n’était pas brulé mais déposé au fond de la fosse pour qu’il pourrisse naturellement pendant une durée de six à huit mois. Jean-Louis Brunaux, Les religions gauloises, Éditions Errance, Paris, 2000, pp. 97-98.

[9] Homère, L’Odyssée, III, v. 417-472, Traduction F. Mugler, Éditions Actes Sud, Arles, 1995.

[10] « faire brûler pour les dieux ».

[11] Eau qui sert à purifier.

[12] Il est à noter que la mise à mort en soi est très rarement représentée sur les vases grecs.

[13] Dans l’Odyssée, c’est Nestor lui-même qui préside la cérémonie en tant que chef de famille.

[14] Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre V, 31, in Jean-Louis Brunaux, Les religions gauloises, Éditions Errance, Paris, 2000, p. 248.

[15] Ainsi l’image d’Épinal du druide qui brandit un couteau sacrificiel pour poignarder une victime humaine est fausse. Le chaudron de Gundestrup indique clairement par deux fois le sacrifice d’un ou de plusieurs taureaux, mais il n’y a aucun indice concret dans l’iconographie du bassin cultuel concernant un sacrifice humain. J’ai consacré dans un manuscrit non publié à ce jour un long chapitre aux croyances des druides en l’immortalité de l’âme et un autre chapitre aux morts étranges chez les Celtes : la coutume de couper les têtes des ennemis, le suicide volontaire ou encore les sacrifices humains.

[16] Geste attesté par un autre texte du poète grec. Homère, L’Iliade, v. 449, Traduction F. Mugler, Éditions Actes Sud, Arles, 1995.

[17] Les grains d’orge, symbole d’abondance, peuvent être également jetés sur les participants au sacrifice.

[18] En Gaule, les archéologues ont retrouvé des pratiques similaires, par exemple sur le sanctuaire de Gournay-sur-Aronde :

« Quelques crânes retrouvés montrent la trace caractéristique que produit le coup de hache sur la nuque, méthode la plus classique dans le monde antique. D’autres crânes présentent un impact impressionnant sur le frontal. La forme circulaire de cet impact indique l’emploi d’un merlin. Une trace unique de section losangique prouve que, dans certains cas, on utilisait un fer de lance, opération spectaculaire et quelque peu acrobatique. Plusieurs crânes ne portent aucune trace ; il faut donc imaginer un type de coup qui n’atteignait pas l’os : l’égorgement est probable ». Jean-Louis Brunaux, Les religions gauloises, Éditions Errance, Paris, 2000, p.139.

On peut ajouter que ces différentes techniques de mise à mort sont à mettre en rapport avec la divinité à laquelle le sacrifice est destiné. Par exemple Lug et la lance ou Sucellus et le marteau.

[19] Le mot signifie à la fois sacrificateur, boucher et cuisinier.

[20] Pour plus de détails voir l’ouvrage de Louise Bruit Zaidman et Pauline Schmitt Pantel, La religion grecque, Dans les cités à l’époque classique, Éditions Armand Colin, Malakoff, 2017. Ou Gunnel Ekroth. The Sacrificial Rituals of Greek Hero-Cults in the Archaic to the Early Hellenistic Period, Presses universitaires de Liège, 2002.

[21] IG, II, 97, dans Raoul Lonis, La valeur du serment dans les accord internationaux en Grèce classique. In: Dialogues d’histoire ancienne, vol. 6, 1980, pp. 267-286. Disponible sur www.persee.fr. Je suis particulièrement redevable à l’auteur pour tout les paragraphes consacrés au serment par le sang et aux différentes pratiques lors du sacrifice.

[22] Les traductions plus récentes parlent d’une coupe d’or (phialê). Une phiale d’argent de 350 g, sorte de coupe sans pied, a été retrouvée dans la tombe de la dame de Vix à côté du magnifique cratère, gigantesque récipient en bronze d’une contenance de plus de mille litres. Cet objet insolite servait probablement aux libations. En Italie comme en Grèce, la libation est l’acte religieux le plus pratiqué. Il consiste à verser sur le sol, un autel ou une pierre sacrée du vin, du lait, de l’eau ou de l’huile en offrande aux dieux.

[23] Traduction française dans Les Petits Poèmes grecs, Ernest Falconnet, Société du panthéon littéraire, Paris, 1842.

[24] Diodore de Sicile, Bibliothèque Historique, XI, 58, Traduction F. Hoefer, Paris 1865. 

[25] Eschyle, Théâtre, les sept contre Thèbes, 39-48, Traduction A. Pierron, Paris, 1876.

[26] Xénophon, Œuvres complètes, Expédition de Cyrus et retraite des dix mille, Livre II, Chapitre 2, 8-9, Traduction E. Talbot, Paris, 1859.

[27] Euripide, Tragédies, Les Suppliantes, 1183, Traduction française : M. Artaud, Paris 1882.

[28] La Bible de Jérusalem, Exode, III, 24, 3-8. Les éditions du Cerf, Paris, 1998.

[29] L’utilisation d’un autre ingrédient en plus du sang du taureau est à mettre en rapport avec les circonstances du sacrifice. De l’eau de mer est par exemple rajoutée lorsqu’un héros envisage un périple maritime comme lors de l’expédition des Argonautes pour retrouver la Toison d’or. Dans le contexte gaulois de la cueillette du gui, on ne peut pas exclure une mixture à base de sang de taureau et de gui. J’ai par ailleurs consacré un long chapitre au breuvage d’immortalité des druides dans un ouvrage encore non publié.

[30] Désigne un alliage à base de cuivre et de différents métaux, en particulier d’étain, plus connu aujourd’hui sous le nom de bronze.

[31] Plutarque, Les vies des hommes illustres, Tome deuxième, Marius, 23, Traduction A. Pierron, Paris, 1845.

[32] De toute façon les auteurs de l’Antiquité ne mentionnent dans leurs textes que des faits insolites qui peuvent surprendre ou impressionner leur lectorat, Le sacrifice et son déroulement étant connu et pratiqué par tous leurs lecteurs, il est inutile des donner des précisions.

[33] Un holocauste est, dans la Grèce antique, un sacrifice où l’offrande est entièrement consumée. Il en va de même chez les Hébreux de l’Antiquité.

[34] La Bible de Jérusalem, Exode, III, 32, 1-6. Les éditions du Cerf, Paris, 1998.


Pour en savoir plus sur le sacrifice des animaux dans la Grèce antique : Sacrifice et découpe en Grèce ancienne az1987_ns1_a10.pdf (mnhn.fr)