DU TITANIC AU TITAN
Il semble que la dénomination de Titan et de ses dérivés Titanic ou Titania ne porte pas vraiment chance aux navires qui ont porté ce nom.
ÉTYMOLOGIE
Le Titanic tire son nom des Titans. Du grec ancien Τιτανικός, Titanikós (« de Titan »). Ce qui est démesuré, gigantesque, colossal. Dans la mythologie grecque, les Titans (masculin, du grec Τιτάν / Titán et au pluriel Τιτᾶνες / Titânes) et les Titanides (féminin, du grec Τιτανίς / Titanís et au pluriel Τιτανίδες / Titanídes) sont des géants et des géantes, des divinités primordiales qui ont précédé les dieux de l’Olympe. Ils étaient fils et filles d’Ouranos et de Gaïa. Ils luttèrent contre Zeus, à qui ils disputèrent la suprématie sur les cieux, Zeus les vainquit et les précipita dans le Tartare.
Titania est également le nom de la reine des fées dans Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare.
La classe Olympic est une classe de paquebots transatlantiques britannique mis en service pour la White Star Line de 1911 à 1915. Elle comprend l’Olympic (qui donne son nom à la classe), le Titanic, et le Britannic (qui devait à l’origine se nommer Gigantic).
TITANIA 1880
Peu avant minuit, par temps calme, mais avec une visibilité réduite due au brouillard, un bateau à voile, un brick dénommé Titania coule le 9 juillet 1880 après avoir heurté un iceberg dans l’Atlantique Nord alors qu’il faisait route vers le New Brunswick au Canada.
Le 7 juillet, le brick Titania, sous le commandement du capitaine Lloyd, quittait St. John’s (Terre-Neuve), lorsque, à 50 milles au sud-est du cap Spear, il heurte un iceberg vers 12 h 30 dans un épais brouillard. Le capitaine donne l’ordre d’abandonner le navire, et l’équipage monte dans des canots de sauvetage avec des provisions et des effets personnels. Les canots ont dérivé à proximité du navire pendant trois heures et l’équipage a regardé le Titania sombrer lentement. John Rees, le copropriétaire du Titania, est remonté à bord du navire en perdition pour récupérer grosse somme d’argent et de biens qu’il aurait placés à l’arrière du bateau. Cependant, d’un coup l’eau a balayé les ponts et le Titania a plongé en avant puis disparu sous les flots emportant avec lui le malheureux naufragé. 32 ans avant le Titanic, un navire sombre dans des circonstances identiques et portant presque le même nom.
TITANIA 1880
La même année, lors de son voyage inaugural depuis Durham, le S.S. Titania, un navire à vapeur de 1 961 tonneaux de jauge brute, dans un brouillard dense, entre en collision avec un petit bateau de pêche. Le navire a été construit et lancé à Middlesbrough en 1880 pour assurer des voyages réguliers vers New York pour la Red Cross Funnel Line. La collision a considérablement endommagé le navire et il a dû être réparé à Liverpool pendant plusieurs mois avant de mettre le cap sur New York. En novembre de la même année, le navire est pris dans un fort coup de vent du sud-est qui se renforce en ouragan. Dans la matinée, le Titania se retrouve dans un état critique : une partie du pont a été brisée et on déplore des trous du côté tribord au niveau de la mer. Un navire de secours, le Bel Air remorque le Titania jusqu’à Halifax où il est réparé et remis en service.
TITANIA 1882
Le même navire, deux ans plus tard, surchargé de bétail disparait dans une tempête à cinq jours de New York.
TITAN 1898
En 1898 est publié un livre : Le Naufrage du « Titan » (titre original : Futility), roman écrit par Morgan Robertson. Il raconte l’histoire d’un paquebot, le Titan, plus grand navire de son époque, qui sombre dans l’océan Atlantique après avoir heurté un iceberg. Le naufrage cause de nombreuses morts à cause du manque de canots de sauvetage à bord. Le livre est publié quatorze ans avant le naufrage du Titanic.
