LA MAIN EN BOIS DU CAPITAINE DANJOU
Comment la main en bois d’un héros de la bataille de Camerone est devenue une relique de la Légion Étrangère.
BIOGRAPHIE DU CAPITAINE DANJOU
Jean Danjou, officier militaire français du second Empire, né le 15 avril 1828 à Chalabre (Aude), tué au combat le 30 avril 1863 à Camerone (Mexique). Entre à l’école de Saint-Cyr en 1847. Promu sous-lieutenant, Jean Danjou est affecté au 51e de Ligne. En 1852, il est muté au 2e Régiment étranger, créé en 1841.
Portrait du capitaine Jean Danjou, Aubagne, musée de la Légion étrangère. (Wikimedia Commons).
Il s’illustra notamment en résistant à une armée de plus de 2 000 Mexicains lors de la bataille de Camerone, le 30 avril 1863. Lors de cette bataille, il commandait la 3e compagnie du Régiment étranger et disposait de seulement 62 hommes.
CARRIÈRE MILITAIRE
Le 1er mai 1853, au cours d’une expédition topographique en Algérie, il perd la main gauche à la suite de l’explosion de son fusil. Il la remplacera par une prothèse articulée en bois.
La main articulée du capitaine Danjou. Source : www.facebook.com/LegionetrangereOfficiel
Promu lieutenant le 23 décembre 1853, puis capitaine le 9 juin 1855 à titre exceptionnel au cours du siège de Sébastopol, port d’attache de la Marine impériale russe sur la mer Noire.
Le siège de Sébastopol est l’épisode principal de la guerre de Crimée qui opposa les troupes alliées (britanniques, françaises et sardes) aux Russes qui dura onze mois, du 9 octobre 1854 au 11 septembre 1855.
Franz Roubaud. Détail de son tableau panoramique Le Siège de Sébastopol (1904).
Ensuite Danjou devient capitaine adjudant major le 18 septembre 1855 et reçoit la croix de chevalier de la Légion d’honneur en 1856.
En 1859 pendant la campagne d’Italie, le capitaine Danjou est présent aux batailles de Magenta et de Solférino.
La bataille de Magenta, livrée le 4 juin 1859, se termine par une victoire franco-sarde conduite par Napoléon III contre les Autrichiens du maréchal Ferencz Gyulai.
La bataille de Solférino a lieu le 24 juin 1859. Elle se déroule en Lombardie, dans la province de Mantoue, et se conclut par une victoire des armées françaises de Napoléon III et sarde sur l’armée autrichienne de l’empereur François-Joseph.
Embarqué le 9 février 1863 à Mers-el-Kebir (Algérie), il débarque à Veracruz (Mexique) le 25 mars. Lors de l’expédition du Mexique (1861-1867), le capitaine Danjou est tué le 30 avril 1863 à Camerone, au cours d’une bataille restée mythique, durant laquelle 63 légionnaires (dont il avait pris ce jour-là le commandement) firent face à environ 2 000 soldats de l’armée mexicaine.
INTERVENTION FRANÇAISE AU MEXIQUE
L’intervention du Mexique, décidée par Napoléon III, est une expédition militaire française qui eut lieu de 1861 à 1867 et avait pour objectif de soustraire le pays à la domination des États d’Amérique du Nord et de mettre en place au Mexique un régime favorable aux intérêts français. En 1862, l’empereur Napoléon III expédie 6 000 hommes au Mexique. La Légion étrangère, basée à Sidi-bel-Abbès en Oranie, est envoyée en renfort pour assurer la sécurité d’un axe vital de 120 kilomètres emprunté par des convois régulièrement attaqués. Embarqués sur le « Saint-Louis » les légionnaires arrivent dans le port de Veracruz le 26 mars 1863. Le 29 avril 1863, le colonel Jeanningros apprend que les forces juaristes préparent une embuscade à Palo Verde, sur un convoi composé d’une trentaine de bêtes de somme et d’une soixantaine de chariots transportant une importante somme d’argent (trois millions en or), du matériel de siège, des canons et leurs affûts, des fusils et des munitions ainsi que des vivres et des médicaments. Le 30 avril, Jeanningros, commandant supérieur de la Veracruz et des Terres Chaudes[1], demande au 3ème Régiment d’étranger du capitaine Danjou de faire une reconnaissance près de Palo Verde. À Camerone, à une dizaine de kilomètres de Palo Verde, les légionnaires aperçoivent au loin un nuage de poussière : c’est la cavalerie mexicaine, forte de plus mille hommes, elle aussi à la recherche du convoi. À ce moment, l’affrontement devient inévitable.
