LA MYSTÉRIEUSE CITÉ D’ARKAÏM

Avant la découverte d’Arkaïm, on ignorait tout du formidable réseau de sites fortifiés de l’âge du bronze des steppes de l’Oural.

LOCALISATION

Arkaïm est un site archéologique situé dans la steppe russe au sud de l’Oural, au nord de la frontière du Kazakhstan. Le site est daté autour de 2040 à 1690 av. J.-C. et est donc contemporain de l’Égypte pharaonique (Moyen Empire).

Arkaïm. Vue aérienne du site d'Arkaïm en 2015

Vue aérienne du site d’Arkaïm en 2015. (Wikimedia Commons).

Par une mesure d’archéologie préventive, le site est découvert en 1987 par une équipe d’archéologues chargés d’évaluer l’intérêt d’une zone située dans la vallée de la Bolchaïa Karaganka, près de la ville de Tcheliabinsk. La zone devant être inondée par la construction d’un énorme réservoir d’eau dès l’année suivante. Aucun des participant ne se doute qu’ils sont sur le point de faire une des plus grandes découvertes archéologiques du XXe siècle.

UNE CITÉ FORTIFIÉE

Les archéologues mettent ainsi à jour la fabuleuse Arkaïm, une cité fortifiée de l’âge du bronze, dont les fortifications et les sépultures sont exceptionnellement bien conservées.

Arkaïm. Les ruines du site archéologique

Le site archéologique est exceptionnellement conservé, l’architecture vise à protéger au maximum les habitants de la cité. (Photo: Les Cahiers de Sciences&Vie N° 176).

Arkaïm occupe le centre d’un réseau de cités fortifiées. Cette vaste zone a été surnommée par les archéologues le « pays des villes fortifiées » et elle s’étend sur une superficie d’environ 400 par 150 km et dénombre plus de vingt autres implantations, dont Sintashta, découverte dans les années 1970.

Arkaïm est située sur une proéminence, la forteresse était protégée par deux épais murs circulaires concentriques bâtis en adobe sur des charpentes en bois et recouverts de briques d’argile crues. L’un de 150 m de diamètre et épais de 5 m, l’autre d’un diamètre de 85 m pour une épaisseur de 3 m. Un troisième rempart et un fossé 2 m de profondeur, aujourd’hui détruits, complètent les défenses. La sécurité semble avoir joué un rôle prépondérant.

Reconstitution de la cité d'Arkaïm avec ses murs d'enceinte circulaires

Reconstitution de la cité d’Arkaïm avec ses murs d’enceinte circulaires, ainsi que ses maisons disposés comme les rayons d’une roue. (Photo: Les Cahiers de Sciences&Vie N° 176).

L’accès de la cité se faisait par quatre passages labyrinthiques surmontés de tours afin de rendre plus difficile une attaque ennemie. Situés aux points cardinaux, ces passages reliaient les murs intérieurs et extérieurs. L’anneau extérieur comprend 39 ou 40 logements, avec des ouvertures donnant sur une rue circulaire qui fait le tour des lieux. L’anneau intérieur comprend 27 logements, disposés le long de la paroi interne, avec des portes ouvrant sur la place centrale carrée de 25 par 27 m. Dans l’enceinte étaient disposées une soixantaine de maisons semi-enterrées pourvues de foyers, de celliers, de puits et de fourneaux pour la forge du métal. Les habitations donnaient sur une rue intérieure circulaire pavée de bois. La rue était longée par un égout de drainage couvert comprenant des trous pour collecter l’eau. De la place centrale les blocs d’habitation étaient disposés comme les rayons d’une roue. Les archéologues estiment qu’environ 1 500 à 2 500 personnes pourraient avoir vécu dans la ville fortifiée.

Ce plan complexe indique que la communauté qui l’a construit disposait d’une structure sociale développée et de dirigeants disposant d’une autorité suffisante pour coordonner ces travaux.

Les habitants de la cité se sont spécialisés dans la fabrication d’armes, la construction des premiers chars à roue rayonnés et le dressage des chevaux. Des innovations qui se sont rapidement répandues en Asie et en Europe.

Les champs autour de la cité étaient irrigués par un réseau de canaux et de fossés. Des vestiges de graines de millet et d’orge ont été trouvés.

La date du XVIIe siècle av. J.-C. suggère que l’établissement de cette cité fortifié était contemporain de la migration indo-aryenne en Asie du Sud (fin de la Civilisation de l’Indus vers 1600 av. J.-C.) et en Anatolie (émergence du Mitanni vers 1500 av. J.-C.).