L’auteur de l’ouvrage, Morgan Robertson (30 septembre 1861 – 24 mars 1915). (Wikimedia Commons).
TITANIC 1912
Le RMS Titanic, paquebot transatlantique britannique de la compagnie White Star Line, fait naufrage dans l’Atlantique Nord en 1912 après une violente collision avec un iceberg, lors de son voyage inaugural de Southampton à New York. Entre 1 490 et 1 520 personnes trouvent la mort, ce qui fait de cet événement l’une des plus grandes catastrophes maritimes. RMS signifie Royal Mail Ship, le préfixe de navire anglais qui désigne à partir de 1850 les navires des compagnies privées sous contrat transportant le courrier de la poste britannique à l’étranger.
Le Titanic à Southampton le 10 avril 1912. (Wikimedia Commons).
LE NAUFRAGE
Le 14 avril 1912, quatre jours après le commencement de son voyage inaugural, le Titanic heurte un iceberg à 23 h 40 (heure locale) et coule le 15 avril 1912 à 2 h 20 au large de Terre-Neuve. Le drame met en évidence l’insuffisance des règles de sécurité de l’époque, notamment le manque de canots de sauvetage.
Naufrage du Titanic gravure de Willy Stöwer. (Wikimedia Commons).
TITANIA 1918
Le S.S. Titania est un navire destiné au transport de passagers, en service de 1908 à 1916. Durant la Première guerre mondiale le navire est réquisitionné sous le nom de HMS Tithonus. Il est torpillé et coulé en 1918 par le sous-marin allemand UB-72 à 50 milles nautiques (93 km) à l’est d’Aberdeen (Écosse). S.S. signifie Steamer Ship, soit bateau à vapeur en anglais. HMS est l’abrévation de His Majesty’s Ship.
Le S.S. Titania. Le navire a été utilisé par les Britanniques et a été torpillé dans la mer d’Islande en 1918 (sous le nom de HMS Tithonus).
TITANIC ET TITAN
Les similitudes entre la catastrophe du Titanic et l’histoire imaginée par Robertson sont nombreuses :
La longueur des navires : Titanic 269 mètres, Titan 244 mètres.
Les deux navires étaient construits en acier, avaient trois hélices et deux mâts.
Les deux navires avaient des cloisons étanches. Le Titan en avait 19, le Titanic 16.
Les deux navires étaient considérés comme insubmersibles.
Les deux navires étaient les plus grands navires à passagers de leur époque.
Les deux navires pouvaient transporter 3 000 passagers.
La jauge brute de Titan était de 45 000 et celle du Titanic de 46 328.
Les deux navires avaient trop peu de canots de sauvetage.
Le dernier voyage des navires a eu lieu en avril.
Les deux navires sont entrés en collision avec un iceberg et ont été endommagés du côté tribord.
Les endroits où les deux navires ont coulé n’étaient qu’à quelques centaines de kilomètres l’un de l’autre.
Les deux navires appartenaient à des compagnies maritimes britanniques basées à Liverpool et avaient une succursale à Broadway à New York.
Prémonitions ou tout simplement les excellentes connaissances maritimes de l’auteur, qui lui ont permis d’anticiper ce qui se passerait tôt ou tard ?
L’auteur est, il faut le préciser, le fils d’un capitaine et a passé une partie de sa jeunesse à bord de bateaux.
LOCALISATION DE L’ÉPAVE DU TITANIC
L’épave du Titanic est localisée le 1er septembre 1985 par le professeur Robert Ballard. Le navire gît à 3 821 mètres de profondeur à 650 km au sud-est de Terre-Neuve.
La proue de l’épave du Titanic, photographiée en juin 2004. (Wikimedia Commons).
TITAN 2023
Dimanche 18 juin 2023. Cinq passagers ont perdu la vie lors du naufrage du Titan, sous-marin touristique destiné à visiter l’épave du Titanic.