LA BATAILLE DE CAMERONE
Trois officiers et sous-officiers ainsi que soixante-deux soldats de la Légion sont alors assiégés dans une hacienda du petit village de Camarón de Tejeda (« Camerone » en français). Avant la guerre, l’hacienda servait de relais aux voyageurs sur l’unique piste qui relie le port de La Vera Cruz à la ville citadelle de Puebla. Elle est composée d’une vaste bâtisse comportant une cour entourée d’un mur de trois mètres de haut. Malgré la chaleur, le manque d’eau et de nourriture, les légionnaires opposent une résistance farouche. Ils résistent durant une journée à l’assaut de huit cents cavaliers, mille deux cents fantassins mexicains en imposant des pertes sévères à l’ennemi, 300 morts et 300 blessés.
Bataille de Camerone © Yevgeniy Ponomarev
Malgré une démonstration de force des Mexicains, le capitaine Danjou refuse de se rendre. Les cavaliers mexicains lancent une première attaque, mais sont contraints de battre en retraite après avoir subi de lourdes pertes. Face à une situation quasiment désespérée, Danjou jure de ne jamais se rendre et demande à ses hommes de prêter un serment de fidélité, ce qu’ils font. À midi, le capitaine Danjou est tué d’une balle en pleine poitrine en traversant la cour afin d’inspecter ses positions. C’est au sous-lieutenant Jean Vilain que revient le commandement.
Le Combat de Camerone, Jean-Adolphe Beaucé (1818-1875), 1868, huile sur toile, musée de la Légion étrangère, dépôt du FNAC © Musée de la Légion étrangère.
Vers 14 h, c’est au tour du sous-lieutenant Jean Vilain de tomber, frappé d’une balle en plein front. Le sous-lieutenant Clément Maudet prend alors le commandement.
Après la mort de Danjou et de Vilain, le hommes du colonel mexicain mettent le feu à l’hacienda. Les légionnaires tombent les uns après les autres mais résistent malgré la chaleur et la fumée. À six heures du soir, seuls trois hommes demeurent. Les Mexicains vont donner l’assaut général par les brèches qu’ils ont réussi à ouvrir, mais auparavant, le colonel Milán, gouverneur civil et militaire de Veracruz, adresse une dernière sommation au sous-lieutenant Maudet.
Charge de Maudet. Pierre Bénigni. Source : Musée du Souvenir de la Légion étrangère.
Les hommes du capitaine Danjou, fidèles à la promesse faite à leur chef, déclinent une nouvelle proposition de reddition.
LA FIN DE LA BATAILLE
En fin d’après-midi, il ne reste en état de combattre que le sous-lieutenant Maudet, le caporal Philippe Maine, les légionnaires Catteau, Wensel, Constantin et Leonhard. Au signal de l’officier, ils déchargent leurs fusils et chargent à la baïonnette. Victor Catteau, légionnaire d’origine belge, meurt, criblé de 19 balles en protégeant le sous-lieutenant de son corps. Celui-ci est blessé à deux reprises. À 18 heures, à court de munitions, les trois légionnaires encore en état de combattre s’apprêtent à charger à la baïonnette jusqu’à une mort certaine. Commandés par le caporal Philippe Maine, ils se rendent à l’ennemi à condition de garder leurs armes et de pouvoir soigner leurs blessés. Acceptant les conditions de cette poignée de braves dont le courage l’impressionne, un officier mexicain francophone Ramon Laisné leur répond : « On ne refuse rien à des hommes comme vous ! »
Les rescapés sont présentés au colonel Milán, qui s’écrie : « Mais ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons »).
