ÉTUDE STYLISTIQUE DU CHAUDRON DE GUNDESTRUP

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 11

Une étude attentive du style permet de déterminer l’intervention de deux artisans pour fabriquer les différentes plaques composant le chaudron de Gundestrup. L’un est un artiste confirmé, le deuxième est beaucoup plus maladroit.  

LES ORIGINES DU CHAUDRON DE GUNDESTRUP (3/3)

Une étude attentive du chaudron a permis d’établir que deux maîtres-artisans ont conçu l’ornementation du chaudron de Gundestrup : le Maître I et le Maître II. Le présent article n’est qu’un résumé des nombreux éléments stylistiques spécifiques qui distinguent les deux artisans[1].

LE MAÎTRE I

Les plaques d’argent du chaudron de Gundestrup attribuées au Maître I sont deux grandes plaques intérieures. Celle du dieu aux bois de cerf (C 6571) entouré d’animaux sauvages et la plaque qui représente un défilé militaire (C 6574) ainsi que trois plaques extérieures. Celle de la déesse aux oiseaux (C 6565), celle du dieu aux dragons (C 6567) et pour finir celle du dieu aux deux porchers (C 6569) même si cette dernière se distingue sensiblement des autres plaques avec sa « grosse tête » et ses bras plus épais.  Il est fort probable qu’il est également l’auteur de la plaque manquante qui comporte comme personnage principal une déesse et qui est ornée d’une scène mythologique primordiale pour la compréhension du chaudron de Gundestrup.

CHAUDRON DE GUNDESTRUP ÉTUDE DE STYLE Dessins du chaudron de Gundestrup1

Plaques d’argent et motifs attribués au Maître I. La plaque C6569 semble faire exception avec ses gros bras, mais le reste des éléments stylistiques (perspective incertaine des personnages et animaux uniquement à deux pattes) sont bien ceux du Maître I ou un de ses élèves. (Source : Frank Falkenstein)

LE MAÎTRE II

La liste des plaques attribuées aux Maître II comporte la magnifique plaque du fond, pièce centrale ornée du spectaculaire sacrifice du taureau céleste par Orion. Trois grandes plaques intérieures figurant la déesse-mère (C 6573) le dieu père (C 6572) et le triple sacrifice du taureau céleste (C 6575). Il est aussi l’auteur de quatre plaques extérieures représentant la déesse entourée des Dioscures triomphants (C 6566), le dieu chasseur de cerfs (C 6568), le dieu entouré d’un boxeur et d’un danseur (C 6570) et la déesse entourée d’un danseur et d’un homme qui se bat contre un animal (C 6564). 

CHAUDRON DE GUNDESTRUP ÉTUDE DE STYLE Dessins du chaudron de Gundestrup 2

Plaques d’argent et motifs attribués au Maître II. (Source : Frank Falkenstein).

LES DIFFÉRENCES DE STYLE

Commençons par les bustes des divinités. Le Maître I représente ses personnages avec des bras trop grêles par rapport au reste du corps, des mains au modelé maladroit et des torques fins autour d’un cou prononcé (plaques C 6565 et C 6567). Tandis que le Maître II donne à ses personnages des bras plus épais, des mains bien faites et des torques plus gros et ouvragés autour d’un cou à peine visible.

CHAUDRON DE GUNDESTRUP ÉTUDE DE STYLE Chaudron de Gundestrup. Le dieu aux dragons       CHAUDRON DE GUNDESTRUP ÉTUDE DE STYLE Chaudron de Gundestrup. Le boxeur et le danseur

Différences de styles entre les Maîtres I (plaque C 6567) et II (plaque C 6570). Nationalmuseet, Danemark.

Les yeux sont en forme de goutte d’eau chez le maître I et ovales aux bouts pointus chez le maître II. Chez le premier, la barbe des divinités masculines se termine par une ligne horizontale sous la bouche, alors que le second représente ses personnages masculins avec des moustaches et des barbes finement ouvragées.

LE MANQUE DE PERSPECTIVE

Pourtant la différence la plus significative entre les deux artistes est la parfaite maîtrise de la perspective du Maître II tant chez les êtres humains que chez les animaux tandis que le Maître I peine à représenter hommes et bêtes dans une perspective appropriée.