La tragédie du Titan en quelques chiffres.
Après son implosion, le submersible n’est plus qu’un « champ de débris » retrouvé par les robots de recherche près du Titanic, à seulement 500 mètres de l’épave mythique, par près de 4 000 mètres de fonds. Le Titan, construit par OceanGate, a été conçu pour supporter la pression extrême de l’eau à la profondeur du Titanic et avait déjà plongé à ce niveau. Mais des doutes sur la sécurité à bord, et notamment sur sa coque en fibres de carbone révolutionnaire, avaient déjà été émis dans le passé. Le submersible pourrait s’être désintégré sous le poids de la pression colossale des abysses. Sa coque en fibre de carbone, innovante mais non éprouvée, pourrait en être la cause.
Le Titan, le sous-marin touristique porté disparu près de l’épave du Titanic. © BFMTV
L’ANCÊTRE DES TITANS
Cependant tous les navires portant le nom de Titan ou d’un de ses dérivés n’ont pas disparu dans une tragédie. En voici deux qui ont fait une longue carrière, parfois dans des circonstances dangereuses.
Le clipper Titania, construit par Robert Steele & Co. à Greenock, en Écosse en 1866 qui a navigué sur tous les océans du globe. Il a participé notamment à plusieurs « Tea Races ».
Le clipper Titania. Carte postale réalisée à partir d’un tableau de Jack Spurling (1870–1933). (Source : Bibliothèque d’État de Victoria Australie).
Les clippers transportant des cargaisons de thé de la Chine vers la Grande-Bretagne s’affrontaient dans des courses informelles pour être le premier navire à accoster à Londres avec la nouvelle récolte de chaque saison. Le 29 juin, alors qu’il naviguait vers Shanghai lors d’une tempête, le Titania faillit entrer en collision avec l’Ariel qui se dirigeait vers l’Angleterre avec une cargaison de thé. Les deux capitaines évitent la collision de justesse. Le Titania remporte la course notamment en 1869 et 1871, l’âge d’or des « Tea Races ». En 1880, après un violent typhon le Titania s’échoue sur la rive sablonneuse de la rivière Malecón, à Manille. Le navire est réparé et reprend la mer. La même année le Titania a démâté trois fois au cours de violentes tempêtes dans le détroit de la Sonde, mais a toujours pu regagner un port. En 1893 le Titania entre en collision avec le vapeur Konoowarra et est gravement endommagé, il est remorqué jusqu’à Sidney (Australie).
Le Titania à quai à Sydney après une collision avec le S.S. Konoowarra au large de Green Cape vers 1894. (Source: Bibliothèque nationale d’Australie).
Après une longue carrière, le Titania a été désarmé à Marseille en 1910, victime de la chute des prix du fret. Deux ans avant le naufrage du Titanic.
UN AUTRE SURVIVANT
Le HMS Titania était un navire dépôt pour les sous-marins de la Royal Navy. La plupart de ceux qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale ont été mis au rebut dans les années 1930. Le Titania, cependant, a servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été démantelé à Faslane, en Écosse, en septembre 1949. Ce navire a traversé les deux guerres mondiales sans encombres.
HMS Titania, navire de dépôt de sous-marins de La Royal Navy pendant la Première Guerre mondiale. Un navire de dépôt est un navire auxiliaire utilisé comme base mobile ou fixe pour les sous-marins, les destroyers, les dragueurs de mines.
LA DESTINÉE DES NAVIRES DE LA CLASSE OLYMPIC
Cette classe de paquebots transatlantiques comprend l’Olympic, le Titanic et le Britannic (qui devait à l’origine se nommer Gigantic).
OLYMPIC
L’Olympic est lancé le 20 octobre 1910 et mis en service le 14 juin 1911. Le 20 septembre suivant, il entre en collision avec le croiseur Hawke dans le port de Southampton, ce qui entraîne son retour aux chantiers Harland & Wolff pour des réparations.