BILAN DE LA BATAILLE
Vingt-deux officiers, sous-officiers et légionnaires sont tués. Neuf blessés meurent en captivité. Quatre autres disparaissent en captivité. Le tambour Laï est le seul rescapé secouru par la colonne du colonel Jeanningros. Gravement blessé de sept coups de lance et de deux balles, il parviendra à donner un récit précis du combat.
Leur sacrifice n’a pas été inutile puisque le convoi français est parvenu sans encombre à Puebla. Les troupes françaises sont ravitaillées et la ville citadelle de Puebla tombe, lors d’une bataille décisive quelques jours plus tard.
Bataille de Puebla. (Wikimedia Commons).
La prise de Puebla permet d’ouvrir la voie vers Mexico. Le 10 juin 1863, le corps expéditionnaire français entre dans la ville de Mexico.
Entrée du corps expéditionnaire français à Mexico en juin 1863. Peinture de Jean-Adolphe Beaucé, 1868. (Wikimedia Commons).
RECONNAISSANCE
L’empereur NAPOLEON III décida que le nom de CAMERONE serait inscrit sur le drapeau du régiment étranger et que, de plus, les noms de DANJOU, VILAIN, et MAUDET seraient gravés en lettre d’or sur les murs des Invalides à Paris.
Un monument fût élevé en 1892 sur l’emplacement du combat. Il porte l’inscription :
ILS FURENT ICI MOINS DE SOIXANTE OPPOSES A TOUTE UNE ARMÉE,
SA MASSE LES ÉCRASA.
LA VIE PLUTÔT QUE LE COURAGE ABANDONNA CES SOLDATS FRANÇAIS LE 30 AVRIL 1863.
À LEUR MÉMOIRE LA PATRIE ÉLEVA CE MONUMENT.
LA MAIN DU CAPITAINE DANJOU
Après le combat, la colonne de secours envoyée par le colonel Jeanningros ne retrouve que des corps dépouillés. On cherche en vain la main articulée que le capitaine Danjou s’était fait faire dix ans auparavant. La prothèse est finalement retrouvée en juillet 1865 par le lieutenant autrichien Karl Grübert chez le propriétaire français d’un ranch aux environs de Tesuitlan, à 100 km du lieu du combat. Celui-ci la tenait d’un guérillero ayant participé au combat. Le lieutenant Grübert la lui rachète pour 50 piastres mexicaines. Selon une autre source, la main du capitaine Danjou a été retrouvée lors de l’arrestation du général Ramirez qui la détenait.
Elle est ensuite rapportée à Sidi-Bel-Abbès en 1865 par le colonel Guilhem. Depuis, cette relique est conservée dans la crypte du musée de la Légion étrangère à Aubagne. Elle est présentée tous les ans lors de la cérémonie de Camerone, portée par celui qui a été choisi par ses pairs. La bataille de Camerone est célébrée dans toutes ses unités le 30 avril de chaque année. Cette bataille est considérée comme l’acte fondateur de l’esprit Légion, un idéal d’honneur et de fidélité.
La main en bois du capitaine Danjou, Aubagne, musée de la Légion étrangère. (Wikimedia Commons).
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NOTES :
[1] Veracruz est un État du Mexique situé à l’est du pays. La Tierra Caliente (français : Terre chaude) est une région mexicaine s’étendant sur les États de Guerrero, de Mexico et de Michoacán.
SOURCES :
Képi blanc magazine N°754, Spécial Camerone.
Képi blanc magazine N° 863, Spécial Camerone
Pour en savoir plus : Bataille de Camerone — Wikipédia (wikipedia.org)