UN ÉTRANGE SYMBOLE VENU DE LA NUIT DES TEMPS

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 3

Le taureau du chaudron de Gundestrup arbore sur le front un motif solaire remontant à la plus haute antiquité. C’est un événement que les anciens ont observé dans le ciel durant la préhistoire qui est à l’origine de ce symbole.

La spirale telle qu’elle est représentée sur le front du taureau du chaudron de Gundestrup est un symbole solaire que l’on retrouve en Égypte sous la forme d’un disque placé entre les cornes d’un taureau. Pourtant c’est en Égée (Grèce et Crète), où se côtoient les deux formes, que se développe l’idée d’une spirale sur le front du taureau qui se répand ensuite dans le monde Indo-Européen.

Prenez place dans la machine à remonter le temps.

UN ÉTRANGE SYMBOLE Détail du chaudron de Gundestrup

Détail du chaudron de Gundestrup, Ier siècle av. J.-C.

Ce symbole d’un soleil tournoyant se retrouve également en Gaule sur le front du taureau d’Avrigney.

UN ÉTRANGE SYMBOLE Détail du taureau d'Avrigney

Tête du taureau à trois cornes, dit d’Avrigney (bronze) daté du 1er siècle après J.-C. Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon

Pour retrouver l’origine de ce symbole solaire il faut remonter le temps jusqu’à l’Égypte de la préhistoire en passant par le monde égéen et la Thrace, lieu de fabrication supposé du chaudron de Gundestrup.

Ce motif héliaque est par exemple présent sur le rhyton[1] d’argent de Poroina Mare (Roumanie).

UN ÉTRANGE SYMBOLE Rhyton d'argent

Vue de trois-quarts du rhyton d’argent, de Poroina Mare, Roumanie. Fin du IVe siècle avant J.-C. National History Museum of Romania. (Photo : © 2021 Capodopere 2019)

Ce vase en argent partiellement doré comportant des scènes religieuses prend vers le bas la forme d’une tête de taureau, l’ensemble est légèrement endommagé puisqu’il manque les oreilles et les cornes de l’animal. Le rhyton est attribué à la culture thraco-gète et daté de la fin du IVe siècle au début du IIIe siècle avant J.-C.

Détail du Rhyton d'argent

Vue de face du rhyton de Poroina Mare avec la spirale sur le front. (Photo : © 2021 Capodopere 2019)

Le front du taureau est orné d’une spirale identique aux hélices que l’on retrouve sur certaines des têtes de taureaux trouvées dans le trésor de Craiova (Roumanie).

UN ÉTRANGE SYMBOLE Trésor de Craiova

Appliques en argent en forme de tête de taureau. La seconde moitié du 4ème siècle avant notre ère. Trésor de Craiova (Roumanie) (Photo J.E Bruce, Pinterest)

Gros plan sur un taureau du trésor de Craiova

Tête de taureau, art thraco-gète, argent doré, Craiova (Roumanie), vers 400 avant J.-C. (Photo K. Madrigal, Pinterest)

Pourtant ces hélices solaires ne se trouvent pas uniquement sur l’ancien territoire des Thraces, mais aussi dans le monde égéen. Comme sur le remarquable rhyton en stéatite noire du palais de Cnossos en Crète. Nous faisons un bond dans le temps puisque cette tête de taureau de style minoen est datée de la période néo-palatiale (1500 et 1400 av. J.-C.).

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 3 Rhyton en pierre de Cnossos

Rhyton en pierre (vase à libation) en forme de tête de taureau du site minoen de Knossos, période néo-palatiale (1600-1500 avant notre ère), Musée archéologique d’Héraklion (Crète). (Photo : M. Cartwright)

Détail d'un taureau de Crète

Détail de la tête du taureau avec son hélice sur le front, Musée archéologique d’Héraklion (Crète). (Photo Carole Raddato)

 Le monde égéen est très intéressant pour notre propos puisque l’on retrouve plusieurs symboles solaires différents, car c’est en Grèce et en Crète que la touffe de poils en forme d’hélice se transforme en rosace d’or. L’or un symbole solaire et royal. L’or devient l’éclat du soleil.

Le meilleur exemple sans conteste est un autre rhyton en forme de tête de taureau du quatrième tombeau à fosse de Mycènes qui porte une rosace d’or sur son front.