L’Olympic arrivant à New York lors de son voyage inaugural, le 21 juin 1911. (Wikimedia Commons).
Après le naufrage du Titanic, l’Olympic subit une importante refonte pour améliorer sa sécurité. Il reprend ensuite son service commercial en mars 1913.
Durant la Première Guerre mondiale, le paquebot est placé sous le commandement du Capitaine Bertram Hayes et sert comme transport de troupes. En mai 1918, il éperonne et coule le sous-marin allemand U-103. De retour à la vie commerciale en 1920, il sillonne l’Atlantique avec deux paquebots saisis à l’Allemagne, le Majestic et l’Homeric. Sa carrière est troublée en 1934 par une collision avec un bateau-feu de Nantucket qui entraîne la mort de 7 marins sur les 11 à bord.
L’Olympic est retiré du service en avril 1935 pour être finalement démoli en 1937.
BRITANNIC
Le Britannic est le troisième navire de classe Olympic, il fut construit peu après eux, et devait à l’origine être nommé Gigantic. Il est lancé le 26 février 1914. Il est alors conçu pour être le plus sûr et le plus luxueux des trois navires, en tirant notamment des leçons du naufrage du Titanic. Il ne connaîtra cependant jamais de carrière commerciale. Réquisitionné par la Royal Navy pendant la Première Guerre mondiale en tant que navire-hôpital, il navigue en 1915 et 1916 entre le Royaume-Uni et les Dardanelles, où les Alliés subissent un sanglant revers.
Le Britannic après sa transformation en navire-hôpital. (Wikimedia Commons).
Lors de sa sixième traversée, il sombre en mer Égée le 21 novembre 1916 en un peu moins d’une heure, probablement après avoir heurté une mine posée par l’U-boot 73. Sur les 1 125 personnes présentes à bord, 30 périssent et 45 sont blessées. L’épave est localisée et explorée par Jacques-Yves Cousteau en 1975. Il s’agit de la plus grande épave de paquebot au monde.
Évacuation des occupants lors du naufrage du Britannic. (Wikimedia Commons).
L’ÉTRANGE DESTIN DE DEUX RESCAPÉS DU TITANIC
Deux des navires de la classe Olympic ont fait naufrage : le Titanic et le Britannic. Deux rescapés de la catastrophe du Titanic Violet Jessop et Arthur John Priest se sortent également indemne du naufrage du Britannic.
À noter que Violet Constance Jessop (2 octobre 1887 – 5 mai 1971), une hôtesse et infirmière britannique a survécu aux principaux accidents des trois sister-ships géants de la White Star Line, les navires de la classe Olympic. En effet, elle sert comme hôtesse à bord de l’Olympic quand il heurte le croiseur HMS Hawke le 20 septembre 1911. Elle se trouve également à bord du Titanic lorsqu’il fait naufrage le 15 avril 1912, et sert en tant qu’infirmière volontaire à bord du Britannic lorsqu’il fait naufrage en mer Egée le 21 novembre 1916.
Violet Jessop, hôtesse à bord du Titanic, photographiée en 1915 en tenue d’infirmière pour la Croix Rouge. Également survivante du naufrage du Britannic. (Wikimedia Commons).
Quant à Priest, il a survécu à quatre naufrages de navires et à deux collisions majeures, la plupart pendant la Première Guerre mondiale. Les navires en question étaient le paquebot RMS Asturias (collision lors de son voyage inaugural en 1908), le paquebot RMS Olympic (collision avec le HMS Hawke en 1911), le paquebot RMS Titanic (coule après avoir percuté un iceberg en 1912), le paquebot HMS Alcantara (coulé au combat avec le SMS Greif en 1916), le paquebot HMHS Britannic (coulé par une mine en 1916) et le S.S. Donegal (torpillé par le sous-marin SM UC-27 en 1917).
Vue d’artiste du HMS Alcantara et du SMS Greif s’engageant l’un contre l’autre. (Wikimedia Commons).