LA TOXICITÉ DU SANG DE TAUREAU DANS L’ANTIQUITÉ

LES DRUIDES SAISON 1 ANNEXE 3

Le sang du taureau est dans l’Antiquité gréco-romaine considéré comme toxique. Plusieurs auteurs y font allusion.

Par exemple Hérodote:

Mais Psamménite, ayant conspiré contre l’État, en reçut le salaire ; car, ayant sollicité les Égyptiens à la révolte, il fut découvert, et ayant été convaincu par Cambyse, ce prince le condamna à boire du sang de taureau, dont il mourut sur-le-champ. Telle fut sa fin malheureuse[1].

Ou encore Strabon:

Les Cimmériens, qu’on désigne quelquefois sous ce même nom de Trères (sinon toute la nation, au moins l’une de ses tribus), ont également à plusieurs reprises envahi les provinces qui s’étendent à la droite du Pont, soit la Paphlagonie soit même la Phrygie, l’une de leurs incursions en ce dernier pays coïncidant précisément avec l’époque où le roi Midas mit fin, dit-on, à ses jours en buvant du sang de taureau[2]

Et pour finir nous avons le texte de Diodore de Sicile :

Suivant quelques historiens, Xerxès, désireux d’entreprendre une nouvelle expédition contre la Grèce, proposa à Thémistocle le commandement de toute l’armée ; Thémistocle se rendit aux désirs du roi, qui s’engagea par un serment à ne point marcher contre les Grecs, sans Thémistocle ; un taureau fut égorgé pour la confirmation de ce serment ; Thémistocle but une coupe pleine de sang et expira sur-le-champ. Cet événement, ajoutent ces historiens, fit renoncer Xerxès à son entreprise ; et Thémistocle laissa dans sa mort la plus belle défense et la preuve du dévouement avec lequel il avait servi sa patrie[3].

Si le rituel du serment par le sang est bien attesté, il prend une fin abrupte avec le décès de Thémistocle puisqu’il boit du sang de taureau et meurt. Pourtant le sang d’un taureau est parfaitement comestible et il faut chercher une explication ailleurs. Certainement politique. Thémistocle ( v. 524-459 av. J.-C.) est un homme d’état et stratège athénien. Principal artisan de la victoire grecque contre les Perses. Il est néanmoins banni de son pays. En danger de mort, il se réfugie chez ses pires ennemis. En échange de son hospitalité, il promet au roi des Perses de soumettre le monde grec.

C’est finalement Plutarque qui nous donne la clef de l’énigme.

Des courriers sont expédiés à Magnésie, et ils portent à Thémistocle, au nom du roi, l’ordre de prendre en main le commandement de l’expédition contre les Grecs, et de s’acquitter de ses promesses. Mais Thémistocle ne retrouva plus dans son cœur assez de ressentiment contre ses concitoyens ; et la gloire et la puissance qui lui étaient offertes ne purent pas davantage le décider à la guerre. Peut-être croyait-il le succès impossible ; car la Grèce avait alors plus d’un grand général, entre autres Cimon, qu’un bonheur singulier accompagnait dans toutes ses entreprises. Mais un motif surtout l’arrêtait, c’était la honte qu’il y aurait, pour lui, à flétrir la gloire de ses exploits et tant de trophées illustres. Aussi prit-il la magnanime résolution de couronner sa vie par une fin digne de lui. Il fit un sacrifice aux dieux, assembla ses amis ; et, après un embrassement d’adieu, il but, suivant la tradition vulgaire, du sang de taureau, ou, comme d’autres disent, un poison très-actif. C’est ainsi qu’il mourut à Magnésie, âgé de soixante-cinq ans, après une vie passée presque tout entière dans l’administration des affaires publiques et dans le commandement des armées[4].

Nous avons vu dans un article précédent que le sang du taureau pouvait être assaisonné suivant les circonstances avec différents ingrédients. C’est pourquoi, il semble que Thémistocle pour ne pas trahir ses compatriotes grecs boit sans doute un mélange de sang et de poison pour échapper au serment prêté devant le roi et les dieux.

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[1] Hérodote, Livre III, 15, Traduction par Larcher, Charpentier, Paris 1850.

[2] Strabon, Géographie, Livre I, 3, 21, Traduction A. Tardieu, Paris 1867.

[3] Diodore de Sicile, Bibliothèque Historique, XI, 58, Traduction F. Hoefer, Paris 1865.

[4] Plutarque, Vie des hommes Illustres, Vie de Thémistocle, Traduction A. Pierron, Charpentier, Paris, 1853.


À voir également: Alain Touwaide, Le sang de taureau, in L’antiquité classique, Tome 48, fasc.1, 1979, pp. 5-14. Consultable sur www.persée.fr

La plupart des textes des auteurs de l’Antiquité sont consultables sur le site de Philippe Remacle: remacle.org

LA TOXICITÉ DU SANG DE TAUREAU

Héraklès et le Taureau de Crète. Détail d’un lécythe attique à figures noires, vers 480-470 av. J.-C. Découvert à Athènes. (Wikimedia Commons)

Pour en savoir plus : Le sang du taureau: Le sang de taureau (persee.fr)

LA TOXICITÉ DU SANG DE TAUREAU