LES LANGUES CELTIQUES
LES DRUIDES SAISON 1 ANNEXE 17
Les problèmes soulevés par l’étude des langues disparues sont complexes, notamment en ce qui concerne les langues celtiques. Cependant des découvertes récentes permettent d’apporter quelques éléments de réponse.
LA RÉPARTITION DES LANGUES CELTIQUES
Dans l’Antiquité les langues celtiques occupaient d’immenses territoires :
La Gaule transalpine (France, Belgique Suisse)
La Gaule cisalpine (Italie du Nord)
Le Sud de l’Allemagne
Les îles britanniques
Le centre et le nord-ouest de la péninsule ibérique
Une grande partie de l’Europe centrale
Le centre de la Turquie actuelle
Peuplement celte en Europe et en Asie Mineure : en jaune, la civilisation de Hallstatt, en vert clair, l’expansion maximum, en vert foncé, les nations celtiques au Moyen Âge et les zones linguistiques contemporaines. (Source Wikimedia Commons).
Les langues celtiques sont une branche de la famille des langues indo-européennes. Cette famille de langues est généralement subdivisée en huit branches :
L’indo-iranien
Le grec
L’arménien
Le germanique
Le celtique
L’italique
Le balto-slave
L’albanais
Auxquelles s’ajoutent deux branches majeures éteintes :
Le hittite (fait partie des langues anatoliennes parlées en Anatolie aux IIe et Ier millénaires avant notre ère).
Le tokharien (parlé et écrit dans le bassin du Tarim au Ier millénaire apr. J.-C., au sud de l’actuelle région autonome du Xinjiang en Chine).
Les langues celtiques regroupent :
LES LANGUES CELTIQUES CONTINENTALES : parlées par les peuples celtes de l’âge du fer jusqu’à l’Antiquité tardive en Europe continentale.
Le gaulois (France, Belgique, Suisse, Italie du Nord).
Le lépontique (Italie du Nord).
Le celtibère (ouest de l’Espagne)
Le galate (Galatie, région de la Turquie actuelle)
Ces quatre langues sont les seules attestées par des inscriptions[1] utilisant différents alphabets : étrusque, grec, latin. Il est probable qu’il existait d’autres langues celtiques dont nous ignorons l’existence parce qu’elles n’ont pas laissée de traces écrites.
LES LANGUES CELTIQUES INSULAIRES : parlées jusqu’à nos jours dans les îles Britanniques et en Bretagne. Elles se divisent en deux sous-groupes :
Les langues gaéliques :
l’irlandais (Irlande).
le gaélique écossais (Écosse)
le mannois (île de Man).
Ces trois langues dérivent du vieil irlandais parlé entre le VIIIe siècle et le Xe siècle.
Les langues brittoniques :
le gallois (Pays de Galles)
le cornique (Cornouailles, Royaume-Uni)
le breton (Bretagne, France), dialectalement plus proche du cornique que du gallois, il est classé parmi les langues celtiques insulaires.
Ces trois langues dérivent du brittonique ancien. Les langues brittoniques sont plus proches des langues celtiques continentales (gaulois, lépontique) que des langues gaéliques d’Irlande et d’Écosse.
Les pays celtiques modernes : nations ou territoires historiques possédant une langue celtique vivante : au nord : Écosse, Irlande, île de Man, ; au sud : Galles, Cornouailles, Bretagne. (Source Wikimedia Commons).
Ce qui distingue les langues brittoniques et gaéliques est l’évolution du vieux phonème indo-européen kw qui devient un P dans les langues brittoniques, mais aussi dans les langues continentales (gaulois et lépontique). Dans les langues gaéliques et le celtibère le kw indo-européen devient kw (noté Q ou C). Par exemple l’indo-européen *kʷenos « tête » devient en gaulois pennos, en viel irlandais cenn, en gallois pen et en breton penn. Le mot « fils » en celtique montre bien la différence entre les langues en Q et les langues en P. En irlandais mac et en brittonique map (souvent écrit mab). Au dieu gaulois Maponos « le fils divin » correspond exactement Mabon, personnage des textes mythologiques du Pays de Galles. Au patronymes irlandais ou écossais en Mac « fils de »[2], MacArthur, MacCartney, MacLaren, MacLeod (abrégé sous la forme Mc, McArthur, McCartney, McLaren, McLeod). Correspond la forme Mab des récits gallois par exemple le héros Peredur ab Evrawc, Peredur (m)ab Evrawc (Peredur, fils d’Evrawc).