UN ÉTRANGE SYMBOLE Rhyton en forme de taureau

Rhyton en forme de taureau du quatrième tombeau à fosse de Mycènes (Musée national archéologique, Athènes) Mycènes, cercle A, tombe IV, XVIe siècle av. J.-C.

Les cornes, la rosace sur le front et le museau du taureau sont couverts d’or. Ce qui n’est pas sans rappeler Homère qui décrit dans un de ses textes la coutume mycénienne de dorer les cornes des taureaux destinés au sacrifice.

Une autre variante du symbole solaire a été retrouvée sur des coupes mycéniennes dans le tombeau de l’Égyptien Senmout. Il s’agit de têtes de taureaux avec des rosaces entre les cornes.

Coupe mycénienne

Coupe mycénienne trouvée dans la tombe de Senmout

Ce qui n’est pas sans rappeler l’image très répandue dans l’art égyptien du taureau qui porte le disque du soleil entre les cornes.

UN ÉTRANGE SYMBOLE. Apis couronné du disque solaire

Masque doré d’une momie d’Apis couronné du disque solaire, découvert au Sérapéum de Saqqarah. Kunsthistorisches Museum Vienne (Autriche) (Source : Wikipedia).

Il s’agit d’une représentation du dieu Apis, taureau sacré de la mythologie égyptienne, adoré à Memphis et qui porte le disque solaire entre ses cornes. Grace au soleil et à la dorure, le taureau lui-même devient lumineux.

Mais d’où vient cette image ?

Ce dieu taureau qui porte l’astre du jour entre ses cornes n’est rien d’autre qu’un représentation de la constellation du taureau, le taureau céleste.

UN ÉTRANGE SYMBOLE. Constellation du Taureau

La constellation du taureau d’après Johann Bayer, Uranometria, 1603 (Source Wallhapp.com)

Mais c’est un événement bien précis qui a donné aux anciens cette image du taureau qui porte le soleil entre ses cornes. C’est lors de l’équinoxe de printemps autour de 3340 av. J.-C. que le soleil se lève entre les cornes de la constellation du taureau. Le phénomène se reproduit chaque année au printemps pendant près de 2160 ans. Mais c’est en -3340 que le soleil est en plein milieu des cornes du taureau céleste.

Constellation du taureau

En 3340 av. J.-C. le soleil se lève entre les cornes de la constellation du Taureau (Source : Stellarium.org). En -4420 le soleil est au niveau de la corne du bas et en -2260 le soleil touche la corne du haut. C’est durant ce laps de temps que le soleil se lève entre les cornes du Taureau. Ces deux dates correspondent au début de et à la fin de l’ère du Taureau.

3340 av. J.-C. peut sembler très ancien et il n’y a pas encore aussi longtemps on faisait commencer la civilisation en 3500 av. J.-C. à Sumer puis un peu plus tard en Égypte vers 3300 av. J.-C. Pourtant des découvertes archéologiques récentes remettent cette chronologie en question. On sait désormais que des temples circulaires ont été construit en Turquie dès 9600 av. J.-C.

Le site de Göbekli Tepe

Le site de Göbekli Tepe, découvert dans le sud de la Turquie dans les années 1990 est un un site préhistorique occupé aux Xe et IXe millénaires av. J.-C. (Source : Teomancimit/Wikipedia Commons)

Sur le site de Tell Qaramel (Syrie) les archéologues ont découvert les vestiges de cinq tours dont l’une a un diamètre de cinq mètres avec des murs d’un mètre d’épaisseur. Ce site abrite les constructions les plus anciennes connues au monde puisqu’elles ont été datées entre 10900 et 9670 av. J.-C. Un autre édifice parmi les plus anciens au monde est la tour de Jéricho en Cisjordanie d’une hauteur de 7.75 mètres et d’une largeur de 9 mètres. Cette tour mystérieuse abritant un culte des crânes est datée de 8300 av. J.-C.

En ce qui concerne l’Égypte le site archéologique de Nabta Playa, localisé à l’ouest d’Abou Simbel est daté du IXe millénaire avant notre ère. Les archéologues pensent que c’est un centre cérémoniel régional.

Cercle de pierres orientées de Nabta Playa

Cercle de pierres orientées de Nabta Playa (6100-5600 av. J.-C.), reconstitution dans les jardins du musée de la Nubie à Assouan. (Source : Raymbetz/Wikipedia Commons)

Le cercle de pierre d’un diamètre de 4 mètres est composé d’une série de blocs de pierres atteignant pour certains 2 mètres de haut.