CHAUDRON DE GUNDESTRUP ÉTUDE DE STYLE Chaudron de Gundestrup. Le dieu au chaudron  CHAUDRON DE GUNDESTRUP ÉTUDE DE STYLE Chaudron de Gundestrup. Le danseur

Le maître I n’arrive pas à représenter les bras et les jambes dans une perspective convenable par rapport au reste du corps (détail de la plaque C 6574) tandis que le maître II est un virtuose de la perspective. Le danseur en mouvement (détail de la plaque C 6570). La perspective des jambes est exécutée d’une façon remarquable. Nationalmuseet, Danemark.

Les exemples le plus significatifs d’une utilisation maladroite de la perspective chez les animaux du Maître I sont les trains avant du loup et du cerf sur la plaque du dieu aux cornes de cerf.

 Chaudron de Gundestrup. Le cerf et le taureau   Chaudron de Gundestrup. Le loup

La perspective maladroite des pattes du train avant chez le Maître I tandis que le train arrière est représenté correctement. Nationalmuseet, Danemark.

Le Maître I insère de façon maladroite les pattes avant dans le poitrail des animaux. Devant cette difficulté le Maître I préfère représenter le plus souvent ses animaux avec deux pattes, les deux autres étant cachées. Le Maître II représente presque toujours ses animaux avec quatre pattes. L’animal semble figé dans un cas et en mouvement dans l’autre.

 Chaudron de Gundestrup. Le taureau       Chaudron de Gundestrup. La lionne

Taureau à « deux pattes » du Maître I et lionne à quatre pattes du Maître II. La représentation de l’animal est beaucoup plus naturelle dans le second cas. Nationalmuseet, Danemark.

INSPIRATION DU MAÎTRE

Un détail permet d’avancer l’hypothèse que le Maître I s’est inspiré du Maître II pour représenter certains animaux. Il est étrange que le Maître I ne parvienne pas à former correctement le train avant du cerf alors que le train arrière est quant à lui représenté dans la bonne perspective.

Chaudron de Gundestrup. Le cerf  Chaudron de Gundestrup. Le taureau de la plaque du fond

Plaque du dieu aux cornes de cerf (détail) et plaque du fond. Nationalmuseet, Danemark.

Il semble probable que la plaque du fond soit le premier élément fabriqué du chaudron et qu’il ait servi de modèle au maître I pour son cerf. Les trains arrière du taureau et du cerf sont tous deux représentés dans la bonne perspective. Le problème vient du fait que le taureau de par sa position mixte, vue de face et vue de côté en même temps, pour mettre en relief l’avant de l’animal n’a pas pu servir de modèle pour le train avant du cerf. Le Maître I a été ensuite incapable de figurer les pattes avant du cerf dans une position adéquate.

LA TECHNIQUE DU POCHOIR

Le Maître II utilise souvent la technique du pochoir, tant pour ses personnages que pour les animaux. Comme par exemple les personnages qui semblent danser.

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 11 Chaudron de Gundestrup. Détail de la plaque du fond   Chaudron de Gundestrup. Détail   Chaudron de Gundestrup. Autre détail         

Utilisation de la technique du pochoir par le Maître II sur la plaque du fond C 6563 et des plaques C 6570 et C 6564. Nationalmuseet, Danemark.

La plaque C 6575 est une bonne illustration de l’utilisation de cette technique sur laquelle les mêmes motifs sont répétés de façon identique.

Chaudron de Gundestrup. Le triple sacrifice du taureau

Le Maître II reproduit trois fois de suite les mêmes motifs et ne change qu’un seul détail, l’habit du personnage central pour le distinguer des deux autres. Nationalmuseet, Danemark.

Le Maître I semble découvrir cette technique qu’après avoir observé attentivement les plaques du Maître II. Il l’utilise uniquement dans un premier temps sur la plaque du dieu au cerf avec les deux taureaux dans les coins en haut à gauche et à droite. Un test ?

LES DRUIDES SAISON 1 ÉPISODE 11 chaudron de Gundestrup Cernunnos

Plaque du dieu aux cornes de cerf. Nationalmuseet, Danemark.

Par contre, il intègre cette technique de façon beaucoup plus conséquente sur la plaque du défilé militaire sur laquelle les silhouettes des soldats et des cavaliers sont identiques et ne se distinguent que par des détails ajoutés ensuite.

Chaudron de Gundestrup Défilé militaire

Plaque du défilé militaire. Nationalmuseet, Danemark.