UN CAS QUI RESTE PROBLÉMATIQUE
Le Tartessien
Le tartessien désigne une langue morte de la péninsule Ibérique et rattaché à la culture de Tartessos. Elle couvre une zone au sud du Tage partie Portugal, et l’Andalousie de l’ouest partie Espagne. Des stèles gravées datées du VIIe siècle av. J.-C. ont été écrites en une langue tartessienne récemment reconnue comme appartenant à la famille des langues celtiques.
Inscription tartessienne et stèle guerrière d’Abóbada, Portugal. (Jane Aaron)
La découverte est controversée, et laissons les linguistes à leurs querelles habituelles lorsqu’il s’agit de découvertes révolutionnaires. Notons toutefois que dans les textes antiques (Hérodote) le souverain tartessien porte le nom d’Arganthonios, nom dans lequel on peut reconnaître le mot celtique pour « argent », airgead irlandais, arien gallois, ancien arganto en celtique continental. Hérodote mentionne également les Kune-tes, habitants de l’Algarve, « le peuple le plus occidental d’Europe » et voisins des Keltoi (Celtes). Le nom de ce peuple contient le mot celtique « chien », d’où « guerrier », « héros » (par exemple le plus grand héros des mythes irlandais Cú Chulainn qui signifie « le chien de Culann ») Car si le tartessien est une langue celtique avérée, alors il est trop ancien et réduit à néant la théorie d’une celtisation récente des îles britanniques à partir du continent. Cela implique une expansion très ancienne des langues celtiques et des peuples qui en sont les locuteurs. La mythologie irlandaise a gardé une trace de cette migration ancienne dans le Lebor Gabála Érenn, le livre des conquêtes de l’Irlande. Le mythe raconte que les fils de Mile, ancêtres des Gaëls, qui se sont installés en Irlande sont venu en provenance de la péninsule ibérique.
Cette existence ancienne d’un arc atlantique de langues celtiques en « q » comme le gaélique et le celtibère semble aller dans le sens de l’hypothèse d’un complexe culturel atlantique séparé du complexe culturel nord-alpin qui verra se développer les langues celtiques en « p » dont une partie se répandra que bien plus tard dans les îles britanniques.
UN CAS ENCORE PLUS PROBLÉMATIQUE
Le paléo-Européen (en allemand alteuropäisch, en anglais Old European)
Nous avons proposé l’hypothèse que les porteurs de la culture campaniforme (2600-1900 av.-C.) qui devaient être probablement les premiers locuteurs d’une langue celtique en Europe. Or, il existe en Europe une langue disparue très ancienne : le paléo-européen. Langue que l’on retrouve dans le nom des rivières et des fleuves. Ces hydronymes sont datés du IIe millénaire av. J.-C. et couvrent une grande partie de l’Europe occidentale. La culture campaniforme est le seul phénomène archéologique de toute la préhistoire ayant une étendue comparable à celle des noms de rivières de la moitié occidentale de l’Europe. Il semble donc logique d’attribuer le paléo-européen aux porteurs de la culture campaniforme. Le statut de cette langue n’est pas clairement défini. Langue disparue puis recouverte par de nouvelles vagues de porteurs de langues indo-européennes, indo-européen originel d’avant la séparation en différentes langues, indo-européen ancestral du groupe européen (celtique, germanique, italique…). Ou celtique archaïque ? Hélas, si les linguistes ne sont pas d’accord entre eux pour attribuer une origine celtique au tartessien, daté du VIIe siècle av. J.-C. Comment pourraient-ils tomber d’accord sur une langue datée du IIe millénaire av. J.-C. ?
QUELQUES ETHNONYMES CELTIQUES
Keltoi, Galates (Celtes, Galates) : nom utilisé par les Grecs pour désigner les Celtes d’Europe centrale.
Galli (Gaulois): nom utilisé par les Romains pour désigner les Celtes d’Europe occidentale.
Celtibère : Celtes de la péninsule ibérique.
Britani (Bretons) : Celtes de Grande-Bretagne.
Goidhel (Gaëls) : Celtes d’Irlande.
Kymri (Gallois) : Celtes du Pays de Galles
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Sources :
Yvan Guéhennec, Aux origines des langues celtiques, Institut culturel de Bretagne, 2016.
Bernard Sergent, Les Indo-Européens, Histoire, langues et mythes, Éditions Payot et Rivages, Paris, 1995.
[1] Inscriptions funéraires et votives, légendes monétaires, dédicaces, marques de propriété, des estampilles de potiers, des indications calendaires (Coligny), invocations sur des plaques en plomb etc.
[2] Par exemple le gaélique Mac Dhòmhnaill (MacDonald en anglais) signifie « fils de Donald ».