Cette position remarquable du soleil entre les cornes du taureau céleste s’est donc gravée dans la mémoire des anciens et s’est transmise par des images tout au long de l’histoire. Ce qui implique une observation du ciel étoilé depuis les temps les plus reculés. Un indice dans ce sens semble être la grotte de Lascaux, chef-d’œuvre en péril, dont les fresques sont estimées autour de 18000 ans. La grotte est orientée en direction du coucher de soleil lors du solstice d’été. Ce qui signifie dans la pratique qu’un observateur ne peut voir les peintures éclairées par les rayons du soleil couchant uniquement lors de cet événement estival. La cavité semble être également une carte du ciel, car n’est-ce pas une extraordinaire coïncidence qu’au-dessus de la nuque d’un taureau se trouve une formation de points à l’endroit exact où l’on s’attend à trouver l’amas des Pléiades[2].

Tête du grand Taureau céleste et l’amas des Pléiades

Tête du grand Taureau céleste et l’amas des Pléiades. © Ministère de la Culture et de la Communication (France)

Carte du ciel Constellation du Taureau

Partie du ciel étoilé qui réunie la constellation du Taureau (Taurus) et l’amas des Pléiades.  (Carte éditée par l’Association française d’astronomie).

Les Pléiades sont sept sœurs, les filles d’Atlas. Poursuivies par le chasseur Orion, elles implorèrent l’aide de Zeus, qui les transforma en colombes et les plaça dans le ciel[3].

Sept sœurs ?

Pourtant dans la grotte nous ne voyons que six points sur l’épaule du taureau. Écoutons ce que nous dit Ératosthène, astronome, géographe, philosophe et mathématicien grec du III e siècle av. J. -C.

La Pléiade[4] se trouve sur ce qu’on nomme la coupure de l’image au niveau de l’échine du Taureau. Elle est constituée par un amas de sept étoiles, qu’on dit être les filles d’Atlas, raison pour laquelle on l’appelle aussi « Heptastère » (Celle qui a sept étoiles). On n’en voit pourtant pas sept, mais seulement six, et voici à peu près comment on l’explique : on raconte que six d’entre elles s’unirent à des dieux et la dernière à un mortel. Trois s’unirent à Zeus : Électra, dont naquit Dardanos, Maïa, dont naquit Hermès, et Taygèté, dont naquit Lacédémon ; deux s’unirent à Poséidon : Alcyoné, dont naquit Hyriée, et Kélæno, dont naquit Lykos ; quant à Stéropé, elle s’unit dit-on, à Arès, et d’elle naquit Oïnomaos. Mais Méropé s’unit à un mortel, Sisyphe, et c’est pour cette raison qu’elle est totalement invisible[5].

©JPS2020

Les Pléiades sont également représentées sur [le disque de Nebra] 

[SAISON 1 ÉPISODE 4]  

[ACCUEIL]


[1] Le Rhyton est un vase sans pied d’une hauteur d’environ 25 cm de haut avec une ouverture dans le fond par laquelle le liquide (presque toujours du vin) s’écoule. Ainsi celui qui boit ne peut s’arrêter que lorsque le récipient est vide. Dans l’Antiquité ces vases façonnés en terre cuite ou en métal ont souvent la forme d’une corne dont l’extrémité se termine par une tête animale. Le rhyton est utilisé lors de cérémonies religieuses.

[2] Cro-Magnon, Premier astronomes de l’humanité ?, Science&Vie, N°1082, Nov. 2007, pp.94-103.

[3] Guide pratique de l’astronomie, Sélection du Reader’s Digest, Paris, 1995, p.215.

[4] La Pléiade ou les Pléiades.

[5] Ératosthène, Le ciel, Mythes et histoire des constellations, Les Catastérismes d’Ératosthène, Traduction P. Charvet et A. Zucker, Nil éditions, Paris, 1998, p.113.


Bibliographie:

François Deshoulières. L’animal au signe solaire. In: Bulletin Monumental, tome 98, n°3, année 1939. p. 346. Disponible sur www.persée.fr L’auteur cite de nombreux autres exemples.

J. P. Siegel, Les dieux des druides, Tome 1, Les astronomes de la préhistoire, (Non publié).