LA PYRAMIDE DU MONT D’ACCODDI (SARDAIGNE)

Site archéologique mégalithique situé entre Sassari et Porto Torres (Sardaigne). La première phase de construction est sans doute contemporaine de la culture d’Ozieri, entre 4300 et 3700 av. J.-C. Le monument est unique en Europe et diversement décrit comme un autel, un temple ou une pyramide. C’est en fait un temple à gradins qui rappelle beaucoup plus les ziggurats mésopotamiennes que les pyramides d’Égypte.

La pyramide du Mont d’Accoddi et sa rampe d’accès (Sassari, Sardaigne). Devant la pyramide une pierre sphérique considérée comme un omphalos, un centre du monde, sans qu’aucun indice n’explique sa fonction ni son usage. A droite, une grande dalle, posée sur trois pierres, mesurant environ trois mètres sur trois mètres et pesant plus de huit tonnes, recouvre une petite cavité naturelle. les nombreux restes d’ossements d’animaux découverts alentour pourraient accréditer l’idée de rituels impliquant des sacrifices d’animaux. ©MW2019

Le monument est composé d’une vaste plateforme surélevée à forme de tronc de pyramide de 27 × 27 m et d’une hauteur avoisinant 5,5 m accessible par une rampe. Au début du IIIe millénaire av. J.-C. le site a probablement été abandonné (des traces de feu font penser à un incendie). Après cette phase d’oubli, la reconstruction du sanctuaire commence vers 2800 av. J.-C. La structure a été complètement recouverte de remblais constitués de couches alternées de terre, de pierres ainsi que de marne en poudre tassée. Le remblai est retenu par un revêtement extérieur réalisé à l’aide de grands blocs calcaires créant de fait une seconde plateforme pyramidale à gradins de 36 × 29 × 10 m accessible à l’aide d’une seconde rampe de 41,80 m de long, construite au-dessus de l’ancienne et qui permet d’accéder au sommet. Sur la plateforme a été érigée une vaste pièce rectangulaire mesurant 12,5 × 7,2 m, appelée « temple rouge » parce que la majeure partie de sa surface est de couleur rouge ocre.

Reconstitution probable de la pyramide d’Accoddi et du temple qui la surmonte. (Photo MW2019 d’après un plan du site).

À titre de comparaison, l’image d’une ziggurats mésopotamiennes

https://www.techno-science.net/illustration/Definitions/1200px/z/ziggurat-of-ur_89124c38d7fc5218fe64b8d9d3217426.jpg

Tentative de reconstitution de la ziggurat d’Ur. (Wikimedia Commons).

L’idée reste la même, en plus monumental, une rampe d’accès pour « monter » au ciel rejoindre les dieux. Au sommet un temple que l’on pourrait appeler la « maison des dieux ». Les populations qui ont colonisé l’Europe au néolithique sont originaires du croissant fertile, de l’Anatolie la Mésopotamie. Il semble probable que ces premiers agriculteurs et éleveurs aient amené avec eux non seulement leur mode de vie et de nouvelles techniques, mais également leurs dieux et même l’idée des temples sur terrasse, ces édifices qui allaient devenir en Mésopotamie les fameuses ziggurats.

undefined

Expansion néolithique de la culture de la céramique cardiale et de la culture rubanée en Europe d’après l’archéologie. (Wikimedia Commons).

UN SANCTUAIRE DES PLUS ANCIENS

En Sardaigne, l’édifice a conservé sa fonction religieuse durant des siècles et a fini par être abandonné à l’âge du bronze antique (vers l’an 1800 av. J.-C.) Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la partie supérieure du site a été endommagée par le creusement de tranchées afin d’installer des batteries antiaériennes. Le centre spirituel antique comporte plusieurs éléments essentiels comme le montre l’exemple plus tardif de Delphes en Grèce. Un arbre sacré qui peut être remplacé par un pilier. L’omphalos, une pierre symbolisant le centre du monde. Un grand récipient qui sert à la divination. Une fosse oraculaire. La tombe d’un dieu. Une idole en bois, effigie du dieu taillé de façon grossière d’un seul bloc dans un tronc d’arbre. Les armes sacrés, lance, épée, bouclier. Un foyer circulaire dans lequel brûle un feu perpétuel. Une source proche du bâtiment dont l’eau sacrée est utilisé lors des cérémonies. Une place pour les sacrifices et les offrandes avant de pénétrer à l’intérieur le temple. Et ne pas oublier les serpents qui dans les temps les plus anciens sont nourris soignés à l’intérieur du temple. Lors de la migration des Indo-Européens vers l’Ouest, leur dieu tueur de dragon, Apollon chez les Grecs, tue le serpent, l’ancien dieu des autochtones, et prend sa place dans le sanctuaire.

Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais -

Apollon et le serpent Python, Coupe laconienne à figures noires, Vers 550-540 av J.C. Paris, musée du Louvre.

Il ne reste aucun vestige de ces divers éléments à Delphes, cependant les textes antiques les décrivent de façon détaillés. Certains de ces éléments sont encore visibles autour du temple d’Accoddi comme le pilier de pierre, la pierre sacrée et l’aire des sacrifices.

LE CENTRE DU MONDE

Dans l’Antiquité classique, l’omphalos est un symbole du centre du monde. L’omphalos était généralement matérialisé sous l’apparence d’une pierre sacrée, un bétyle. Le plus célèbre est celui de Delphes, situé dans l’adyton du temple oraculaire d’Apollon.

Ces pierres sacrées sont souvent associées aux météorites, pierres tombées du ciel, dans lesquelles les anciens voyaient la manifestation d’une divinité céleste.

Revers d’une monnaie d’Uranius Antoninus (vers 253) représentant le temple du dieu solaire Élagabal à Émèse et son bétyle. (Source Wikipédia)

Le menhir ou pilier de pierre symbolise l’axe terrestre qui soutient la voûte céleste. C’est l’arbre cosmique ou arbre de vie qui se trouve dans un jardin paradisiaque dont les fruits, des pommes en or donnent l’immortalité. Par exemple les pommes d’or du jardin des Hespérides chez les Grecs ou l’arbre de vie de la Bible. Les pommes d’or symbolisent les étoiles qui scintillent sur la voûte céleste.

Menhir, haut de quatre mètres cinquante et pesant plus de six tonnes, se dressant à proximité de la rampe. ©MW2019

©JPS2022