SINTACHTA

Semblable à Arkaïm, Sintachta est également un site fortifié, datant de l’âge du bronze, vers 2800-1600 av. J.-C. La cité comporte des maisons rectangulaires arrangées en un cercle de 140 mètres de diamètre et entourées d’un mur de terre renforcé de poutre en bois avec des tours et une tranchée profonde à l’extérieur.

MÉTALLURGIE ET CHARS DE COMBAT

Des preuves de la pratique de la métallurgie du cuivre et du bronze ont été identifiées dans chaque maison excavée de Sintachta. Cinq cimetières ont été associés au site, le plus grand contient 40 tombes. Certaines sont des tombes à char, à l’origine des plus anciens chars connus dans le monde. D’autres présentent des sacrifices de chevaux, allant jusqu’à huit dans une tombe. Les tombes comportent également des armes en pierre, en cuivre et en bronze, et des ornements en argent et en or.

Modèle de char de combat, musée d'Arkaim

Modèle de char de combat, musée d’Arkaim. (Wikimedia Commons).

GÉNÉTIQUE

En 2015, une vaste étude fondée sur l’ADN des anciennes populations eurasiennes a révélé une relation génétique étroite entre les peuples de la culture de la céramique cordée et de la culture Sintachta, ce qui pourrait signifier que la culture « Sintachta dérive directement d’une migration vers l’est de la céramique cordée.

la culture de Sintachta dérive probablement de la culture de la céramique cordée

Selon Allentoft (2015), la culture de Sintachta dérive probablement de la culture de la céramique cordée. (Wikimedia Commons).

Ces résultats suggèrent que la culture de Sintachta ne provient pas directement de la culture Yamna, mais, dans le cadre d’une seconde vague de migrations indo-européennes au début de l’Âge du bronze depuis l’Europe centrale vers l’Asie, serait à l’origine de la branche des langues indo-iraniennes.

Un développement des langues indo-iraniennes entre 2100 et 1500 av. J.-C. est intéressant pour l’étude des langues celtiques. En Grèce, au bout d’un laps de temps équivalent apparaît le linéaire B qui retranscrit une forme de grec ancien, le mycénien. C’est pourquoi, il n’est pas déraisonnable de penser que l’évolution vers les langues celtiques a eu lieu au même moment. Donc, que la ou les premières langues celtiques archaïques ont pu se former entre 2000 et 1500 av. J.-C. Ce qui correspond à la culture d’Unétice qui est une culture archéologique du début de l’Âge du bronze en Europe centrale (de 2300 à 1600 av. J.-C.).

CONTROVERSES

Arkaïm a éveillé l’attention des organisations nationalistes, ésotériques, New Age et pseudoscientifiques.

La cité a été surnommé « Swastika City », « Mandala City » ou encore « l’ancienne capitale de la civilisation aryenne des origines ».

Pourtant le site ne peut pas être le berceau des Indo-Européens, car il est trop récent, l’origine des ces derniers remontent plus loin dans le temps. Les cités fortifiées autour d’Arkaïm font partie de la culture dite de Sintachta et celle-ci semble plutôt lié à l’origine des Indo-iraniens qui n’est qu’une des branches des Indo-Européens.

Certains archéoastronomes ont également comparé Arkaïm avec Stonehenge en Angleterre.

Dans les sociétés traditionnelles, pour naître « sous une bonne étoile » ou sacraliser un lieu, un site, temple ou ville, était orienté par des représentants religieux suivant les points cardinaux ou encore les levers et les couchers du Soleil ou de la Lune, par exemple[1]. C’est pourquoi, il n’est pas étonnant de retrouver certaines correspondances avec des phénomènes astronomiques. Ce qui n’en fait pas forcément un observatoire astronomique. Stonehenge était un site sacré auprès duquel les gens venaient guérir ou mourir et il servait également à des cérémonies religieuses. Arkaïm est une cité dans laquelle vivaient des gens vaquant à leurs occupations quotidiennes.

JPS2023

[ACCUEIL]

[1] Un ami, résident en Thaïlande, m’a raconté qu’il lui a été impossible de construire sa maison sans l’accord des moines bouddhistes qui lui ont calculé le moment favorable pour commencer les travaux ainsi que l’emplacement et l’orientation exacte de l’édifice. Ensuite, lors d’une cérémonie, la maison a été bénie pour assurer protection et santé aux habitants.

Sources :

Arkaïm — Wikipédia (wikipedia.org)

Les cahiers de Sciences&Vie, Civilisations disparues, N°176, Mars 2018.