CONNAISSANCES TECHNIQUES

Il semble que le Maître I a appris du Maître II. Qu’il s’est inspiré des connaissances techniques (pochoirs, perspective) du second. Il est cependant évident qu’ils n’ont pas travaillé ensemble sur le projet, sinon le grand spécialiste de la perspective aurait pu donner des conseils au second pour améliorer sa technique. Nous ne sommes donc pas dans une configuration maître-élève. Il semble que l’un a travaillé à la suite de l’autre en s’inspirant partiellement du savoir-faire du premier sans jamais le rencontrer. Le chaudron a été construit comme une maison en commençant par les fondations. La plaque du fond servant de base au reste du chaudron. Ensuite, le Maître II a fabriqué ses autres pièces sans rencontrer le second artisan. Le Maître I a étudié la plaque du fond dont il s’est inspiré pour les trains arrière du loup et du cerf. Il a également observé ensuite les autres plaques et s’en est inspiré ce qui explique le caractère mixte de la plaque C 6569 avec des bras plus gros, mais avec des éléments stylistiques (perspective incertaine des personnages, animaux uniquement à deux pattes, barbe qui finit par un trait sous la bouche) qui sont bien ceux du Maître I.

DEUX ARTISTES INÉGAUX

Pourquoi confier la fabrication du chaudron à deux artisans ? Pour aller plus vite sans aucun doute. N’oublions pas que le chaudron a été fabriqué dans l’urgence. Les commanditaires craignant l’invasion imminente de la Grande-Bretagne par César en 55 et 54 av. J.-C. ont pris la décision de briser plusieurs interdits druidiques pour mener à bien la fabrication du chaudron. Le Maître II, le premier artisan sur le projet, a commencé par la plaque du fond. Ensuite les deux artisans ont entamé sans se consulter, mais sur ordre des commanditaires, la fabrication des plaques intérieures avec des motifs bien précis. Au cours de cette première phase, le Maître I a par trois fois pu apprécier le travail du Maître II. Et il s’est partiellement inspiré des techniques de celui-ci[2]. Pourtant dans la chronologie du mythe raconté par une partie des plaques extérieures, il semble que la Maître I a succédé au Maître II dans la fabrication du chaudron. Pourquoi les deux artisans ne se sont-ils jamais rencontrés ? Mystère, mais on peut avancer comme hypothèse le décès du Maitre II qui n’a jamais vu le chaudron complètement fini. Le Maître II est peut-être un homme ayant une longue carrière derrière lui. Il est un artiste accompli. Il maîtrise parfaitement le travail de la tôle, mais il est aussi un excellent dessinateur qui connait parfaitement les règles de la perspective. Le Maître I semble plus jeune, en tout cas moins expert en dessin que son confrère puisqu’il n’intègre pas dans son œuvre ou alors de façon partielle les notions de perspective. Par contre il excelle comme son confrère dans le travail de la tôle.

©JPS2021

[SAISON 1 ÉPISODE 12]

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Bibliographie:

Frank Falkenstein Anmerkungen zur Herkunftsfrage des Gundestrupkessels. In Praehistorische Zeitschrift 79. Band, Heft 1, Herausgegeben von François Bertemes . Bernhard Hänsel Karl Peschel. Karl-Heinz Willroth, Walter de Gruyter. Berlin. New York, 2004. Disponible sur www.academia edu

Image mise en avant :

Détail du chaudron de Gundestrup

Détail du chaudron de Gundestrup. Nationalmuseet, Danemark.

[1] Pour plus de détails le lecteur peut consulter l’excellent article de Frank Falkenstein Anmerkungen zur Herkunftsfrage des Gundestrupkessels. In Praehistorische Zeitschrift 79. Band, Heft 1, Herausgegeben von François Bertemes. Bernhard Hänsel Karl Peschel. Karl-Heinz Willroth, Walter de Gruyter. Berlin. New York, 2004. 

[2] Dans un premier temps, le Maître I a pu observer attentivement la plaque du fond, le premier élément fabriqué du chaudron. Il s’en est inspiré pour la perspective des trains arrière du loup et du cerf. Dans un deuxième temps il a pu consulter une plaque intérieure sur laquelle il a repris l’idée des pochoirs et dans un dernier temps il a vu les plaques extérieures de son confrère et il a tenté de corriger un peu son style en rajoutant des bras plus gros et une moustache mal intégrée au visage à son personnage central de la plaque C 6569. Les autres plaques étant déjà terminée à ce moment-là.